Bruno Lebrun fait partie de l’équipe d’accueil et de surveillance du parc de Sceaux. Il impressionne par ses connaissances les participants des visites du parc, comme celle dont la Gazette avait rendu compte. Nous l’avons rencontré pour en savoir plus. Sur sa mission et sur son expérience du monde des oiseaux.
Lors de la mise en place d’une gestion différenciée au parc de Sceaux, vers la fin des années 90, une mission à temps partiel lui a été confiée, dans le cadre de la protection du parc. Elle comprenait notamment les visites guidées nature (1 ou 2 week-ends par mois), tout ce qui concernait les nichoirs, et la rédaction d’une synthèse ornithologique régulière. Une mission qui lui convient parfaitement, lui qui déjà enfant passait des heures à observer les animaux.
Les zones du parc
Traditionnellement, le parc de Sceaux était géré comme un « parc à la française » : gestion très stricte, des traitements partout, des ramassages de branches dans les sous-bois. Une gestion qui ne favorisait pas le développement des insectes et de toute la chaîne alimentaire qui se construit à partir de cette nourriture.
Après la tempête de 1999, il a été décidé de créer des parcelles pour protéger la faune et la flore, en séparant zones jardinées (tondues régulièrement), zones rustiques (entretien moins fréquent) et zones naturelles (entretien très limité). Le parc a été classé Zone Naturelle d’Intérêt Écologique, Faunistique et Floristique (ZNIEFF).

Des plates-formes végétalisées ont été installées sur les plans d’eau, offrant un abri aux oiseaux d’eau. Cela permettait par exemple à un héron cendré de pêcher toute la journée. Un couple s’est installé. Malheureusement, les plates-formes ont coulé au bout de trois ans. Il reste deux ou trois hérons cendrés, mais ils ne peuvent pêcher que la nuit, quand le parc est fermé.
Deux plates-formes ont été installées récemment du côté de l’octogone, mais Bruno Lebrun pense qu’il en faudrait au moins le double, pour toutes les espèces aquatiques.
La gestion différée et le maintien de zones rustiques et naturelles ont conduit à une augmentation des insectes et des escargots, une évolution favorable aux oiseaux. Les zones clôturées en prairies sont utilisées par des espèces migrantes.
L’utilisation nouvelle du bassin des Lilas ( pour les fontaines) a d’abord conduit à la disparation de certains batraciens( par exemple l’alyte accoucheur). Depuis, le système de filtrage de l’eau a été revu et le bassin n’est curé que deux fois par an, à la fin de l’hiver et quand les petits ont grandi. Cette année, on a revu l’alyte accoucheur.
Évolution du nombre d’espèces présentes
Bruno Lebrun réalise régulièrement (tous les 3 ans, sauf périodes de Covid !) des synthèses ornithologiques. Il s’agit de repérer les espèces présentes au parc et de quantifier leur présence. Repérer avant tout les espèces qui nichent, ce qui nécessite que le plus gros de l’exploration ait lieu au printemps.
Ces synthèses mettent régulièrement en évidence des disparitions parmi les espèces présentes. Cela n’apparaît pas forcément quand on regarde le nombre d’espèces recensées : des espèces peuvent revenir ou apparaître.
En 1997, Bruno Lebrun compte 41 espèces nicheuses. 10 espèces, observée lors de comptages précédents (entre 1973 et 1983) ne le sont plus. Il en observe 45 en 2005, 45 en 2019 et 41 en 2023
Environ 60 espèces de passage sont décomptées en 1997, 100 en 2005, 120 en 2019 et 123 en 2023. Ce passage a lieu lors du retour pour nicher ou au départ pour le sud. Les dates de migration sont très étalées selon les espèces, certaines arrivent même quand d’autres repartent déjà ! Il y a aussi quelques espèces qui hivernent sur place : la mouette rieuse, le grand cormoran ou la grive mauvis
L’augmentation du nombre d’espèces décomptées n‘est qu’apparente : les espèces observées les années précédentes sont comptées dans le total d’une année.
