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Pierre et Marie Curie à l’honneur

Samedi 22 novembre une table ronde organisée par la Ville et l’association Curie et Joliot-Curie réunissait trois spécialistes pour échanger sur le célèbre couple et les sciences. Hélène Langevin, fille d’Irène et Frédéric Joliot Curie était présente.

Introductions

Philippe Laurent rappelle les liens entre la famille Curie et Sceaux : les parents de Pierre habitent rue des Sablons (devenue depuis rue Pierre Curie), Pierre et Marie Curie se marient dans la ville, il y a 130 ans, le 28 juillet 1995. Il y a trente ans, leurs cendres sont  transférées du cimetière municipal au Panthéon.

Il a ensuite un court échange avec Hélène Langevin.

Michel Spiro prend ensuite la parole pour présenter l’association Curie et Joliot-Curie dont il est le président. L’ACJC a été créée en 1959 par les amis et la famille des Curie et Joliot-Curie. Son but :  préserver la mémoire et faire connaître leurs conceptions de la science, de son rôle social et de la responsabilité des scientifiques, promouvoir la parité et l’enseignement des sciences.

Pierre Curie et Marie Sklodowska, le rêve devenu réalité

Renaud Huynh, directeur des affaires culturelles de l’institut Curie et directeur du musée Curie de 2008 à 2025, rappelle l’histoire des découvertes qui ont abouti au prix Nobel de physique attribué à Henri Becquerel, Pierre et Marie Curie en 1903.

En 1895, Wilhelm Röntgen découvre les rayons X. L’année suivante, Henri Becquerel découvre que la fluorescence des sels d’uranium peut impressionner une plaque. En 1897, Marie Curie décide d’en faire le sujet de sa thèse de doctorat. Elle révèle les propriétés ionisantes de ce rayonnement puis, avec son époux Pierre Curie, découvre les éléments chimiques qui en sont à l’origine. Elle rebaptise cette propriété radioactivité.

Marie Curie a d’abord montré que le rayonnement mis en évidence par Becquerel n’est pas propre à l’uranium : il existe aussi avec le thorium. Les instruments de mesure développés par Pierre Curie, qui se joint à plein temps à ces travaux, permettent de mesurer avec précision les effets des rayonnements. Vont suivre la découverte du radium et du Polonium, qui vaudront au couple et à Henri Bécherel le prix Nobel de physique en 2003. 1911 verra la présence de Marie Curie au premier  Congrès Solvay et l’attribution du prix Nobel de Chimie.

L’œuvre scientifique de Pierre Curie

Loïc Barbo, professeur de sciences physiques et chercheur en histoire des sciences, revient sur l’œuvre scientifique de Pierre Curie, reconnue avant son mariage. En 1979, Charles Friedel confie à Jacques Curie, frère ainé de Pierre, une étude sur les éventuelles facultés pyroélectriques du quartz. Jacques demande à son frère de l’aider.

Tous les deux, ils montrent que le quartz n’est pas pyroélectrique (un changement de température n’entraine pas un changement de polarisation électrique), mais qu’il a une autre propriété : il se polarise électriquement sous l’action d’une contrainte mécanique et réciproquement se déforme lorsqu’on lui applique un champ électrique : ils ont découvert la piézoélectricité, propriété commune à d’autres minéraux à structure cristallographique.

Pierre Curie utilisera cette propriété comme outil de mesure dans les recherches sur la radioactivité. Plus tard, le phénomène sera utilisé pour le Sonar ou pour mesurer des efforts.

Jacques Curie étant parti à Montpellier, Pierre Curie continuera seul ses travaux autour des questions de symétrie, montrant par exemple qu’il y a symétrie d’un phénomène s’il y a symétrie des causes de celui-ci.

L’histoire des sciences au féminin

Natalie Pigeard-Micault, historienne et directrice adjointe du musée Curie a notamment publié un livre sur les femmes du laboratoire de Marie Curie. Son intervention aurait pu s’intituler : en ce qui concerne la place des femmes dans les sciences, Marie Curie est-elle l’arbre qui cache l’absence de forêt ?  On retiendra ici quelques idées.

