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Quelques réflexions politiques

La montée du vote FN (puis RN) s’est produite depuis 40 ans en même temps que la chute de la participation aux élections. Elle s’est accompagnée plus récemment de la montée d’un vote radical à gauche. De nombreuses causes ont été proposées On se gardera ici d’en retenir une principale pour préférer un inventaire personnel, forcément partiel.

Impuissance du politique

La capacité d’agir des politiques n’est certainement pas à la hauteur des promesses électorales qu’ils font. Ce qui ne signifie pas qu’elle est nulle. Mais elle doit nécessairement prendre en compte de nombreuses contraintes, à commencer par celle de l’interdépendance avec les voisins. Les exportations (et les importations) représentent aujourd’hui entre 36 et 38% du PIB. Une part qui a plus que doublé depuis les années 60. Avec plus d’avantages que d’inconvénients. Les Britanniques qui ont choisi le Brexit il y a sept ans l’ont appris à leurs dépens.

Immédiateté et long terme

Autre problème : l’attente de résultats immédiats. Il y a quelques domaines où une loi suffit à réaliser un changement (abolition de la peine de mort, mariage gay, par exemple). Mais la plupart du temps, les délais d’application sont longs (souvent deux ans) et on ne parle ici que de l’action, pas des résultats.

Certains délais sont encore beaucoup plus longs :  le Grand Paris Express a été décidé en 2009.  Ce mois-ci, pour la première fois, un tronçon de ce projet va être inauguré (ligne 14). Quinze ans après. On manque de médecins.  Mais il faut 8 ans pour former un généraliste et 11 ans pour un spécialiste.

Croissance en berne

La croissance annuelle du PIB est de plus en plus faible : les 5% des trente glorieuses ne sont plus qu’un lointain souvenir. On évoque plutôt aujourd’hui 1% en moyenne ! Il y a donc de moins en moins de grain à moudre.

Pire, les progrès de productivité semblent en grande partie absorbés par des normes de plus en plus nombreuses. Des normes qui améliorent peut-être la qualité générale de vie mais qui ne donnent pas de marges de manœuvre aux ménages dans la gestion de leur budget.

Inflation

Alors que l’Europe craignait la déflation en 2020, les différents confinements un peu partout, et surtout en Chine, ont créé de nombreux goulots d’étranglements. La conséquence logique a été une reprise de l’inflation, montée à 6% en 2022 en France. Un phénomène provisoire ( elle est actuellement de 2,4%), mais qui a appauvrit les ménages.

Marine Le Pen a eu l’habileté de pointer cette question dès la fin de 2021. Qu’elle n’ait pas vraiment de solutions au problème n’y change rien : son score à la présidentielle de 2022 en a largement profité. Et le RN en profite encore.

Jean-Luc Mélenchon, ayant auparavant demandé plus d’inflation, a réagi plus tardivement en proposant mi-2022 le blocage de certains prix. Il proposait en même temps un choc de demande totalement inadapté au contexte (mais la plupart des électeurs ne l’ont probablement pas compris).

Individualisme

En 50 ans, l’individu a été de mieux en mieux pris en compte par la société, dans ses besoins et ses spécificités. Il y a bien sûr beaucoup d’aspects positifs dans cette évolution. Mais elle a aussi des impacts néfastes, avec des refus de prendre les autres en considération. Les enseignants peuvent voir les conséquences que cela peut avoir dans l’attitude de certains parents.

Il y a 30 ans ou 40 ans, les sociologues et les politistes pointaient la perte de l’influence de deux forces qui imprégnaient auparavant les comportements en France: l’Eglise catholique et la Parti Communiste. Mais c’est peut-être toute l’importance accordée au collectif qui a disparu en même temps. Une société démocratique a pour caractéristique de respecter l’individu, à l’inverse des dictatures. Mais que se passe -t-il quand les individus se désintéressent du collectif ?

Les boomers

Les boomers, ce sont ceux qui sont nés pendant le baby-boom. Sur les réseaux sociaux, ils sont réputés avoir défini les règles en leur faveur, au détriment des plus jeunes. La réalité est évidemment plus complexe. Mais certains faits sont têtus : la France consacre aujourd’hui aux seniors (à travers les pensions de retraite et le système de santé) 6% de plus du PIB qu’en 1980. Dans le même temps, les allocations familiales et les avantages fiscaux pour les familles nombreuses n’ont fait que diminuer…Et le chômage a touché les jeunes en priorité.

