En décembre, les conseils municipaux de Bourg-la-Reine(le 13), de Fontenay-aux-Roses (le 7) et de Sceaux (le 8) sont appelés à approuver la création d’une société publique locale (SPL) du nom de GéoSud92. Elle aura pour objet, par voie de délégation de service public, la construction et l’exploitation du réseau de chaleur à base de géothermie. Cette création prend acte des résultats d’une étude de faisabilité réalisée par la société Ithermconseil, sous la maitrise d’ouvrage de Sipperec.
Caractéristiques de la nouvelle société et calendrier prévisionnel
La société aura un capital de 2,5 millions d’euros. Le Sipperec en sera un actionnaire majoritaire avec un apport de 1.300.000 d’euros soit 52%. Fontenay-aux-Roses apportera 675.000 d’euros soit 27%, Sceaux 425.000 d’euros soit 17% et Bourg-la-Reine 100.000 d’euros soit 4%.
Le Sipperec aura cinq administrateurs sur neuf, Fontenay-aux-Roses deux, Sceaux et Bourg-la-Reine un chacune.
Le siège de la nouvelle société se trouvera à la Défense, dans les locaux de Sipperec.
Les années 2024 et 2025 seront consacrées au lancement des études de maitrise d’œuvre, à l’ enquête publique relative au permis minier et au lancement des travaux préalables à la plateforme de forage.
Les deux puits d’accès à la ressource géothermale seront forés en 2026. La mise en service des réseaux de chaleur se fera progressivement en 2027 et 2028.
Retour sur l’étude d’Ithermconseil
Il y a un an, la Gazette annonçait qu’une première étude, réalisée par Sipperec, avait montré la possibilité d’un projet géothermique sur la zone Fontenay-aux-Roses, Sceaux et Bourg-la-Reine. La ressource géothermique était disponible, une clientèle suffisante semblait exister.
L’étude suivante consistait à trouver suffisamment de clients potentiels et à approfondir le projet. Le rapport émis en aout 2023 est maintenant disponible.
Étude des ressources et des besoins
Ces deux premières phases de l’étude étaient des approfondissements de ce qui avait déjà été examiné dans l’étude précédente.
Premier point étudié : il y a bien une ressource géothermique (ce qu’on savait déjà) et on peut l’atteindre depuis le stade du Panorama à Fontenay-aux-Roses. Il n’y a en revanche pas d’autre ressource renouvelable disponible.
Un travail avec les services techniques des trois villes a eu lieu pour vérifier la faisabilité de raccordement des établissements publics. Seuls étaient éligibles les bâtiments disposant déjà d’un chauffage collectif et de réseaux hydrauliques de distribution intérieure.
Un autre critère important a conduit à éliminer les usagers potentiels trop petits pour justifier les installations de raccordement ou trop incertains (comme l’incertitude dans le raccordement due à l’unanimité nécessaire en assemblée générale). La consommation minimale annuelle a été fixée à 50 MWh pour les bâtiments publics (écoles, gymnase, crèches, etc.) et à 300 MWh pour les autres sites. Ce critère a conduit à une réduction de 15% environ du potentiel total, pour l’essentiel du côté des copropriétés.
Il a également été supposé que les clients potentiels réduiraient leurs besoins dans l’avenir avec des travaux d’isolation divers. Les taux appliqués étaient compris entre 10 et 15% à l’horizon 2030 et entre 20 et 40% à l’horizon 2040. Ces taux n’ont pas été appliqués pour les constructions neuves.
Gélule géothermique
Pour obtenir de l’eau chaude, il faut puiser dans une nappe aquifère suffisamment profonde pour être à la chaleur souhaitée. Ici il s’agit de la nappe du Dogger, présente dans une grande partie de l’Ile de France et située ici entre 1600 et 1700 mètres de profondeur. Un premier puits permet d’aller soutirer de l’eau et un autre de la réinjecter plus loin.
Réinjecter est nécessaire. D’abord parce que l’eau contient des éléments toxiques. Ensuite parce que cela permet de maintenir la pression dans le puits de soutirage. Les points de soutirage et de réinjection doivent être suffisamment éloignés pour que l’eau soutirée ne devienne pas très vite froide. Comme les deux têtes de puits sont au même endroit, les puits doivent être obliques et non verticaux.
