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Temps de travail en France (2/2)

Les candidats et la durée du travail

Dans un précédent article, ont été présentés différents aspects de la question du temps de travail. Elle avait été abordée dans un discours présidentiel d’où nous étions partis. La réaction importante des médias à ce qui n’était qu’un point parmi d’autres montre que le sujet reste sensible dans le système politico-médiatique (ce qui ne prouve en rien qu’il le soit dans la population). On peut en effet noter que plusieurs candidats à la présidentielle l’ont intégré à leurs programmes. L’Est républicain en a fait un recensement sur lequel s’appuie la suite de cet article. Avec d’abord un constat global : de manière générale, la droite souhaite assouplir les 35 heures, quand la gauche se positionne plutôt en faveur d’une réduction du temps de travail. On ajoutera le fait que le président actuel explique « je ne suis pas pour changer la durée du travail par la loi »

Ceux qui veulent agir à droite proposent rarement de le faire par la loi (mais Xavier Bertrand envisage de repasser à 39 heures par référendum), plus souvent en favorisant économiquement (impôt et ou charges sociales) les heures au-delà de 35 heures. On sent que le sujet n’est plus vraiment central.

Yannick Jadot et Jean-Luc Mélenchon se prononcent tous les deux pour une poursuite de la réduction du temps de travail. Ils sont sur le sujet en accord avec la CGT qui « relance sa campagne en faveur des 32 heures ».

Sur le sujet, le Parti socialiste apparaît divisé. Anne Hidalgo semble pencher elle aussi pour une réduction du temps de travail. Stéphane le Foll, qui souhaitait lui aussi être candidat, note :« Je suis très surpris que la gauche reparte sur les trente-deux heures alors que ce n’est pas une demande de ceux à qui on devrait s’adresser. » Arnaud Montebourg, dont on ne sait plus très bien où il est, va dans le même sens, en considérant que les salariés préfèrent une augmentation des salaires qu’une baisse du temps de travail.

Petite remarque très personnelle sur le sujet : au moment du passage aux 35 heures, les cadres étaient très demandeurs de jours RTT. La position des autres salariés était plus diverse. En simplifiant très fort, on pourrait dire que les moins bien payés d’une part, les plus jeunes d’autre part, montraient une certaine préférence pour plus de salaire alors que les mieux payés et les plus âgés montraient une certaine préférence pour la réduction du temps de travail. On ne sera pas étonné à cette aune de voir la CGT plaider pour les 32 heures.

Mais la réalité est que, sur la durée du travail comme sur les retraites, la demande citoyenne est massivement de pouvoir choisir, et même de pouvoir faire évoluer ce choix selon ses étapes de carrière et de vie.

Les candidats et les retraites

Plusieurs candidats ont fait de la question des retraites un axe important de leur campagne. On peut trouver ici un diaporama faisant l’inventaire des propositions pour la plupart des candidats. Sans surprise, on trouve sur ce sujet la même distinction droite gauche, avec une exception : Marine le Pen s’est prononcée à plusieurs reprises pour la retraite à 60 ans.

Temps de travail et emploi

Le projet de passage aux 35 heures a clairement été présenté comme un moyen d’augmenter l’emploi et de diminuer le chômage : d’où l’expression « partager le travail ». Au départ, il était question de partager aussi la rémunération, mais cette possibilité a été écartée pour les bas salaires, avec toute la difficulté de définir une limite. Le bilan de ce passage incite-t-il à continuer l’opération ?

Il a été rappelé dans un article sur les retraites que, pour les économistes, la quantité de travail n’est pas un gâteau fixe que l’on peut partager de différentes manières, mais que la quantité de travail augmente avec la population active, c’est-à-dire avec l’offre de force de travail. Diminuer cette offre en passant aux 35 heures ne pouvait que conduire à une réduction du nombre total d’heures travaillées. C’est bien ce qui s’est passé : le nombre d’emplois n’a pas augmenté de 10 %.

Dans la mesure où le passage aux 35 heures n’a pas été réalisé à salaire horaire constant, notre pays a été confronté à trois types de problèmes :

Les 35 heures payées 39 conduisent à un partage de la valeur ajoutée plus favorable aux salariés et moins aux entreprises. L’effet semble avoir été relativement faible, en tous les cas pas au point de provoquer un chômage massif, comme cela a été le cas entre 1973 (premier choc pétrolier) et 1984 (mise en œuvre du plan Mauroy Delors, resté dans les mémoires comme « tournant de la rigueur »).

Le salaire des moins qualifiés a augmenté de manière relative, c’est-à-dire que le ratio entre SMIC et salaire médian a augmenté. Or, il était déjà très élevé (64% en 1984, 58% en 1993, 67 % en 2005) quand il était inférieur à 50 % chez la plupart de nos voisins. La conséquence est connue : cette situation participe à un chômage beaucoup plus élevé chez les moins qualifiés, en particulier ceux arrivant sur le marché du travail, malgré les allégements de charge sur les bas salaires.

L’augmentation importante du salaire horaire a forcément un impact inflationniste sur les prix en général ou sur les coûts d’une entreprise donnée. Cette augmentation a eu lieu alors qu’il n’était pas possible de procéder à une dévaluation pour la compenser (passage à l’euro). La politique dite de désinflation compétitive menée de 1984 à 1993 par les gouvernements de droite et de gauche a largement participé à la réussite économique des premières années Jospin, caractérisées par une création massive d’emplois et une balance commerciale positive (elle l’a été de 1991 à 2004). L’augmentation du salaire horaire, alors que l’Allemagne faisait la politique inverse (réformes Hartz), a participé au déclin du commerce extérieur, alors que l’excédent allemand explosait au contraire. On peut faire l’hypothèse que certains emplois sont passés d’un pays à l’autre. Les valeurs observées sur le commerce extérieur font penser que ces transferts se sont comptés en centaines de milliers d’emplois.

Rien ne plaide donc pour une réduction (ou une augmentation) générale du temps de travail : sur ce sujet, il vaut bien mieux laisser les acteurs (entreprises et salariés) agir. La question de la retraite est à contrario une question nationale, sur laquelle il parait normal que les candidats se positionnent.

  1. […] On voit, à travers ces différents éclairages, que la grande diversité des situations professionnelles, les différentes périmètres (dans le temps comme dans les catégories de modalités de travail) sur lesquels mesurer la durée du travail conduisent à des jugements différents : vouloir résumer cette diversité en une seule formule globale est forcément réducteur. Chacun peut alors être tenté de choisir ce qui correspond le mieux à son calendrier militant. Cela étant dit, l’usage que les médias et les politiques font de cette question mérite d’être analysé, car cela influe directement sur la compréhension qu’on peut en avoir. Cela fera l’objet d’un prochain article. […]

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