Une pétition a été signée récemment par 127 maires de communes de la Métropole du Grand Paris (MGP) qui regroupe la ville de Paris et 130 communes tout autour. Elle réclame des assurances sur le financement des territoires qui composent la Métropole. Tous les maires du territoire Vallée Sud[1] auquel Sceaux est rattachée, l’ont signée sauf un : Philippe Laurent.
La mobilisation autour de cette initiative interdisait de penser que cette absence relevait du hasard ou d’un agenda trop serré. Sans a priori sur le sens à lui donner, nous nous sommes tournés vers le maire pour lui poser la question. Il a eu la courtoisie de nous répondre, ce dont la Gazette le remercie, avec une synthèse de la position qu’il a exprimée plus longuement dans un entretien donné au journal du Grand Paris, le 28 octobre dernier.
La MGP est bien l’intercommunalité stratégique à même de rééquilibrer le territoire métropolitain (est/ouest), d’imaginer un zonage équilibré de ce territoire et d’assurer la maîtrise d’ouvrage de grands équipements structurants (aux côtés de la Région). C’est donc une instance politique.
Les EPT doivent être des instances de gestion mutualisée de certaines compétences techniques. Ce ne devrait pas être des instances politiques, mais le transfert des PLU en a fait malheureusement des instances qui ont un poids trop important sur l’avenir de chacune des villes, ce qui pose un réel problème à terme. Faire des EPT des intercommunalités classiques comme le proposent des députés n’a aucun sens : toutes les compétences de proximité peuvent être assurées par les communes, car celles-ci ont toutes une taille suffisante, à la différence des agglomérations de province. Autant obliger les communes à fusionner immédiatement !
On le voit, l’objet de la pétition paraît bien secondaire ; donnons-le tout de même, il tient en très peu de mots : « le maintien intégral des ressources des établissements publics territoriaux (EPT) et de leur dynamique. » Le maire ne s’y attarde pas, son intérêt est ailleurs. Et les questions posées nous semblent de fond : quel est « l’écosystème » pertinent pour la commune : le territoire ou la Métropole ? Quels sont les « bons » niveaux d’expression du collectif ? Quel seuil de responsabilité communale doit être préservé ?
Essayons de clarifier les termes du débat.
L’EPT n’a pas à être une instance politique
Dans le transfert des PLU vers un PLUi[2], le maire voir un renforcement menaçant des pouvoirs des ETP par rapport aux communes. Selon lui, une intercommunalité classique ne s’impose pas entre villes de « taille importante », faisant ainsi une distinction entre d’une part, le « classique », de petites communes avec de faibles (voire très faibles) moyens qui gagneraient à être regroupées, ou bien de petites communes situées dans l’orbite immédiate de villes beaucoup plus importantes ; et d’autre part, des situations comme celle de la Métropole Grand Paris où des villes, pour ainsi dire comparables, de plusieurs dizaines de milliers d’habitants se côtoient. Si pour lui, vouloir les regrouper « n’a aucun sens », c’est que le regroupement fait sens si les communes manquent de moyens propres. La mise en commun pour elle-même, avec la seule rationalisation comme objectif, n’apparaît pas comme une raison suffisante.
Il ne conteste cependant pas que les EPT doivent jouer un rôle, mais en restant « des instances de gestion mutualisée de certaines compétences techniques ». Son opposition entre compétence technique et compétence politique mérite d’être relevée. La première semble être un lieu de dialogue, tandis que la seconde, l’instance politique, dispose de pouvoirs décisionnaires qui s’imposent aux communes.
Pour le maire, point n’est besoin d’intégrer Sceaux dans une structure supramunicipale pour nouer des alliances bilatérales ou multilatérales. D’une façon générale, les ententes entre villes existent depuis longtemps, qui permettent de créer des syndicats intercommunaux gérant selon le cas les déchets, l’eau, la cantine scolaire, l’assainissement ou l’électricité. N’écrit-il pas : « Toutes les compétences de proximité peuvent être assurées par les communes, car celles-ci ont toutes une taille suffisante, à la différence des agglomérations de province. Autant obliger les communes à fusionner immédiatement! »
L’entretien au journal du Grand Paris montre que la crainte d’un regroupement plus ou moins forcé est déjà ancienne. En transférant aux territoires « la compétence des plans locaux d’urbanisme au détriment des communes (presque toutes de taille relativement importante), la loi NOTRe en a fait des organisations « politiques » et non plus seulement intercommunales et techniques, tournées vers la seule gestion d’équipements communs. Ce fut une grave erreur, source de vives tensions, qu’il faut réparer au plus vite. »[3]
La détermination ne saurait être plus évidente.