Il faut aussi tenir compte des puits déjà réalisés dans d’autres villes proches : c’est le rôle du BRGM de déterminer les limites pour que deux projets ne se chevauchent pas. D’où le schéma en tête d’article.
Fonctionnement du réseau de chaleur
L’eau soutirée par géothermie (réseau primaire) ne circule pas dans le réseau de chaleur (réseau secondaire) : elle réchauffe l’eau circulant dans celui-ci, grâce à un échangeur. À son tour, l’eau circulant dans le réseau ne circule pas dans les radiateurs des logements ou établissements publics (réseaux tertiaires) : il y a à chaque étape un échangeur de chaleur. Le coût de l’installation explique qu’il faille choisir des consommateurs suffisamment importants.
Dans les réseaux tertiaires, la différence entre la température d’entrée et celle de sortie influe directement sur le nombre de radiateurs nécessaires. À cet égard, l’eau soutirée n’est pas à une température suffisante : il est prévu la mise en place d’une pompe à chaleur de grande puissance sur le site du Panorama, afin d’avoir une température suffisante en tête du réseau de chaleur.
D’autre part, les besoins de chaleur varient pendant la période de chauffe, en fonction notamment de la température extérieure. Comment dimensionner le réseau ? Le volume de soutirage est imposé par les caractéristiques de la nappe phréatique et de la circulation de l’eau dans cette nappe. Si on veut que ce volume soit suffisant pour toutes les situations, même quand la température extérieure est la plus basse, il y aura de l’énergie inutilisée la plupart du temps. Si au contraire, l’énergie fournie n’est suffisante qu’en demi-saison, on va devoir fournir une énergie complémentaire très(trop) importante. On va donc se positionner à un niveau intermédiaire. Mais lequel ?
Appelons besoin maximal en autonomie (bma) le besoin maximal pour lequel le système sera capable de répondre sans faire appel à une énergie d’appoint. Le réseau sera dimensionné pour ce « bma »
Un complément d’énergie est donc nécessaire pour les périodes de grand froid. Le complément le plus simple est le gaz, qui a l’avantage d’une réponse rapide aux besoins. La solution la plus économique consiste à utiliser des chaudières existantes. Des chaudières existantes ont ainsi été identifiées au CEA, à la résidence des Bas-Coudrais à Sceaux, à la faculté Jean-Monnet et au lycée Lakanal. Ces chaudières représentent une puissance installée de 29 MW au total, dont 18 pour celle du CEA. 20 MW de puissance gaz supplémentaires devront être installés.
La conséquence de ce qui précède est que la chaleur fournie en moyenne n’est pas entièrement d’origine décarbonée. Le pourcentage d’énergie décarbonée est cependant un critère pour l’attribution de subventions. Un critère qui va donc peser sur le choix des solutions. Ce taux dépend du besoin « bma » pour lequel est dimensionné le projet : plus il est bas par rapport au besoin maximal, plus le taux de renouvelable est bas.
Choix d’un scénario
Quatre scénarios ont été étudiés et confrontés au critère d’attribution des subventions, qui fixe à 65% la part minimale d’énergie renouvelable et de récupération.
Un premier scénario permettait de servir le maximum des clients potentiels sur les trois villes, mais la part de renouvelable était basse (54%) : le débit de chaleur venu de la géothermie était insuffisant pour le besoin à fournir et il fallait compléter par d’autres sources. Un deuxième scénario excluant quelques clients excentrés arrivait à une part de 58 %, encore insuffisante. Un troisième scénario a maximisé ce taux à 70%, mais il conduisait à se concentrer uniquement sur les villes de Sceaux et Fontenay-aux-Roses. Un dernier scénario a été construit en ajoutant au précédent le quartier du Petit-Chambord à Bourg-la-Reine, aboutissant au taux de 65% demandé. C’est ce scénario qui a été retenu.
C’est en effet le scénario qui permet d’alimenter le plus d’installations tout en respectant la limite minimale pour les subventions. Les caractéristiques de ce scénario, après approfondissement : 115 GWh utiles, 138 prospects raccordés, 20km linéaires de réseau, 43MW de puissance maximale appelée, 14MW pour la pompe à chaleur.
On notera ici que les 115GWh utiles évoqués correspondent à la consommation actuelle, qui devrait baisser de 19 % à 94GWH en 2035 (en raison de travaux d’isolation).
