Nous sommes allés, mon épouse et moi, écouter le quatuor Van Kuijk samedi dernier à l’Orangerie dans le cadre de la 52e édition des concerts de l’Orangerie de Sceaux.
Ce fut un beau moment musical, même si la programmation ne jouait pas la facilité avec le choix d’œuvres un peu à part, du moins en ce qui concernait Mozart, avec le quatuor appelé postérieurement « les dissonances » (19e quatuor-à cordes en ut majeur, K.465) et Mendelssohn, rendant hommage à sa jeune sœur décédée sous une forme proche d’un requiem (7e quatuor-à-cordes, en fa mineur, opus 80). Programmation également caractérisée par des œuvres de fin de vie, au moins pour Fauré (avec son quatuor-à cordes en mi mineur, opus 121) et Mendelssohn, au moment où les compromis ne sont plus de mise.
Ce qui a caractérisé la prestation du quatuor Van Kuijk, à mes yeux, c’est la grande sensibilité de leur interprétation, capable d’aller de la vigueur la plus totale à l’atmosphère la plus en demi-teinte, voire la plus sombre, notamment avec l’œuvre atypique de Mendelssohn (surtout dans l’allegro molto) jouée avec beaucoup de justesse.
Le quatuor est vraiment très sensible et on comprend que durant ses dix années d’existence, il ait pu cumuler autant de récompenses, comme le premier prix du concours de Trondheim en 2013, ou sa place de lauréat HSBC de l’Académie du festival d’Aix en 2014.
Mais ce que j’ai particulièrement apprécié de la part de Sylvain Favre-Bulle, violon, c’est la teneur de ses propos explicatifs mêlant humour, simplicité et proximité avec le public, le tout sans trace aucune de la pédanterie qui pointe parfois dans le monde de la musique classique.
Formé à l’origine en 2012 autour des frères Nicolas et Sébastien Van Kuijk, le quatuor comprend aujourd’hui Nicolas Van Kuijk, violon, Anthony Kondo, violoncelle, Sylvain Favre-Bulle, violon et Emmanuel François, alto. Il accumule les récompenses depuis quelques années, contribuant ainsi à sa notoriété grandissante.
Élu « Rising Stars » pour la saison 2017/2018 par le réseau ECHO qui réunit les plus grandes salles de concert européennes, le quatuor a remporté en 2015 le Premier prix du « Wigmore Hall String Quartet Compétition », assorti des prix Haydn et Beethoven, et a été BBC New Generation Artists de 2015 à 2017. En 2013, le quatuor Van Kuijk a remporté les premier prix et prix du public au concours international de Trondheim en Norvège, affirmant ainsi une personnalité et un talent hors du commun. Il est également ‘Lauréat HSBC’ du festival d’Aix-en Provence.
Le quatuor a su restituer avec une grande fidélité l’état d’esprit des compositeurs, adoptant par exemple la posture extrémiste de Mendelssohn qui abandonne ici résolument ses préoccupations esthétiques habituelles et n’hésite pas à exprimer colère et romantisme le plus sombre.
Il a tout aussi bien su restituer le caractère fort peu mélodique, tout en harmonies qui installent des ambiances sombres et amères, avec l’œuvre de Fauré qui écrivait à sa femme en 1923 qu’il avait décidé de s’attaquer au quatuor à cordes, abandonné de tous depuis les prouesses de Beethoven dans ce domaine.
Afin de terminer le concert sur une note plus gaie que la tonalité générale de l’après-midi, le quatuor Van Kuijk a choisi, pour le rappel, d’interpréter sa transposition particulièrement réussie des « Chemins de l’amour », pièce du début du XXe siècle de Francis Poulenc : un tonnerre d’applaudissements de la salle a chaleureusement clôturé ce bel après-midi. Cette transposition est à elle seule un condensé de l’enthousiasme, de la passion, de la fougue et de la virtuosité du quatuor…
Le festival des concerts de l’Orangerie se terminent le 26 septembre prochain avec une très belle programmation. Je regrette en particulier de n’avoir pas réagi assez vite pour la soirée hommage au pianiste de jazz, Chick Corea….