La commission européenne vient de publier un rapport sur la manière dont les médias traitent les affaires européennes.
Êtes vous bien informé sur les affaires européennes ?
On ne retiendra ici d’un volumineux rapport de plus de 200 pages que le schéma suivant (figure 42 page 53) :
30 % des sondés de l’UE à 28 estiment être bien informés en matière européennes. Ce pourcentage tombe à 17 % en France, ce pays étant le deuxième plus mal placé sur 28, après le Portugal.
Si le score global est déjà faible en soi, pourquoi l’est-il à ce point dans notre pays ?
Un petit rappel du contexte
La France est un des pays fondateurs de l’Europe, et pas des moindres. Parmi ceux qu’on a coutume d’appeler les pères fondateurs figurent 2 Français sur 7 (Jean Monnet et Robert Schumann). Avant l’arrivée des pays de l’Est, la France était géographiquement au cœur de l’UE.
Les Français ont longtemps été favorable à la construction européenne. Lors du referendum du 23 avril 1972 (sur l’ouverture de l’UE au Danemark, à l’Irlande et au Royaume Uni), 60,7% des électeurs se déplacent pour voter. Le « oui » l’emporte largement (68,3%).
L’enthousiasme avait déjà beaucoup baissé le 20 septembre 1992, lors du referendum sur la ratification du traité de Maastricht. Le « oui » ne l’emporte alors que de peu (51,1 %), malgré un afflux conséquent d’électeurs (69,7 % de participation).
Un référendum enflammé
En mai 2005, Jacques Chirac trouve utile à sa cause de montrer à quel point les socialistes sont divisés (ce que le quinquennat de François Hollande confirmera) en soumettant au référendum le projet de constitution européenne. La France s’enflamme et il y a encore une fois 55 % de participation. Le « non » l’emporte avec 55 %.
Deux ans plus tard, le président nouvellement élu approuve à Lisbonne un nouveau traité qui reprend la majorité du projet de traité constitutionnel. Ceux qui avaient voté « non » sont scandalisés, et pour certains d’entre eux, durablement. Pourtant, lors de la présidentielle, aucun projet alternatif ne semble les avoir convaincus. Plus fort : plus des trois quarts d’entre eux (77,2%) ont accordé leur vote à des candidats qui s’étaient clairement prononcé pour le « oui » en 2005 (N. Sarkozy, F. Bayrou, S. Royal et D. Voynet).
En 2017, trois des quatre candidats arrivés en tête au premier tour étaient des partisans du « non » au référendum de 2005 (et le 5ème, B Hamon était dans le même cas). Mais c’est le seul manifestement pro européen qui arrive en tête et gagne l’élection…
Derniers sondages
Dans un sondage réalisé début 2018 dans toute l’Europe, les Français se disent à la fois attachés (à 59 %) à l’UE, mais aussi méfiants (33% ont confiance et 38 % sont « neutres »)
Un sondage réalisé en 2020 à l’initiative de l’Institut Jacques Delors soulignait à la fois que l’adhésion à l’UE dépendait des thèmes et la faible information des français sur les questions européennes.
Essai d’explication
L’institut jacques Delors propose plusieurs explications à son propre sondage, explications que l’on reprendra ci-dessous :
- Une culture politique unitaire en décalage avec la culture européenne du compromis : les discussions sur la constitution européenne avaient montré à quel point beaucoup de français sont éloignés de la culture politique de compromis qui est au cœur du fonctionnement européen
- Une culture socio-économique marquée par une certaine défiance voire une hostilité au libéralisme : les représentations négatives du libéralisme, du libre-échange et de la concurrence impactent négativement le rapport que maints Français entretiennent au marché qui constitue le cœur de l’Union européenne.
- Le projet gaulliste d’une Europe comme instrument permettant à la France de promouvoir ses intérêts nationaux. Les élargissements aux pays d’Europe centrale et orientale obligent la France à une clarification de son projet européen dans la mesure où les Français découvrent que « l’Europe n’est pas la France en grand »
La responsabilité des médias
Au-delà des points évoqués ci-dessus, les principaux médias (et en tout premier ceux télévisuels) ont une responsabilité majeure dans la méconnaissance des français.
- D’abord parce qu’ils ne consacrent généralement que très peu de temps à ces questions
- D’autre part parce que souvent leur propos se résume à « est ce que nos partenaires vont accepter la position française ? » Comme si celle-ci était la meilleure par nature. Quand explique-t-on les raisons que peuvent avoir nos partenaires d’en avoir une autre (sauf pour la tourner en dérision) ?
En guise de conclusion
Les responsables des médias pourraient rétorquer qu’ils ne parlent guère d’Europe parce que cela n’intéresse guère les français. Faut il voir une lueur d’espoir dans le fait que de plus en plus de jeunes participent au projet Erasmus ?
PS du 30 /09 : cette nuit, 4 chaînes d’info française ont diffusé le débat entre Trump et Biden pour la présidentielle aux États-Unis. Aucune n’a diffusé le discours sur l’état de l’UE prononcée par Ursula Von der Leyen devant les députés européens. (tweet de Jennifer Richard )