La vaccination a-t-elle permis de construire une immunité collective dans certains pays et peut-on l’espérer pour bientôt en France ? Est-ce au contraire irréaliste d’attendre ce résultat dont certains pays avaient rêvé il y a un an ?
Qu’est-ce que l’immunité collective ?
Selon Wikipédia, l’immunité collective (ou grégaire) est le phénomène par lequel la propagation d’une maladie contagieuse peut être enrayée dans une population si une certaine proportion des individus est immunisée, soit par vaccination, soit pour avoir déjà été contaminés.
Au cœur de cette question, le taux de reproduction de la maladie, R0. Celui-ci représente le nombre de personnes qu’une personne atteinte va contaminer à son tour, en moyenne, dans une population non immunisée. Pour illustrer son impact, imaginons que R0 est égale à 2 et que 100 personnes contaminées arrivent dans une région où personne ne l’est. Elles en contaminent 200, qui en contaminent elles-mêmes 400 lors du cycle suivant. L’évolution est exponentielle et lors du dixième cycle, 100 000 personnes sont contaminées.
Dans le cas du Covid 19, R0 est de 3,3 environ pour le variant classique, et peut-être de 5 pour le variant anglais. Le cycle de contamination est d’environ 1 semaine. Avec un R0 de 3,3, on multiplie le nombre de contaminés par 390 en 5 semaines et par 153.000 en 10 semaines. Le 6 mars 2020, il y avait 613 cas identifiés. Sans le confinement, l’ensemble des Français auraient été touchés avant le 15 mai et on aurait compté probablement un million de morts (les hôpitaux étant complétement débordés).
R0 est intrinsèque à une maladie. Par exemple, il est de 2 pour la grippe et de 12 pour la rougeole, maladie très contagieuse. Mais le coefficient de reproduction constaté peut-être différente de ce R0, soit parce qu’on a pris des mesures pour freiner la maladie (par exemple le port du masque et les gestes barrières), soit parce qu’une partie de la population ne transmet plus la maladie, parce qu’elle a développé des anticorps. Pour casser la propagation de l’épidémie, il a été nécessaire de mettre en place un confinement, puis diverses mesures contraignantes. Pour pouvoir sortir de ces contraintes, il existe une solution : que le nombre de personnes ayant des anticorps soit suffisant pour atteindre l’immunité collective et que le R effectif passe sous 1.
Revenons au cas où R0 est de 2. Cette moyenne se maintient tant que les personnes que croise une personne sont « vierges » vis-à-vis de la maladie, qu’elles ne l’ont jamais rencontrée et n’ont donc pas développé d’anticorps. Si au contraire, une personne sur deux a développé des anticorps (par la maladie ou par vaccination), alors le coefficient de reproduction, que nous appelons alors R, est divisé par 2, ce qui le rend égal à 1. Imaginons maintenant que les ¾ de la population ont déjà des anticorps, alors R n’est plus que de 0,5.
Imaginons maintenant dans cette situation que 100 personnes contaminées débarquent : elles vont en contaminer 50, qui en contamineront à leur tour 25 etc. En une dizaine de cycle, après qu’une centaine de personnes ont été touchées, l’épidémie s’arrête d’elle-même. C’est dans ce cas que l’on parle d’immunité collective : quelques individus sont touchés, mais la maladie ne « prend » pas.
Quand aura-t-on une immunité collective pour le Covid ?
L’immunité collective s’obtient quand le taux de reproduction effectif, R, est inférieur à 1, sans mesures de protection. Appelons T la part des personnes immunisées (car vaccinées ou ayant déjà eu le Covid). Quelle est la valeur de T actuellement ? On a au moins 25% des Français qui ont déjà eu la maladie et 20% qui ont été vaccinés. Si on admet qu’un quart des vaccinés avaient déjà été malades, on a un T un peu supérieur à 40%, ou plutôt, qui le sera dans une quinzaine de jours, le temps que les derniers vaccinés développent une immunité.
Cette valeur de T ne permet pas encore d’avoir une immunité collective, mais elle participe à freiner la diffusion de la maladie, puisqu’elle fait baisser R. Mais pas suffisamment : pour éviter que la maladie se diffuse plus rapidement, il faut continuer les mesures qui la freinent, comme le port du masque, l’aération des logements ou la fermeture des restaurants.
Mais T augmente régulièrement. La circulation du virus se traduit actuellement par près de 1% des Français contaminés chaque semaine. Trois millions de Français ont reçu leur première dose dans les deux dernières semaines. En tenant compte du fait que certains des vaccinés avaient déjà été contaminés, on peut estimer que T augmente de 2 % par semaine. Et donc qu’il atteindra un taux de 80% dans 20 semaines (à taux d’augmentation constant). Cela apporterait l’immunité collective (voir note) mais cela suppose qu’une part suffisante de la population accepte de se faire vacciner, ce qui n’est pas assuré pour l’instant.
Mais les nouveaux variants ?
Les calculs précédents supposent que la vaccination ou le fait d’avoir déjà eu le Covid protègent de celui-ci. Or, on a pu observer que le variant brésilien affecte des personnes ayant déjà eu la maladie, et que le vaccin ne protège pas forcément de tous les variants. Ce sont ceux-là qui vont se propager en priorité quand on aura atteint l’immunité collective pour le variant anglais ou le variant classique.
Il faudra donc se faire vacciner de nouveau d’ici six mois ou un an avec un vaccin modifié. Il est probable que d’ici là les capacités de production auront augmenté notablement et que le rythme de vaccination sera nettement plus rapide. On comprend aussi qu’il faut aussi vacciner la planète entière pour éviter que de nouveaux variants plus dangereux apparaissent : plus le virus se reproduit, plus il est probable que de nouveaux variants apparaissent.
Note: Pour les amateurs, rappelons qu’il existe une relation algébrique entre le R le taux réel de reproduction, R0 le taux intrinsèque à un virus et T le pourcentage de personnes immunisées exprimé sous forme décimale. On a R=R0(1-T). Ce qui donne 1-T < 1/R0, ou encore T= 1–1/R0. Donc si R0 = 3,3 (variant classique), on obtient T= 0,7. Et si R0=5 (variant anglais), cela donne T = 0,8. Ce qui revient à dire que l’immunité collective est atteinte à partir de 70% de la population pour le virus classique et à partir de 80% de la population pour le variant anglais.
[…] L’immunité collective, c’est bien pratique, elle permet de revivre ensemble sans contrainte sanitaire. Des pays asiatiques qui ont su limiter fortement le nombre de cas Covid par des mesures fortes sont aujourd’hui confrontés à une méfiance de leur population vis-à-vis du vaccin ! […]
La modélisation réalisée par l’Institut Pasteur est publiée le 19 avril estimait à 22,7 %(+ ou – 3%) la part de la population ayant déjà eu le Covid (mais à 40 % en IDF)
https://modelisation-covid19.pasteur.fr/realtime-analysis/infected-population/
Au 30 avril, 23,3 % des Français ont reçu au moins une dose