Avoir une ville en son gouvernement, selon l’ancien usage du mot, c’est l’administrer, conduire ses affaires. Le gouvernement, autrefois, renvoyait au soin pris sur quelque chose d’une façon bien plus générale que le sens pris de nos jours qui le relie à l’Etat, à l’ensemble des ministres responsables devant le Parlement.
C’est avec cette définition en tête qu’il convient de lire ce que Rousseau (Jean-Jacques pour les intimes) écrivait en 1762 dans le Contrat Social. On comprendra que les divisions qui irréductiblement marquent le gouvernement des choses et des hommes ne date pas d’hier et ne finira pas demain. L’ami JJ se pose la question de savoir quel pourrait être le bon gouvernement (la formule consacrée aujourd’hui n’est-elle pas quelque chose comme « être à l’écoute » ou « participatif »). Il y répond ainsi.
Cependant on ne la résout point, [la question du bon gouvernement] parce que chacun veut la résoudre à sa manière. Les sujets vantent la tranquillité publique, les citoyens la liberté des particuliers ; l’un préfère la sureté des possessions, et l’autre celle des personnes ; l’un veut que le meilleur gouvernement soit le plus sévère, l’autre soutient que c’est le plus doux ; celui-ci veut qu’on punisse les crimes, et celui-là qu’on les prévienne ; l’un trouve beau qu’on soit craint des voisins, l’autre aime mieux qu’on en soit ignoré ; l’un est content quand l’argent circule, l’autre exige que le peuple ait du pain. Quand-même on conviendrait sur ces points et d’autres semblables, en serait-on plus avancé ?
Contrat social Livre III Chapitre 9
La dernière interrogation est touchante. Même si on s’entendait sur tout, est-ce qu’on s’entendrait mieux ? Et on peut croire que non. Quelle terrible destinée que d’être ensemble ? Quelle plus terrible destinée que d’être seuls. Pas de quoi renoncer à la dispute qui est de nos habitudes, mais de quoi se dire qu’elle devrait se modérer. Elle a l’éternité pour elle, autant se ménager.
A la lecture du Contrat social, on comprend que JJ Rousseau a une solution à cette question de la diversité des opinions : ceux qui ont un avis différent de celui de la majorité doivent comprendre qu’ils se sont trompés!
« Quand on propose une loi dans l’assemblée du peuple ce qu’on leur demande n’est pas précisément s’ils approuvent la proposition ou s’ils la rejettent, mais si elle est conforme à la volonté générale qui est la leur … du calcul des voix se tire la volonté générale. Quand l’avis contraire au mien l’emporte, cela ne prouve autre chose sinon que je m’étais trompé et que ce que j’estimais la volonté générale ne l’était pas »
Je n’ai jamais compris comment on pouvait considérer JJ Rousseau comme un philosophe démocrate
Il considère que le peuple est « Un » et en tire les conséquences que l’on peut imaginer:
Qui veut la fin veut les moyens, et ces moyens sont inséparables de quelques risques, même de quelques pertes Tout malfaiteur attaquant le droit social, devient par ses forfaits rebelle et traître à la patrie, il cesse d’en être membre en violant ses lois et même il lui fait la guerre. Alors, la conservation de l’État est incompatible avec la sienne, il faut qu’un des deux périsse, et quand on fait mourir le coupable, c’est moins comme citoyen que comme ennemi
Songeons qu’à la même époque Voltaire publie au contraire son traité de la tolérance, vibrant appel à la protection des minorités
Avec Camus, je crois que ce qui définit une démocratie, ce n’est pas le pouvoir de la majorité mais la protection des minorités
J’ai écrit tout le mal que je pense de JJ Rousseau ici :
https://verel.typepad.fr/verel/2009/08/rousseau-et-la-d%C3%A9mocratie.html
On peut aussi lire les articles précédents. Cela commence ici : https://verel.typepad.fr/verel/2009/08/jean-jacques-rousseau.html