La motion de censure votée le 4 décembre par le gauche unie et la Rassemblement national provoque la démission du gouvernement. Il est possible que le mandat de Christophe Mongardien prenne fin très vite. Devions-nous publier quand même le dernier volet de la petite série sur ses premiers pas de député? Nous avons pensé que oui. La vie à l’Assemblée nationale vaut d’être dite malgré (ou à cause de) la crise de ces jours-ci.
Petit flash back. Dans un premier article, la Gazette suivait la façon dont Christophe Mongardien, élu d’Antony, Bourg-la-Reine, Châtenay et Sceaux, découvrait l’Assemblée, le lieu et les usages. Dans un deuxième, elle racontait comment il en était arrivé à siéger au Palais Bourbon quand rien dans son histoire personnelle ne l’y prédestinait. Ne reculant pas devant les détails, elle pénètre maintenant dans son agenda. Celui de sa deuxième semaine, alors que les débats sur le budget étaient particulièrement nerveux.
La semaine précédente, le travail parlementaire avait duré le samedi jusqu’à minuit. Christophe Mongardien pensait que le lundi serait de repos. Erreur. Le matin, il reçoit le planning de la semaine avec les séances dans l’hémicycle de mardi au jeudi, les réunions de groupe parlementaire mardi matin, le planning des commissions. Il apprend que la discussion sur le PLF (Projet de loi des finances) reprend dès l’après-midi. Le temps d’aller à l’Assemblée.
Lundi 28 octobre
Qui suit un tant soit peu l’actualité sait le retard pris sur le PLF. Les joutes qu’il suscite, ajoutées à l’absence de majorité font durer les débats. Dans une chronique du Point, Sophie Coignard montre du doigt l’absentéisme de députés. À suivre Christophe Mongardien, on a plutôt l’impression de va-et-vient permanents entre les commissions, l’hémicycle et les départements.
A 14h, il prépare la session avec sa collaboratrice. De 15h à 20h, il est dans l’hémicycle. Diner rapide à la buvette des parlementaires, ce sera le buffet ce soir.
Les travaux parlementaires reprennent dans l’hémicycle de 21h30 à minuit.
Mardi 29 octobre
8h30, petit-déjeuner, au ministère de la Santé, rue de Ségur, avec la ministre déléguée chargée des Personnes en situation de handicap, Mme Charlotte Parmentier-Lecocq. Il réunit des sénateurs et les députés du Socle commun travaillant dans la commission des Affaires sociales. Une vingtaine de personnes.
Matinée, réunion du groupe EPR (Ensemble pour la République). Gabriel Attal expose les différents projets et les discussions en cours avec les autres groupes de l’Assemblée. Échanges de points de vue sur la situation.
13h, Yaël Braun-Pivet reçoit les nouveaux députés à l’Hôtel de Lassay. Chacun y exprime son ressenti quant à son arrivée à l’Assemblée. Christophe Mongardien relève qu’entre la nomination de la députée Maud Bregeon, au poste de ministre, et ses débuts à l’Assemblée, tout s’est accéléré et il a eu peu d’échanges pour préparer son arrivée.
En se portant suppléant, ils n’imaginaient pas une seconde que leur député deviendrait ministre. Et il est vrai que les surprises furent grandes. Rien dans leur vie n’avait été prévu pour faire face à cette situation. De son côté, « c’était une éventualité. Je l’avais évoquée avec Maud Bregeon avant d’accepter d’être son suppléant en 2022 et 2024. J’avais pu en discuter et m’y préparer avec ma famille mais aussi avec mon employeur. Les deux ont choisi de m’accompagner dans cette aventure assez exceptionnelle. Mais quand cela arrive, quel que soit le niveau de préparation, ça reste malgré tout un bouleversement majeur dans une vie personnelle et professionnelle. »
Et certains de ses collègues n’ont pas cette chance, ils ont une activité professionnelle où ils sont essentiels, d’autres ont des enfants en bas âge, celui-là est maire très investi dans sa commune et la fonction de député n’est pas compatible. Il doit choisir. Tout interrompre pour quelques mois ou quelques semaines ! Qui sait ? « Pour certains, c’est une catastrophe ! » Refuser reviendrait à provoquer une législative partielle avec le risque majeur, en ces temps incertains, de perdre la circonscription.
14h, réunion exceptionnelle de la commission des Affaires sociales. « Il faut revoir les derniers amendements déposés » et, ce, avant la discussion sur le PLFSS (Projet de loi de finances de la sécurité sociale).
De 15h à 16h, questions au gouvernement. De 16h à 20h, la première séance sur le PLFSS.
