Ce dimanche 8 décembre dans l’église Sainte-Bathilde, Les Musicales de la Vallée-aux-loups invitait le quatuor Citadelles. Dans ce quartier de Châtenay qui borde Sceaux et Fontenay s’étaient aventurés Raphaël Garac, violon, Meiko Nakahira, violon, Paolo Schena, alto et Pauline Boudon, violoncelle.
Tout s’entend
Sainte-Bathilde, dans une faible lumière de l’hiver qui vient, donnait une douce présence aux sonorités .Cela se perd dans les enregistrements. La musique numérisée n’a pas la richesse qu’offrent les dimensions du lieu, avec son espace qui porte l’imagination à suivre des images, des histoires.
On aurait dit parfois qu’à la ligne ascendante et douloureuse d’un premier violon, répondait l’alto d’un contrepoint sombre, presque rugueux. Le second violon introduisait une vibration qui déstabilisait le motif initial, tandis que le violoncelle pulsait des notes sourdes, créant un déhanchement rythmique.
Si le premier violon esquissait une mélodie presque aérienne, l’alto la décomposait d’harmoniques cristallines. Le second violon intervenait comme une membrane sonore qui oscillait entre tension et apaisement. Le violoncelle maintenait une pulsation sourde, presque imperceptible.
Il y avait comme un jeu de miroirs entre les deux violons qui se répondaient par des traits courts, fragmentés. L’alto apportait sa vibration plus épaisse et son registre plus grave, tandis que le violoncelle plus percussif scandait l’espace entre les sons.
Les sept dernières Paroles
Pauline Boudon, laissant derrière elle son violoncelle, introduisit Les Sept Dernières Paroles du Christ en Croix de Joseph Haydn. Composée en 1786, c’est une série de sept mouvements, chacun inspiré par l’une des sept dernières paroles de Jésus sur la croix telles que rapportées dans les Évangiles. L’œuvre initialement écrite pour un orchestre, a été portée par Haydn en une version pour quatuor à cordes.
Chaque mouvement, disait-elle, capture une émotion spécifique liée aux paroles de Jésus, allant de la compassion et de l’espoir à l’angoisse et à la résignation. L’œuvre invite à réfléchir sur les thèmes intemporels de la souffrance, de la rédemption et de la paix. Raphaël Garac, en début de mouvement, en annonçait le titre.
Père, pardonne-leur, car ils ne savent pas ce qu’ils font évoquait la compassion et le pardon, la miséricorde de Jésus. Aujourd’hui, tu seras avec moi au paradis ouvrait sur un sentiment de réconfort et d’espoir. Femme, voici ton fils témoignait de l’amour de Jésus pour sa mère. Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m’as-tu abandonné? exprimait le désespoir et l’angoisse de Jésus puis J’ai soif sa vulnérabilité humaine. Tout est accompli résonnait comme une acceptation de la fin que concluait dans la paix retrouvée : Père, entre tes mains je remets mon esprit.
Un tremblement de terre clôturait les sept mouvements. Les quatre instruments étaient réunis pour un puissant accord de gestes nerveux, de rythmes rapides et virtuoses parce que réunis pour dire une même anxiété devant des certitudes qui se dérobent. Les violons explosaient en traits presque violents et l’alto répondait par des sons plus rugueux, tandis que le violoncelle pulsait comme un cœur qui palpite.
Energie du live
Seule la présence tout près des instrumentistes donne aux lignes mélodiques leurs si fortes résonances. Chaque instrument se dissout dans l’autre, les frontières deviennent floues et pourtant sensibles, les changements de volume, les variations de rythme alternent les atmosphères. On trouve une surface sonore où le silence devient aussi velouté que le son. C’est la force vive du live.
Et la force de Raphaël Garac, Meiko Nakahira, Paolo Schena et Pauline Boudon.