L’observation ne se limite pas à citer les espèces observées, un comptage est réalisé. Les fréquentations peuvent être très différentes d’une espèce à l’autre. Par exemple, en 2023, on compte 1 à 2 couples pour le roitelet à triple bandeau (regulus ignicapilla) et 80 à 100 couples pour la mésange charbonnière (parus major).
Pour Bruno Lebrun, les espèces rencontrées sont assez communes, il n’y a pas d’espèces qu’on trouverait spécifiquement ici.
Visiteurs et animaux domestiques
Avec une superficie de 1,8 km², dont une part importante est traitée en zones rustiques ou naturelles, le domaine du parc de Sceaux est un abri important pour les oiseaux. Avec près de 4 millions de visiteurs par an (plus de 10.000/j en moyenne), il est aussi un cadre de promenade privilégié pour les habitants des alentours et même ceux de toute la région parisienne. D’après un sondage réalisé il y a une trentaine d’années par le Domaine, les visiteurs y cherchent avant tout le calme et la nature.
Mais leur seule présence est une gêne pour certains oiseaux. Le fait, pour un héron cendré, de pouvoir pêcher le jour était évoqué plus haut. Certains oiseaux ne peuvent ainsi se nourrir que la nuit, une fois les visiteurs partis. Le problème se pose en particulier pour les espèces qui trouvent leur nourriture au sol et qui seront effarouchées par les passants. Une difficulté surtout en hiver, quand le besoin de nourriture est accru et que les journées sont plus courtes.
Le piétinement est de plus en plus fréquent dans les sous-bois, avec comme première conséquence d’élargir les sentes sauvages qu’on y trouve, au détriment de la végétation et de tout ce qui y vit.
Autre menace pour la faune : les chats domestiques des maisons à proximité du parc qui viennent y roder (et chasser) la nuit.
Enfin, trop de visiteurs posent leurs déchets près des poubelles quand celles-ci sont pleines. Résultat, la nuit, les renards qui sentent la nourriture, déchirent les emballages et dispersent les déchets.
La publicité faite à Hanami a aussi attiré en masse des visiteurs sur une zone qui habituellement en accueillait beaucoup moins. A un niveau important : le Riverain, journal de l’Association des Riverains du parc de Sceaux s’en émeut dans son édition d’avril 2025, où le nombre de 130.000 visiteurs pour cet événement est évoqué (voir aussi le reportage photo).
Les ombres du parc canin
Un parc canin a été aménagé dans le parc. Il occupe environ 12 ha de sous-bois, au sein des zones rustiques. Les propriétaires de chien des environs le connaissent bien.
La synthèse de 2023 note à ce sujet :
La fréquentation humaine, qui s’est considérablement accrue au cours de la dernière décennie, n’est pas non plus sans incidence. Erosion des sols, dérangement pendant les périodes d’alimentation et divagation des chiens sont autant de facteurs qui perturbent le quotidien de l’avifaune. L’exemple le plus criant est celui du parc canin. A surface égale, la densité des espèces qui nichent près du sol y est jusqu’à deux fois moins importante que dans les zones naturelles protégées.
Bruno Lebrun a connu les sous-bois avant l’installation du parc canin. A l’époque, il était difficile de traverser ces sous-bois, tant ils étaient denses. Aujourd’hui, le piétinement incessant durcit le sol jusqu’à rendre impossible la végétalisation. Bruno Lebrun avait proposé de déplacer le parc canin vers le nord, pour occuper la zone sous les marronniers qui ne contient pas de sous-bois. Il n’a pas été suivi sur ce point.
Quelques conseils pour respecter la nature dans le parc
De ce qui précède, on peut déduire quelques conseils simples de comportement pour les visiteurs : éviter de pénétrer dans les sous-bois autrement que sur les sentiers aménagés pour cela. Garder les chiens en laisse. Emporter ses restes chez soi. Bien entendu, ne pas déranger les oiseaux, en particulier quand ils nichent.
A lire aussi :
Bonjour,
Peut-être faudra-t-il envisager de limiter l’entrée lors des pics de fréquentation en journée pour préserver la biodiversité ?
ou diminuer les heures d’ouverture certains jours …