De 20h à 21h30 diner à la buvette parlementaire, il s’installe au comptoir de la buvette des parlementaires, car il manque de places attablées. Eric Woerth vient s’assoir à côté de lui. « Je le reconnais et j’engage avec lui un échange sur son expérience de parlementaire et de ministre. Il est aguerri. J’apprends. » A 21h30 les travaux en séance reprennent jusqu’à minuit.
Mercredi 30 octobre
De 9h30 à 12h environ, réunion de la commission des Affaires sociales. « C’est une session particulière, les députés doivent émarger. » C’est le jour de relevé des présences. Mais si l’on choisit l’hémicycle pour les débats et les votes, il faut passer à la Commission. Christophe Mongardien en est surpris au début : on entre et on sort souvent de la Commission et on court pour aller voter dans l’hémicycle.
La pause déjeuner est partagée avec sa première collaboratrice (la deuxième ne commencera que dans quelques jours) dans l’une des cafétérias de l’Assemblée nationale, c’est l’occasion de faire un point d’équipe sur l’installation et d’établir les priorités.
14h à 15h, questions au gouvernement dans l’hémicycle.
De 15h à 20h, reprise des débats sur le PLFSS. La séance se poursuivra de 21h30 à minuit. Entretemps, lors d’un diner, le ministre des Affaires étrangères, Jean-Noël Barrot répond aux questions des députés du Socle commun. Sont examinées les positions gouvernementales sur l’Ukraine, le Moyen-Orient, les élections américaines, le choix des commissaires européens, la négociation sur le Mercosur et la pression des pays européens. C’est large. Jean-Noël Barrot est sous un feu roulant des questions. Dans « le plus beau des ministères, pensez, on y reçoit la diplomatie du monde entier ! »), service à la française, tables de huit, le ministre passe son repas à répondre aux questions. A l’heure actuelle, on ne sait pas encore s’il a pu avaler une bouchée.
A la maison vers 1h du matin.
Jeudi 31 octobre
C’est la journée parlementaire du RN (Rassemblement national). Deux mots d’explication. Les projets de loi sont essentiellement présentés par le gouvernement. Mais les groupes politiques peuvent proposer leurs propres textes. Les groupes qui se déclarent d’opposition ont le droit à une journée par an et ceux déclarés dans la majorité ont le droit à trois journées. « C’est une des règles d’usage, comme celle qui assure à l’opposition la présidence de la commission des finances ».
Déjeuner sandwich et démarches administratives. Christophe Mongardien vient juste de changer d’emploi. Il faut réajuster ses habitudes. En l’occurrence, il lui fallait régler des problèmes de télécom et changer d’abonnement. Mine de rien, ça prend du temps.
15h-20h puis 21h30-minuit, autres propositions de loi du RN. Une sur les procédures de renvoi des OQTF qui est rejetée par la majorité de l’Assemblée ; une autre sur les peines plancher dont la discussion a été interrompue par le premier coup de minuit. Mobilisation. « Il nous fallait être présents car les rangs du RN étaient pleins. »
Vendredi 1er novembre
Quel bonheur, voilà un jour férié ! Sauf qu’un député est sollicité dans sa circonscription. Ce jour-là, il a entre les mains des dossiers de personnes étrangères, travaillant en France de façon régulière. Leurs demandes de renouvellement de permis de séjour ont été normalement soumises. Mais six mois plus tard, elles n’ont pas reçu de réponse. Ces personnes ne peuvent plus être salariées.
Le député n’a pas de pouvoir direct en ces affaires. Il peut sensibiliser la préfecture s’il observe que les cas sont très récurrents pour savoir s’il y a des difficultés particulières sur le respect des délais par exemple.
Après-midi de la Toussaint en famille. Cinéma … sans s’endormir.
La semaine suivante, celle du 4 au 10 novembre, les travaux parlementaires se tenaient du lundi au dimanche. Inclus évidemment. On veut croire que la vie législative n’est pas à l’image de ces semaines où le budget fut débattu dans un hémicycle sans majorité.
Mais l’objet de ces trois articles n’était pas de rendre compte de la lutte compliquée entre les partis, mais de laisser imaginer (autant que possible) ce qui peut être ressenti en « débarquant » dans ce jeu d’idées et de postures. Un jeu d’échecs réciproques, dirait-on, où chacun empêche, mais jeu sans lequel il n’y a pas démocratie. Et sans démocratie, le jeu d’échecs perdure sauf qu’on ne le voit plus.
Belle immersion au sein de l’assemblée, très réaliste