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Débat d’Orientation budgétaire à Fontenay-aux-Roses

Un soir à la mairie de Fontenay… Le conseil municipal du 13 février abordait bien des sujets allant de l’égalité hommes femmes aux subventions aux associations et établissements publics en passant par une subvention pour Mayotte. Mais le Débat d’Orientation Budgétaire (DOB) 2025 m’intéressait au premier chef. C’est le moment où les élus discutent de l’argent de la ville avant de voter, mais ultérieurement, le vrai budget. Un tour de chauffe en quelque sorte. Sans copie du document cité en permanence, incapable de lire le PowerPoint trop loin des sièges pour le public, on se retrouve spectateur d’une joute verbale où les chiffres et les considérations fusent comme des confettis.

C’est comme un film en VO sans sous-titres : on comprend (ou presque) les émotions, mais on n’en comprend pas les raisons. La gestion d’une commune est faite de mille détails, chiffres et pourcentages. C’est compliqué, une ville.

Complexe contexte

L’adjoint aux finances, Jean-Luc Delerin, commence avec un exposé basé sur un document de 37 pages bien remplies de toute évidence. Il brosse un tableau du contexte : conflits au Moyen-Orient, guerre en Ukraine, changement d’administration américaine. Au plan national, la dissolution, suite aux Européennes, et la difficulté à créer un gouvernement ont provoqué un certain attentisme… Entre la sono grésillant et le vocabulaire allusif, seule l’idée d’incertitude se dégage.

Des chiffres passent. Nul doute qu’ils sont nécessaires. Le tout est de les attraper au vol. Le déficit budgétaire français est abyssal. En 2025, on a des prévisions de dette à 5,4%, d’inflation à 1,7%[1], de croissance du PIB à 1,5%. Pour la commune : baisse de la contribution de l’État, augmentation des charges locatives, mise à contribution des collectivités, hausse de 4 points du taux de cotisation à la caisse de retraites des agents (ce qui coûte 250.000€ à la commune) ; mode de calcul des péréquations intercommunautaires qui coûte 200.000€ à la commune. « Fontenay est considérée comme une ville riche », dit Jean-Luc Delerin, non sans une pointe d’ironie.

D’autres éléments de description. Fontenay retrouve sa capacité d’autofinancement. Les charges générales sont en baisse. Les économies réalisées à différents postes ont permis de compenser la croissance des dépenses.

Assez tangibles :  la masse salariale est en nette augmentation du fait de la revalorisation indiciaire décidée par le gouvernement ; l’augmentation des subventions aux associations.

Saisis en hâte et retenus pour aller y voir de plus près : les transferts vers VSGP ; la hausse par décision nationale des valeurs locatives cadastrales qui servent de bases fiscales à l’impôt foncier ; l’augmentation légère des charges financières liées à la décision de raccourcir l’échéancier de remboursement. La ville retrouve le niveau de produits et services d’avant la crise du covid. +7% pour les services. Les droits de mutation ont baissé (en fait ont été divisé par 2 par rapport à 2022), du fait de la baisse des transactions immobilières. A compléter.

Le maire à la synthèse

Quand le maire, Laurent Vastel, prend la parole, il reformule, prend quelque distance, résume. Baisse des taxes foncières, investissements dans les quartiers ; aide aux plus fragiles ; développement des services ; réduction des dépenses en énergie. Cela dit « la préparation du budget 2025 doit se faire alors que le budget de l’État n’est pas vraiment connu. Il y aura des ajustements. » Faut-il souligner que rien de tout cela ne trouvera grâce, ensuite, aux yeux de l’opposition.

De nombreux détails aussi. La Gazette, dans les communes qu’elle suit, constate à chaque fois le niveau de connaissance qu’ont les maires des affaires de leur ville. Entre les finances, l’environnement, les associations, les voiries, les quartiers, les établissements scolaires, sans parler du reste, leur « disque dur » semble d’une capacité infinie. Si cette aptitude n’est certainement pas une exclusivité des maires, elle signale au moins le niveau requis pour la fonction.

Ainsi, le CMS (centre médical) a accueilli en 2024 de nouvelles consultations ; un projet de centre d’imagerie est à l’étude. Parmi les priorités de 2025, la transformation des Paradis. Le quartier, qui aujourd’hui n’est pas exactement paradisiaque, fait l’objet d’un programme de transformation profonde. Reconstruire, décarboner.

Bien d’autres choses. L’isolation des bâtiments publics permet déjà de réduire la facture de gaz.

Côté familles, des tarifs de cantine maintenus bas, un soutien aux associations qui travaillent pour l’égalité des chances. Le maire mentionne l’association ASAP que la Gazette a déjà rencontrée. Aussi des actions pour donner le goût de la lecture aux petits. Le village de Noël rassemble des milliers d’enfants. Le festival du jeu est d’une cote croissante. Sourds au dernier degré, ceux qui ne comprendraient pas que le maire valorise l’action de la majorité qu’il conduit. Niais, ceux qui s’attendraient à un exercice d’autoflagellation. On se demanderait pourquoi il ne démissionne pas.

L’opposition s’oppose

Pour la même raison que la majorité défend son « faire », l’opposition s’attache à le déprécier ou, mieux, à le discréditer. Quand elle entre en scène, c’est comme si on changeait de film. Reconnaissons que les élus qui vont parler ont épluché le rapport de 37 pages avec une minutie de connaisseurs.