Dans la deuxième partie du 19e siècle, très peu de femmes font des études supérieures scientifiques, faute de possibilités concrètes de faire des études secondaires : les premiers lycées pour les filles n’apparaîtront qu’en 1881 (voir cette conférence à Sceaux).

En Pologne ou en Russie, les filles peuvent faire des études secondaires mais pas supérieures : en 1887, en France, sur 114 étudiantes en sciences, 90 viennent de ces deux pays !

La présence des femmes dans les facultés n’est pas mal vue par les étudiants. En particulier en médecine, où l’on estime que les soins sont une activité naturelle des femmes. Les femmes faisant ces études sont soutenues par un proche (par exemple le père qui a assuré la formation correspondant au lycée).

Dans une période où 95% de la population ne va pas plus loin que le certificat d’études, les étudiantes trouvent facilement à valoriser leur diplôme.

Les quelques femmes titulaires d’un doctorat en sciences (hors médecine) avant Marie Curie se sont plutôt tournées vers l’enseignement.

Les femmes dans le laboratoire Curie

Marie Curie recrute dans son laboratoire sans donner la priorité aux femmes : il y en aura en pourcentage plutôt moins qu’il n’y a d’étudiantes en sciences. Mais ce recrutement est international et celles qui sont passées dans son laboratoire se retrouveront dans les labos qui se créent progressivement ailleurs dans le monde : c’est un réseau international de femmes scientifiques qui se crée.

Des scientifiques contemporaines de Marie Curie

Marie Meurdrac, auteur du premier traité de chimie écrit par une femme (en 1666) était une exception.

Emma Chenu, première Française à être diplômée d’une licence universitaire (1868) sera ensuite enseignante.

Clémence Royer est, en 1862, l’auteure de la première traduction en français de L’Origine des espèces de Charles Darwin

Dorothea Klumpke obtient une licence à la Sorbonne en 1886 en mathématique et astronomie. En 1893, elle est la première femme à soutenir une thèse de doctorat en sciences mathématiques, avec le sujet d’astronomie « L’étude des anneaux de Saturne ». Elle est directrice du Bureau des mesures de l’Observatoire de Paris de 1892 à 1901.

Augusta Dejerine-Klumpke, sœur de la précédente, première femme reçue au concours de l’internat des hôpitaux de Paris (en 1886) est considérée comme la première femme neurologue au monde et une neuroanatomiste de réputation internationale. Marie Nageotte-Wilbouchewitch sera la première femme à obtenir le diplôme de docteur en médecine (en 1893). On notera que ces deux femmes sont d’origine étrangère.

Pauline Ramart-Lucas est la fille d’une domestique et d’un forgeron elle travaille comme fleuriste tout en suivant des cours du soir. Elle obtient en 1924 son doctorat en chimie organique.  Elle est la seconde femme après Marie Curie à être nommée professeur de chimie organique à la Sorbonne. Elle est révoquée en 1941, le régime de Vichy étant hostile au travail des femmes. Elle est désignée à l’Assemblée constituante provisoire en novembre 1944.

La science se conjugue aussi au féminin

Il n’y avait pas de forêt derrière « l’arbre » Marie Curie, mais celle-ci n’était donc pas seule. Les effectifs de femmes scientifiques ont augmenté progressivement, avec l’ouverture des lycées de filles à partir de 1881, la suppression d’un baccalauréat spécifique aux filles (seulement en 1924) et surtout la guerre de 1914-1918. La Première Guerre mondiale va encourager les jeunes femmes à faire des études : travailler ensuite devient normal.

Mais l’histoire n’est pas forcément linéaire. L’oratrice estime que depuis 2008 il y a de plus de plus en plus de séparation des genres dans les études : disparition des étudiants dans les études de sages-femmes, très faible minorité d’hommes dans la magistrature et diminution du nombre de filles dans les études scientifiques. Plus ancienne, la fusion Ulm-Sèvres a joué défavorablement pour les femmes scientifiques.

Le combat pour donner toute leur place aux femmes dans la science n’est donc pas terminé.

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