Les obsèques de Jacques Julliard ont été célébrées ce mercredi 13 septembre dans l’Église Saint-Gilles de Bourg-la-Reine. Ce fils d’un père anticlérical et d’une mère catholique pratiquante fut une très grande figure du monde intellectuel et politique. Historien et essayiste prolifique, journaliste dans des journaux aussi divers que L’Obs, Marianne ou Le Figaro, il fut également très investi à la direction de la CFDT. Il habitait Bourg-la-Reine depuis 1967.
Célébration des funérailles
Le livret de la messe de funérailles a cité un extrait de ses Carnets inédits, de celui qui fût un chroniqueur de la revue Esprit, fondée par Emmanuel Mounier.
Je n’ai pas de mérite de croire à l’autre monde, parce que je ne crois pas vraiment en celui-ci. Je retiens la partie pascalienne de la philosophie de Montaigne, qui professe que « toutes nos vacations sont farcesques » et que notre destin, notre devoir, est de faire avec sérieux des choses sans importance. « Où étais-tu quand j’ai fait le Ciel et la Terre ? » demande Dieu à Job. C’est une pensée rassurante : il ne peut rien nous arriver de grave, parce que rien n’importe, à l’exception de Jésus-Christ, naturellement.
Carnets inédits 1987-2020, Jacques Julliard, Collection Bouquins, p.184
Après la procession d’entrée et le chant qui l’a accompagnée, l’historien Christophe Prochasson, le journaliste Franz-Olivier Giesbert et l’un des fils du défunt, Jean-François Julliard, ont partagé leurs témoignages.
Ensuite, la première lecture était un extrait (15,20-26) de la 1re lettre de Saint Paul aux Corinthiens sur la résurrection. Puis le prêtre a lu le début de l’Évangile de Jean (1, 1-14).
Le réginaburgien
Dès l’annonce du décès, Philippe Chaplain, animateur du groupe Facebook L’histoire de Bourg-la-Reine, a publié sur cette page quelques anciens extraits de Bourg-la-Reine Magazine évoquant Jacques Julliard. Il y a ajouté un témoignage personnel :
Personnalité charismatique de Bourg-la-Reine où il résidait (rue Lebouvier) depuis 1967, il parlait volontiers à ceux qui l’interpellaient lors de ses promenades, boulevard Carnot. Rencontré en juin dernier, à ma question sur son prochain combat, il m’avait répondu avec humour : « Je souhaiterais être nommé ministre de l’Éducation nationale, il y a tellement à faire… ». Je l’avais connu en mai 1998 pour la préparation d’un colloque sur Charles Péguy (qui habitait au 7 rue André Theuriet) avec la participation du philosophe Alain Finkielkraut (qui habitait rue Paul-Henry Thilloy).
BLR Magazine
En 2010, Jacques Julliard préside l’association « les Amis de la librairie de Bourg-la-Reine », qui tente de sauver la librairie Le Verger des Muses, située dans la rue piétonne. La tentative échouera, mais une vidéo montre l’opération Les Plumes de Bourg-la-Reine au Verger des Muses. On peut y voir deux fois l’écrivain. Il est précisé sous la vidéo que « la librairie Le Verger des Muses a tenu avec les Amis de la librairie le samedi 10 avril 2010 son premier salon du livre avec 21 auteurs de Bourg-la-Reine ».
Un parcours éminent
Citons encore Philippe Chaplain pour donner quelques repères biographiques. Jacques Julliard naît le 4 mars 1933 à Brénod, dans l’Ain, dans une famille de notables locaux. C’est un milieu républicain de tradition radicale.
Universitaire et syndicaliste, il milite dès les années 1970 au sein du Parti socialiste, où il comptera parmi ses amis politiques Michel Rocard. Il s’y distingue notamment pour son projet de modernisation idéologique du PS, celui de la deuxième gauche, opposée à la première, la mitterrandiste.
Parallèlement, dès la fin des années 1960, il devient l’un des piliers du Nouvel Observateur aux côtés de Jean Daniel, fondateur du magazine de gauche. Il finit par quitter la publication au bout de 32 ans pour rejoindre en 2010 l’hebdomadaire Marianne où il devient éditorialiste. A 84 ans, en 2017, il décide d’écrire aussi une chronique mensuelle pour Le Figaro.
Il a eu quatre enfants dont un fils en 1963, Jean-François, nommé directeur du Canard Enchaîné en 2023.
Il se définissait ainsi : « Dans mon conseil d’administration intérieur, il y a 24% de traditionaliste, 24% d’esprit libertaire et 52% d’esprit social-démocrate ».
On comprend que des hommages lui soient rendus depuis les horizons les plus variés.
Jacques Julliard a collaboré à la revue Esprit. Pour en savoir plus sur cette revue et comprendre son rayonnement, je conseille de lire « Les Murs Blancs » de Léa et Hugo Domenach (Editions Grasset). « Les Murs Blancs » est une propriété située dans le vieux Chatenay-Malabry. Les auteurs ont vécu enfants dans ce lieu au sein d’une communauté d’intellectuels qui a marqué l’histoire des idées du XXe siècle. Cette communauté formée autour d’Emmanuel Mounier, le créateur de la revue, puis de Paul Ricoeur, a vu passer de nombreux intellectuels et hommes politiques comme : Jacques Julliard, Ivan Illich, Alain Touraine, Jacques Delors et même l’actuel président de la République.
Un grand plaisir de lecture
Jean-Pierre Grégoire