Des diplômes dévalorisés

Le bac pour 80 % des jeunes, l’accès aux études longues pour une bonne part d’entre eux, a parfois été vécue comme une tromperie. Parce que derrière cette évolution, il y avait aussi l’idée qu’il faudrait des ouvriers bacheliers. Et que le niveau exigé pour un métier donné est de plus en plus élevé. Avoir un bac plus 5 n’est plus du tout aujourd’hui la garantie d’avoir le statut cadre par exemple.

Conséquence : un sentiment de déclassement social pour certains, l’impression que les efforts accomplis n’ont pas permis l’ascension sociale espérée par d’autres.

Des événements qui ont créé la défiance

1983, le tournant de la rigueur, 1984, le FN a 10 élus aux européennes. Beaucoup pensent que leur « non » au référendum de 2005 a été trahi ensuite. Le quinquennat de Hollande et ses frondeurs a évidemment eu des conséquences désastreuses pour le PS…et ouvert la porte à Mélenchon.

De manière générale, quand vous avez essayé les deux camps qui ont alterné au pouvoir et qu’ils vous ont déçus tous les deux, il est tentant de se tourner ailleurs !

Focalisation sur des micro-événements

On disait jadis qu’un train qui arrive à l’heure n’est pas une information. Les médias ont tendance à privilégier l’information provocante. Le problème a été multiplié à l’heure des réseaux sociaux. Leurs algorithmes vont systématiquement mettre en avant les informations les plus trash. Qu’elles soient vraies ou fausses.

Foin aussi de la nuance. A l’heure du tweet de 180 caractères ou de la vidéo de 15’’, le message doit être le plus simple possible. De là à verser dans le simplisme, il n’y a évidemment qu’un pas.

Sécurité et immigration

C’est évidemment le cœur du message du Rassemblement national : « nous ne sommes plus en sécurité en France et c’est la faute des immigrés ». Un message qui se conjugue avec un rejet de l’Islam et une confusion entre les musulmans et les terroristes islamistes.

L’insécurité augmente-t-elle ? Les homicides ont été divisés par près de 3 depuis le début des années 80, mais c’est plus simple de focaliser l’attention sur telle ou telle affaire montée en épingle comme représentative. D’autant plus que la demande de sécurité est légitimement importante :  nous vivons dans une société apaisée, où chacun demande à vivre en sécurité.

On en arrive à ce que Bardella peut tranquillement déclarer que demain, s’il est premier ministre, il n’y aura plus de Casher et d’Hallal en France. Apparemment, cela plait à son électorat.

Perte de confiance dans les élites

Tous les sondages le montrent : la confiance dans les élites, et en particulier dans les responsables politiques est au plus bas. Une des raisons de la perte de confiance de beaucoup de citoyens dans les responsables politiques, outre toutes les raisons évoquées ci-dessus, c’est le sentiment que ces responsables ne font eux-mêmes pas confiance aux citoyens.

On sait qu’Édouard Philippe est le seul politique à avoir plus d’opinions positives que de négatives. On fera ici l’hypothèse que c’est notamment parce qu’il a su, au moment du Covid, donner le sentiment d’être prêt à prendre le temps de répondre aux questions des Français. Qu’il a su dire que sur certains points on ne savait pas. Et qu’on pouvait devoir changer d’avis au fur et à mesure que les connaissances scientifiques augmentaient sur ce sujet.

Prochain article : réflexions sur la dissolution

4 Commentaires

  1. Jean-Claude Herrenschmidt Jean-Claude Herrenschmidt 30 juin 2024

    Proposer une réflexion politique n’est-il pas, d’une certaine manière, tenir un discours politique donc faire de la politique ?

    • Gérard Bardier Gérard Bardier Auteur de l’article | 1 juillet 2024

      je dirais plutôt que c’est participer au débat politique

  2. Jean-Claude Herrenschmidt Jean-Claude Herrenschmidt 30 juin 2024

    Je ne suis pas certain qu’il y ait un accord, franc et massif comme disait le Général, sur le sens donné à « faire confiance » ou « avoir confiance ».
    Les philosophes en débattent depuis des siècles sans avoir, semble-t-il, réussi à dégager une formulation simple et partagée par tous.
    Du coup, tout le reste devient difficile.

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