Les besoins actuels se répartissent en 58% à Fontenay-aux-Roses, 36 % à Sceaux et 6% à Bourg-la-Reine. Par type de clients, 28% des besoins sont pour des établissements tertiaires, 24% des copropriétés, 23% des établissements publics, 18% des bailleurs et 7% la future ZAC Paradis.
L’étude montre le schéma envisagé pour le réseau. Il n’est pas reproduit ici, car il sera probablement modifié. Selon ce schéma, la part de Bourg-la-Reine se situait dans le quartier du Petit-Chambord. Il est maintenant plus probable qu’elle se situe du côté de la gare et de la mairie.
À Sceaux, le réseau devrait alimenter notamment la faculté Jean-Monnet, la résidence des Bas-Coudrais et les cités scolaires Marie-Curie et Lakanal.
Fontenay-aux-Roses recevrait environ 56% de l’énergie fournie. Le CEA devrait être raccordé.
Aspects économiques
L’étude a évalué les dépenses et le montant de la facturation pour avoir une rentabilité de 7%.
Le montant de l’investissement initial est chiffré à 63M€. Les principales dépenses concernent le réseau de distribution (29,5M€) et le forage géothermique (15,5M€). Viennent ensuite notamment la centrale géothermique et le foncier (5,2M€), les sous-stations et les chaufferies (2M€). 5% du budget est prévu pour les aléas.
Les charges annuelles d’exploitation ont été chiffrées à 5,4M€ dont 3,8M€ pour l’énergie (gaz et électricité). Le reste concerne les frais d’exploitation, y compris l’entretien courant et le gros entretien (renouvellement d’équipements).
Des subventions sont possibles et devraient atteindre au moins 30% de l’investissement initial. Le projet permet alors de fournir une énergie à un prix de 103€TTC/MWh utile. Un prix raisonnable, à condition de ne pas oublier de comparer avec tous les éléments des solutions concurrentes : le prix de l’énergie mais aussi les coûts d’exploitation et d’entretien.
Une analyse de sensibilité à l’évolution des prix de l’énergie montre que celle-ci est faible (mais pas nulle puisque le projet consomme du gaz et de l’électricité). En cas de hausse des prix de l’énergie (les élus ont encore en mémoire leur forte hausse, transitoire, l’an dernier), l’énergie géothermique devient particulièrement compétitive. C’est évidemment un point de sécurité important pour les finances publiques.
Gouvernance
Plusieurs modes d’organisation sont possibles. Le choix qui a été fait est celui d’une SPL (société publique locale) constituée entre Sipperec et les trois communes. Sipperec sera le principal actionnaire, comme annoncé en tête d’article.
[…] Gérard Bardier sur Nouvelle étape pour la géothermie à Fontenay, Sceaux et Bourg-la-Reine […]
Je lis: « Ce taux dépend du besoin moyen pour lequel est dimensionné le projet : plus il est bas par rapport au besoin maximal, plus le taux de renouvelable est bas. »
N’est-ce pas plutôt le contraire. Un projet dimensionné pour un besoin moyen bas satisfaira plus facilement des pointes de la demande sans recourrir aux chaudières d’appoint alimentées en combustible fossile. Mais l’inconvénient est alors de vendre moins de chaleur annuellement et donc d’affecter le rendement financier du projet.
Je me pose une autre question, on parle d’actionnaire et de rentabilité. Dans la mesure où le financement proviendra de l’emprunt, pourquoi parler de « rentabilité ». Les actionnaires ont-ils vocation a bénéficier de la rentabilité du projet ? Si c’était les communes, on aurait pu en discuter mais le SIPPEREC ?
Un taux de 7% c’est relativement élevé pour une projet sans risque, avec des clients solvables et d’une fiabilité assurée (on ne quitte pas un réseau de chaleur urbaine comme ça !) . Ce taux élevé est un facteur majeur dans la détermination du prix de la chaleur vendue.
Que la chaleur soit vendue à un prix relativement élevé ne me choque pas, il faut continuer d’envoyer un signal prix aux consommateurs mais que les bénéfices aillent dans la poche du SIPPEREC, là je ne comprends pas.
Enfin, à 108 € le MWh, la chaleur vendue coute moins cher que celle produite par une chaudière gaz avec les contrats proposés à l’automne 2024. Comment s’assure-t-on que les collectivités continueront de faire des efforts d’isolation de leur bâti.?