La MGP, intercommunalité stratégique
Car si l’on comprend bien, pour Philippe Laurent, l’intercommunalité, la vraie, celle qui apporte de la valeur à Sceaux, n’est pas au niveau de Vallée Sud mais de la Métropole. Celle-là, il la qualifie de « stratégique » en ce sens qu’elle est « à même de rééquilibrer le territoire métropolitain […] d’assurer la maîtrise d’ouvrage de grands équipements structurants (aux côtés de la Région) ».
Elle mérite pleinement le rang d’instance politique. Elle est dans la décision, dans la capacité opérationnelle, elle « ne gère pas les services du quotidien et c’est, du reste, parfaitement conforme à sa vocation. Elle détient en revanche des responsabilités en matière de planification, de normalisation, de rééquilibrage et d’investissements structurants à long terme, à son échelle. »[4]
La MGP, dans laquelle il voit « l’intercommunalité, la métropole des maires. », offre le meilleur espace de collaboration et de développement à des communes qui, de leur côté, ont la relation directe avec leurs habitants, étant les seules capables de comprendre leurs attentes. Il trace ainsi une sorte de modèle dans lequel la Métropole est un espace de puissance, la commune un lieu de citoyenneté. Entre les deux, il peut y avoir place pour la facilitation, certainement pas pour la décision.
Entre les deux, le coeur balance
Pourtant, quand le maire voit dans la métropole « un acteur suffisamment proche des maires pour que chacun y trouve sa place et participe à la définition de ce cadre global et suffisamment éloigné pour ne pas avoir la tentation de tout gérer à leur place », comment comprendre cette « proximité » ? La métropole, c’est 130 communes plus Paris, c’est plus de 7 millions d’habitants, tandis que le territoire Vallée Sud, c’est 11 communes et une population totale d’environ 400.000 habitants, 814Km2 pour la première, 47km2 pour le second, presque vingt fois plus petit.
On pourra arguer qu’il est bien isolé. Bigre ! 127 maires sur 130, ce n’est pas rien. Ce qui ne lui donne pas tort… ni raison d’ailleurs. Cela témoigne en tout cas d’une vision personnelle. Mais restons dans notre humble périmètre et revenons à l’essentiel : l’espace dans lequel Sceaux souhaite construire son développement au sein des espaces qui l’englobent.
C’est la tâche (bien difficile) des politiques que de formuler et partager leur vision de la commune dans son écosystème. Celle du maire se révèle un peu mieux[5], d’autres élus ont sans doute des idées différentes (que nous présenterions si nous étions sollicités). Il n’empêche qu’un sérieux dilemme se profile à l’horizon. Forçons un peu le trait, mais à peine.
Côté pile. Quelle majorité souhaite voir le destin de Sceaux précipité dans celui d’un territoire pour lequel elle compterait peu ? Acceptons-le, Sceaux n’est pas centrale dans Vallée Sud, d’autres communes sont plus étendues, plus peuplées.
Côté face. Inversement, qui ne souhaite développer des solidarités avec les villes voisines, partager tout ce qui partageable et définir ensemble les transformations profondes que réclament les grandes incertitudes d’aujourd’hui ?
Évidemment la pièce peut tomber sur la tranche, mais l’équilibre est bien instable. Ne soyons pas ingrats, ne dissimulons le confort de ne pas avoir, comme les élus, à trancher.
[1] Le territoire Vallée Sud comprend Antony, Bagneux, Bourg-la-Reine, Châtenay-Malabry, Châtillon, Clamart, Fontenay-aux-Roses, Le Plessis-Robinson, Malakoff, Montrouge, Sceaux
[2] PLU : Plan Local d’Urbanisme qui définit, entre autres, les règles de constructibilité. Le PLUi, pour PLU intercommunal, traduit une volonté politique de mise en commun au niveau territorial.
[3] La loi NOTRe (Nouvelle Organisation Territoriale de la République) qui modifiait sensiblement l’approche de l’intercommunalité date de 2015.
[4] Entretien au journal du Grand Paris
[5] J’espère que la position du maire a été correctement comprise. Si tel n’était pas le cas, la Gazette publierait les correctifs nécessaires.
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