L’histoire vient de se dérouler à Toulouse, mais personne ne croira qu’elle n’aurait pas pu arriver à Sceaux. Et comme le droit s’applique à la nation tout entière, on ne sera pas insensible aux attendus du jugement qui a été rendu. C’est histoire d’un squat. La maison d’un octogénaire, dénommé Roland dans la presse, absent la semaine pour être proche de sa femme dans un Ehpad d’Albi (à 80 km) s’est trouvé un jour de septembre dernier occupée par des squatteurs.
L’homme porte plainte, fait constater par huissier l’état d’occupation, demande l’expulsion. Un jugement est prononcé le 23 octobre par le juge des référés. Le bien-fondé de sa demande est reconnu. Ensuite, raconte La Dépêche du Midi, « Le magistrat a examiné ensuite les délais auxquels ont droit les squatteurs avant expulsion, le délai légal de deux mois une fois l’expulsion signifiée et celui qu’accorde la trêve hivernale (jusqu’au 1er juin cette année). » Neuf mois, avant de pouvoir rentrer chez lui, à supposer qu’une rallonge ne soit pas accordée.
Vous vous demandez pourquoi la recevabilité (n’est-elle pas généreuse ?) de la plainte n’est pas accompagnée d’un ordre de libération immédiate ? Eh bien, pour cela, il aurait fallu que le bonhomme puisse démontrer qu’il y a eu effraction. Si on comprend bien, il suffit qu’un groupe bien déterminé et bien documenté (des organisations se chargent de la formation) s’installe chez vous, prenne soin de changer proprement la serrure, et rien ne montre l’effraction. Le juge, comment lui en vouloir, devant l’absence de preuve absolument absolue, ne peut qu’apprécier le droit de propriété comme pas vraiment absolument défendable. Il en faut pas mal pour convaincre la justice : « … aux yeux du juge : la seule présence de deux chaînes à vélo sur le portail n’a pas suffi pas, ni un témoignage sur la présence de jeunes autour du portail une nuit. » Vu comme ça, c’est plus clair. Il faut du lourd.
Il y a pire. Et l’octogénaire n’a qu’à aller se rhabiller. Deux indiscutables raisons de circuler sans demander son reste. Une, ce n’était pas une résidence principale, Roland passe la semaine à Albi, à se goberger près d’un Ehpad. Deux, la maison était en vente. Là, c’est foutu. Comment oser virer quelques douzaines de squatteurs d’un pavillon en vente ? D’ailleurs, pourquoi vendre puisqu’il n’y habite pas. Mais, n’exagérons pas, pour le juge, la vente peut seulement attendre et l’expulsion aussi. Une manière de dire qu’il revient aux particuliers d’héberger tous ceux qui leur font l’honneur de s’installer chez eux, surtout l’hiver.
L’histoire ne s’arrête pas là. On le sait, dans ce cas, la police n’a pas le droit d’intervenir. Aussi, des voisins, solidaires du grand-père, se regroupent, répandent la nouvelle, mobilisent. Ils font masse devant les squatteurs pourtant fort nombreux (on parle d’une trentaine), montent des gardes devant le pavillon. Ils cherchent à négocier sans baston, et malgré les projectiles qu’ils reçoivent, parviennent à un compromis : les squatteurs quitteront la maison sans violence ; la police et les médias ne seront pas présents.
Le deal réussit. La justice se fait non par la force publique, mais par la force du voisinage. De quoi être optimiste sur la réserve de solidarité qui peut se former dans les quartiers. Mais de quoi être pessimiste sur l’incapacité dans laquelle on maintient la police. Le délit est patent, le désordre aussi, la plainte de la victime reconnue. Elle n’est autorisée qu’à laisser faire. On voudrait la discréditer, on ne s’y prendrait pas autrement.
Quelques jours après l’évacuation, les voisins se réunissent autour d’un apéro. Un truc simple et cool. On partage avec Roland sa joie d’être sorti de l’épreuve. Pas longtemps. Une douzaine de types cagoulés, vêtus de noir, avec à la main la matraque la bombe à gaz lacrymogène débarquent, frappent, aspergent, démolissent. Puis dégagent. Il paraît que les squatteurs sont stigmatisés. C’est sûrement l’explication.
Je vais donc attendre patiemment que la même histoire se déroule à Sceaux et suivre avec intérêt l’action de la justice. Locale ?