Il faudrait que les contrats soient bâtis de telle façon qu’ils imposent des gains de performance progressifs. En poursuivant ces gains de performance, la chaufferie géothermale pourra proposer sa chaleur à un nombre croissant de sites au fil du temps.
Le terme « moyen » induit en effet la confusion, car il ne renvoie pas ici à l’idée de moyenne entre un maxima et un minima, mais à l’idée d’une situation d’hiver moyenne, ni très chaude ni très froide. J’ai remplacé par « débit maximal en autonomie » qu’il m’a fallu expliquer. J’espère que l’explication est compréhensible.
Un « dma » bas correspond à un maximum de clients livrés, mais aussi à un maximum d’énergie d’appoint nécessaire.
Deuxième point. On parle de rentabilité d’un investissement par rapport au montant des capitaux investis, quelque soit leur origine (actionnaire, emprunt ou autres).
Pour les investissements publics, la rentabilité d’un investissement (du moins ceux importants) est toujours calculée. L’exigence d’une rentabilité élevée correspond à deux incertitudes : d’une part sur les coûts réels d’investissements et de fonctionnement, d’autre part sur les événements qui peuvent advenir sur la durée. Un investissement sans risque, cela n’existe pas. On peut imaginer par exemple que, dans 10 ou 20 ans, le CEA ou la fac Jean Monnet décident de déménager, ou que la baisse des naissances soit telle qu’on ferme certaines écoles primaires, ou, ou…Et 7% n’est pas élevé, la norme serait plutôt 9%, ce qui n’est effectivement pas favorable à des projets de très longue durée (type tunnel sous la Manche ou centrale nucléaire).
Par ailleurs, le Sipperec est un comité syndical dont tous les adhérents sont des collectivités locales : ses bénéfices éventuels n’iront pas enrichir un quelconque investisseur privé
Comment s’assure-t-on que les collectivités continueront de faire des efforts d’isolation de leur bâti? Bonne question. Ce n’est pas ce projet qui le fera. Encore qu’il a été dimensionné en partant du principe que les collectivités respecteront les obligations qui leur sont faites par ailleurs. Vouloir introduire ces obligations existantes dans le projet, c’est contribuer à en faire un monstre administratif sans utilité.
Bonjour. Rapport excellent et très bien documenté. Une question tout de meme, le 4ème scénario « retenu » ou qui pourrait être retenu, évoque pour FAR, le CEA et l’hôpital Marie Lannelongue. A ma connaissance, cet hôpital est actuellement sur Plessis et, sauf si je me trompe, il va être déménagé sur la ZI du Plessis également ? Qui ne fait pas partie des 3 communes utilisant la gélule du panorama de FAR ?
Vous avez raison, c’est une erreur de lecture de la carte de ma part, l’hôpital est juste à la limite de Fontenay. Le client observé est alors plutôt l’école des renards.Je rectifie dans le texte
merci @Gerard Barbier . A Sceaux les rapports qui déterminent l’avenir de notre ville semblent circuler facilement chez certains . En revanche leur communication demande des efforts conséquents aux conseillers municipaux d’opposition alors même que ces rapports sont font partie de délibérations…. il est intéressant de noter que la communication de cette étude nous a d’abord été refusée . Il a fallu lancer une demande CADA pour l’obtenir …
la voici pour vos lecteurs : https://drive.google.com/drive/folders/16soLWT6F_tOpBZHH168gjOLpkgHl_tRM?usp=sharing
Les élus Sceaux Ensemble
Passionnante enquête au sujet d’une énergie pas si nouvelle. Ce dossier est très documenté
En complément, on sait que 22 kms de tuyauterie seront enfouis sous la voirie. Sur Sceaux, les sites ciblés sont les établissements publics , faculté de droit, les 2 lycées, la mairie, ainsi que le parc de logements sociaux des Bas Coudrais.
Quid des résidences privées, des grands immeubles dont les factures d’énergie ont explosé ? Le financement annoncé provient des contribuables in fine. Pourrait-on inclure également ces immeubles dans le tracé des installations ?
Le rapport d’étude prévoit dans l’hypothèse retenue que les copropriétés représenteront 24% de l’énergie livrée (sur la base des consommations actuelles). 18% iront à des bailleurs sociaux et 7% à la ZAC du Paradis.
Comme indiqué dans l’article, une barre minimum plus élevée a été choisie pour les copropriétés en raison des incertitudes sur les votes de copropriété.
Sur le financement, un taux de rentabilité de 7% est attendu