Les sept rencontres « Parlons ensemble des Blagis », en se décantant, m’ont laissé l’impression la participation citoyenne à la vie de la cité, pour salutaire qu’elle soit, ne se déroule pas comme une pelote de laine. Si les élus demandent à leurs administrés ce qu’ils ressentent, ce qu’ils attendent, ce qu’ils voudraient pour leur quartier, immanquablement c’est l’intervention de la municipalité qui est sollicitée. Mais l’esprit d’un quartier, c’est aussi de la responsabilité de ses habitants, cela a été souligné plusieurs fois par les élus. Si le débat visait d’abord à donner la parole aux habitants, à écouter leurs doléances, une sorte de double attente s’est instillée : les habitants attendent des mesures de la mairie et des bailleurs ; la mairie attend des habitants un engagement collectif.
Si tout le monde s’accorde à penser que rien ne se fera sans les uns et les autres, il reste à savoir comment ça peut s’articuler et surtout se déclencher ensemble. C’est le défi qui est lancé et que devront relever les différents acteurs dans les mois qui viennent. En attendant, on a le sentiment que ce va-et-vient découlait pour beaucoup de la conduite même des réunions.
Les limites au temps de parole sont inhérentes au collectif. Plus on est nombreux, plus il faut partager ; c’est comme un gâteau. Réduire le temps de parole à quelques énoncés courts pousse à ne retenir que le plus immédiat ; il ne pousse pas à interagir, surtout quand on n’y est pas invité.
A la limite naturelle du temps de parole s’est aussi ajoutée une limite imposée par un jeu de trois vidéos d’entretiens faites à l’avance et montrées à chaque fois. Ces vidéos ont pris quelque chose comme un quart du temps, sans pourtant dire rien de radicalement différent de ce qui était dit sur Zoom par les participants. On croit comprendre l’idée qui a conduit à montrer ces vidéos à chaque fois : les nouveaux participants devaient prendre connaissance du contexte et pendant les premières sessions, elles avaient l’avantage de le rappeler. On en comprend aussi l’inconvénient : ceux qui ont participé à toutes les rencontres ont vu sept fois la même chose et voyaient le temps s’écouler dans les rappels. Pour juger de la pertinence de la méthode, il faudra savoir quelle était la part des nouveaux participants par rapport aux « aficionados ». Toujours est-il que la parole accordée aux participants sur Zoom s’en trouvait hypercourte, par manque de temps.
Un effet de frustration était ainsi créé. Une certaine frustration est positive ; elle prouve qu’on a envie de dire des choses. Et ces choses resteront d’autant en nous, prêtes pour un débat futur, qu’on a le sentiment de ne pas avoir pu dire ce qu’on voulait. Mais cette frustration utile n’a pas besoin d’être multipliée artificiellement par l’organisation du débat. Les félicitations de l’animatrice après les prises de parole avec des « Super ! », « Revenez quand vous voulez ! », étaient assez décalées puisqu’il n’était possible de prendre la parole que sollicité (logique) et qu’on n’avait déjà pas le temps de dire grand-chose.
Cette pression du temps m’a rappelé celle des plateaux télé avec des invités en surnombre, des reportages entrecoupant le débat, un journaliste qui parle la moitié du temps[1], attribuant de fait à chacun la possibilité de ne dire que deux ou trois phrases en vingt secondes max. Ce genre de pression organisée comme booster (genre 24h chrono) pour maximiser les chances d’affrontements entre les participants, convient mal à l’objectif de participation. D’autant que les attentes en direction de la mairie ou des bailleurs se recoupaient beaucoup et avaient été majoritairement identifiées pendant la phase d’audit.
Pour en revenir à la conduite des réunions, soyons certains que si elles s’étaient tenues en présentiel, seuls quelques-uns auraient pris la parole. On aurait entendu les responsables de ceci, les pourfendeurs de cela, pendant que la grande masse des participants écoute. Mais, en général, il y a des réponses à untel et des ajouts à la déclaration de tel autre. Le numérique, de ce point de vue, apporte quelque chose de nouveau. Avec les échanges Facebook en parallèle, on a vu arriver des interactions. L’intégration des chats reste à ajuster, mais les retours faits au fil de l’eau par l’animatrice laissent entrevoir une vraie valeur ajoutée. On sent qu’ils permettent de mieux distribuer la parole en s’appuyant sur les commentaires et sur ce que les gens ont l’intention de dire.
En cette matière, on n’en est qu’aux tout débuts. L’animation a eu l’avantage d’en montrer le potentiel. Cette perspective démocratique et le bel instantané des Blagis que ces réunions ont réalisé donnent des espoirs pour la suite.
[1] Ce qui n’était pas le cas de l’animatrice, mais le rythme n’en était pas moins très soutenu.
Je n’aurais pas été malheureux que la Gazette parle de cet événement qui ne fait présager rien de bon pour notre quartier des Blagis.
https://www.leparisien.fr/hauts-de-seine-92/sceaux-92330/sceaux-fontenay-bagneux-les-riverains-du-quartier-blagis-pleurent-leur-bureau-de-poste-22-05-2021-47HDICEMKVD6VCQ5PZUCT7NMOQ.php.
Eh bien…. c’est prévu. L’article arrive très bientôt. Nous sommes allés chercher d’autres informations que celles publiées.
Un budget spécifique est-il prévu par la ville pour des actions proposées par les scéens ou les initiatives devront-elles se faire à budget constant, sur la bonne volonté des riverains qui demandent plus de propreté, plus d’animations, plus de sécurité. Quel a été le coût de la démarche « parlons ensemble des Blagis » : journalistes, reportages, recherche et sélection des participants ? Quels nouveaux éléments sont ressortis de ces rencontres qui n’étaient pas déjà connus, « d’autant que les attentes en direction de la mairie ou des bailleurs se recoupaient beaucoup et avaient été majoritairement identifiées pendant la phase d’audit ». Effectivement, les échanges Facebook en parallèle des interventions, ont permis sans doute une meilleure participation et de rebondir sur quelques commentaires mais l’intervention de conseils de quartiers regroupant locataires et propriétaires, anciens et nouveau résidents, riverains et commerçants, acteurs associatifs et acteurs institutionnels n’aurait-elle pas été aussi pertinente ?