Jean-Yves Sommier ouvre les hostilités. S’il commence poliment en louant le « rapport détaillé », c’est pour mieux dégainer ensuite. Il a repéré des contradictions entre les pages 8 et 9 (celui qui n’a pas le document sous les yeux essaie de suivre). Sur la taxe foncière, dont la baisse est mise en avant par la majorité, il oppose une étude faite à Sceaux qui placerait Fontenay au 3e niveau le plus élevé du territoire Vallée Sud. Il reproche surtout de vouloir « rassurer les habitants après l’avoir augmentée pendant 10 ans. C’est votre dernier budget avant les municipales. » Il pointe des manques de chiffrage : dont celui du passage au stationnement payant et l’absence du « budget vert annoncé l’an dernier ». Il y a bien d’autres dénigrements, l’intervention est longue et nourrie scrupuleusement de citations du rapport. La rénovation des Ormeaux n’a pas pris en compte les besoins réels. « Maintenant, vous faites machine arrière », le parc Sainte-Barbe, etc… etc…

Pauline Le Fur prend le relais et n’hésite pas à monter en généralité. Elle parle de « manque de vision » et « d’absence d’ambition ». Elle s’inquiète du manque de places en crèches et des moyens pour les écoles. Elle pointe ce qui ressemble à un tour de passe-passe : oui, la taxe foncière baisse, mais la valeur locative augmente… C’est une mesure de « fin de règne ». Diable ! Des chiffres : 22% des postes seraient vacants dans les services municipaux. D’autres chiffres. Surtout, d’autres accusations : gestion des personnels municipaux, le privé plus financé que le public, les dépenses de fonctionnement constantes en 2025 alors qu’elles augmentaient en 2024…

Les critiques de Gilles Mergy sont aussi acerbes. Il compare la description faite de la ville avec une bonne gestion et des finances maitrisées à un « décor de carton-pâte ». Il dresse un inventaire des projets qui, selon lui, ont mal tourné : une cuisine centrale « heureusement » abandonnée, le grand projet immobilier aux Ormeaux revu après la mobilisation des habitants, un chantier Sainte-Barbe dont le coût aurait triplé. C’est une piste d’athlétisme dont l’enduit aurait coûté des milliers d’euros pour rien. Ce qui le met vraiment en colère, c’est cette baisse de 5% de la taxe foncière après, dit-il, une augmentation de 70% sur l’ensemble des mandats. Il accuse la majorité d’avoir une « vision court-termiste ». Ses positions sont développées sur son site.

Françoise Gagnard se demande : « Est-ce que toutes ces promesses ne sont pas un miroir aux alouettes ? » La question n’en est pas vraiment une. Elle sait à quoi s’en tenir et rappelle qu’elle avait demandé une « clause de revoyure » en 2023. Elle avait été refusée par la majorité, dont elle s’est alors retirée pour cette raison.

Voter que cela eut lieu

Le maire réplique point par point. On lui a reproché le coût d’études préalables sur des grands projets. Mais, dit-il, « on ne peut pas partir la fleur au fusil ! » On n’investit pas des millions sans études. Il assume. Quant à la rénovation de l’espace public, il refuse qu’on la qualifie de « dépense d’apparat », et nie avoir limogé qui que ce soit. Il insiste : sa majorité est dans l’action, le concret, tandis que l’opposition se contente de « propos généraux ». « Qui êtes-vous pour vous réclamer « des » habitants ? » Façon de dire que c’est lui qui a obtenu la majorité aux dernières élections, pas eux.

La sono continue de filtrer des fréquences. En matière de « débat », chacun reste sur ses positions, les arguments se croisent sans jamais se rencontrer. Pourquoi s’étonner d’une situation parfaitement normale. Entre ceux qui sont aux manettes et ceux qui voudraient leur place, le débat est vite plié.

À la fin, on vote… pour dire qu’on a débattu. L’opposition reconnaît qu’il y a eu des échanges, mais conteste qu’il y ait eu un débat. Effectivement. Mais si un « débat » avait eu lieu, quelle forme aurait-il prise ?

L’esprit de la loi fait du DOB un moment où les élus de la majorité peuvent expliquer leurs choix budgétaires. « Une délibération de l’assemblée délibérante prend acte du débat d’orientation budgétaire. Celle-ci doit faire l’objet d’un vote (L. 2312-1 du CGCT). Par son vote, l’assemblée délibérante prend seulement acte de la tenue du débat et de l’existence du rapport d’orientation budgétaire. En aucun cas le vote n’a vocation à approuver les orientations proposées. »

Pourquoi parler d’un débat dont on ne capte pas la moitié de son tiers ? D’un « DOB [qui] ne revêt pas un caractère décisionnel »?[2] Parce que cette musique venue du fond diffus de la vie municipale raconte sous les chiffres un tourbillon de projets, ici une crèche, là un jardin, plus loin une école. La ville est un corps aux artères multiples qu’irrigue le sang de ses budgets. Sous les statistiques couvent des rêves dans leur éternel combat avec le possible. En quittant la salle du conseil, quand la nuit est tombée, restent les échos d’un décor, où majorité et opposition monologuent. Les partitions de péréquations, pourcentages, taxe foncière forment un langage paradoxal qui cache la vie sous sa grammaire austère.


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