La schubertiade de ce 14 janvier était consacrée au récital d’une musicienne seule sur scène derrière son piano : Aline Piboule. C’est une pianiste engagée, attachée à la transmission aux jeunes et au partage avec le public. Ce concert a révélé combien elle réunit grâce, talent et empathie.
Empathie
Au premier contact, les auditeurs perçoivent immédiatement de façon évidente l’empathie dont fait preuve naturellement l’artiste. Elle présente sa prestation et chaque œuvre de façon évocatrice et sensible par des propos liminaires systématiques, révélant à la fois sa perception de l’œuvre qu’elle va interpréter et ce qu’elle représente pour elle.
Aline Piboule tient visiblement à dépasser le cadre du concert traditionnel pour créer une proximité avec son public en lui offrant une plus grande complicité. Elle détaille sa compréhension de l’œuvre et sa vision de son interprétation. Mêlant ici les styles et les époques, elle aime façonner des univers composites inédits grâce à des programmes originaux plus thématiques que purement musicologiques ou stylistiques. Elle cherche à renouveler le récital de piano classique consacré à un musicien, une époque ou un style.
C’est ainsi qu’elle présente et commente au préalable la 4e ballade, opus 42, en fa mineur de Frédéric Chopin : minuit passe, le cimetière et la mer, extraits des clairs de lune d’Abel Decaux, El Amor y la muerta (ballade de l’amour et de la mort) extrait de Goyescas volume 2 d’Enrique Granados.
Après l’entracte, elle fera de même, avec une évidente admiration, pour Beethoven et sa sonate n°32, opus 111, en ut mineur : Maestoso-Allegro con brio ed appassionato et Arietta-Adagio molto, semplice e cantabile.
Son propos sur cette œuvre est particulièrement chaleureux et admiratif et, après l’interprétation, Aline Piboule avouera au public que c’était la première fois qu’elle interprétait cette œuvre en public ! Pour une première, c’était un coup de maître, un de ces moments magiques pendant lesquels le temps est suspendu et la laideur du monde mis entre parenthèse….
Talent
Car c’est bien de cela qu’il s’agit quand la salle, médusée et conquise, découvre avec quelle dextérité et quelle sensibilité Aline Piboule interprète la si difficile ballade de Chopin, sommet culte de la musique romantique, et avec quelle maîtrise et dans la communion la plus intime avec l’œuvre, elle fait sienne la sonate de Beethoven.
Le jeu de l’artiste est d’une richesse de nuances qu’elle semble capable de tout jouer avec brio et âme. On le constate avec évidence par exemple lorsque, interprétant Abel Decaux, elle crée la terrifiante ambiance des Clairs de lune et leurs nombreuses et sombres dissonances.
Grâce
Le jeu est élégant et délicat, il traduit un engagement total dans l’interprétation des œuvres jouées.
Rarement la personne de l’artiste et son interprétation sont à ce point à l’unisson pour faire vivre à l’auditeur un temps de pure grâce….
Invitée dans les principaux festivals et salles de concert nationaux, elle a également une belle carrière internationale.
Elle a conçu son premier disque en soliste (Label Artalinna 2017) comme un jeu de miroir entre Fauré et Dutilleux, disque qui figure dans la liste « la discographie idéale du piano » du magazine Classica.
Son deuxième disque (Printemps des Arts de Monte-Carlo, Mars 2021) est consacré à Aubert, Ferroud, Samazeuilh et Decaux, compositeurs français du 20ème siècle rarement joués.
Son deuxième disque (Printemps des Arts de Monte-Carlo, mars 2021) est consacré à Aubert, Ferroud, Samazeuilh et Decaux, compositeurs français du 20e siècle rarement joués.
Elle est réputée également en matière de musique de chambre. Avec le flutiste Jocelyn Auburn, elle a d’ailleurs enregistré deux disques qui ont particulièrement été bien accueillis.
Oui, vraiment, Aline Piboule est une pianiste d’exception dont la personnalité et l’approche novatrice la placent résolument parmi l’avant-garde des interprètes du classique …
