Le projet d’école culinaire, qui avait plu à beaucoup de scéens, ne se réalisera pas. Il a été abandonné par son promoteur pour diverses raisons. La Ville s’oriente aujourd’hui pour un simple aménagement intérieur, qui permettra d’utiliser le bâtiment existant.
Achat du domaine
L’achat par la ville du château de l’Amiral a lieu en 2016. On en trouve trace dans les procès-verbaux de trois séances du conseil municipal.
La séance du 31 mars 2016 est celle du vote du budget. Celui-ci comprend une réserve pour l’achat du château de l’Amiral. Lors de la séance du 29 septembre 2016, le maire répond aux questions orales qui lui ont été posées concernant le projet d’acquisition. Enfin, lors de la séance du 3 novembre 2016, « le conseil a décidé l’acquisition à l’amiable du bien appartenant au département des Hauts-de-Seine, situé 110 rue Houdan, dit Le château de l’Amiral, au prix de 4.080.000€. »
Dans sa présentation du site, situé sur un terrain de 3 700 m², Philippe Laurent en donne la composition suivante :
Le bâtiment principal, hôtel particulier du XVIIe siècle et qui a subi plusieurs modifications dénaturant sa façade. Il constitue néanmoins un élément de patrimoine marquant le paysage urbain à l’entrée du centre-ville ;
Un bâtiment de bureau des années 50 à l’arrière ;
Un ancien garage à usage de stockage ;
Un terrain aménagé principalement en espace de stationnement.
Le département des Hauts-de-Seine est propriétaire du château de l’Amiral, qu’il a acquis en 2004 auprès de Gaz De France sur proposition de la Ville. L’objectif : y implanter son pôle social du sud du département, selon un projet élaboré de concert entre le président du Conseil général de l’époque et le maire. A noter que le Département a mis à disposition de la Ville les lieux pendant le chantier de rénovation-extension de l’hôtel de ville. Il s’agissait alors d’une opportunité unique de conduire ce chantier en un temps limité, sans préjudice pour la continuité du service public.Mais le Département ayant totalement revu son fonctionnement et son organisation à partir de 2007, il n’avait plus l’utilité de cette propriété et a décidé de la mettre en vente.
Un accord entre la Ville et le Département a été trouvé sur une cession au prix de l’estimation de France Domaines, soit 4.080.000€ hors taxe, hors droit et hors charge, soit globalement au prix auquel le Département avait acheté cette propriété en 2004. Une clause de complément de prix sera insérée dans l’acte stipulant que si la Ville revend le bien dans les 15 ans à compter de la cession à un meilleur prix que celui de la présente acquisition, elle reverserait une partie de la plus-value au Département, selon un pourcentage dégressif.
La discussion permet au maire d’expliquer que des promoteurs étaient prêts à acheter le domaine pour un prix de 8 millions, pour détruire le château et construire à la place. Mais la Ville a bloqué le projet.
Jean-Jacques Campan, élu d’opposition, conditionne son vote positif à un engagement de la ville à ne pas modifier le bâtiment principal et les deux cèdres à l’entrée. Le maire refuse de modifier le texte en délibéré pour éviter d’éventuelles discussions juridiques. Il propose de mettre un considérant sur la préservation du bâtiment, ce qui ne satisfait pas M. Campan. Il évoque aussi une possible utilisation du bâtiment pour l’enseignement supérieur.
Dans la discussion, Patrice PATTEE explique « Le PLU définit un certain nombre de règles qui permettent de préserver ce patrimoine auquel nous tenons autant que vous, de même que la ZPPAUP. Je comprends la démarche, mais je crains que la formulation soit maladroite. »
Le texte est voté avec trois voix contre (Jean-Jacques Campan, Mmes Claude Debon et Dominique Daugeras).
Projet d’école
C’est lors de la séance du conseil municipal du 29 mars 2018 qu’est officiellement évoquée la création d’une école culinaire. Dans sa présentation, le maire rappelle que la démarche a été engagée dans le cadre de l’appel à idées Inventons la métropole du Grand Paris. Celle-ci a débouché sur la proposition de création d’une école culinaire. Philippe Laurent précise : Il s’agit d’une école de portée internationale qui accueillera des étudiants français, mais aussi des étudiants internationaux et qui sera ouverte aux habitants, puisqu’il est prévu, selon des modalités qui restent à préciser, d’organiser des cours de cuisine et des conférences.
Il explique aussi :
Nous venons d’engager une procédure de mise en concordance du cahier des charges du lotissement du château de l’Amiral avec le PLU. Ce site est en effet situé sur l’ancien lotissement du château de l’Amiral qui est doté d’un cahier des charges qui n’est plus vraiment appliqué, mais qui est néanmoins toujours en vigueur et pas vraiment conforme au PLU. Le Code de l’urbanisme prévoit la possibilité de mettre ce cahier des charges en conformité avec le PLU après enquête publique. Le commissaire enquêteur vient d’être nommé et l’enquête publique aura lieu au mois de mai.
Sur le château de l’Amiral, nous pouvons aller assez vite, car nous sommes propriétaires des lieux. Il est par conséquent tout à fait envisageable que les travaux de l’école des arts culinaires comprenant la réhabilitation du château de l’Amiral et la construction de bâtiments le long de la rue de Fontenay, conformément au PLU, puissent démarrer au début de l’année 2019 avec une fin prévue courant 2020.
La discussion fait apparaitre que le groupe Galiléo, qui porte le projet d’école, compte investir 11 millions d’euros pour la rénovation du château et la construction de bâtiments et environ 4 millions d’euros dans les installations techniques.
Le projet est adopté à la majorité, avec 4 voix contre (Xavier Tamby, Jean-Jacques Campan, Claude Debon, Dominique Daugeras) et deux abstentions (Thierry Legros, Christian Lancrenon).
Sceaux Mag présente le projet dans son numéro de juin 2018. Le président de Galiléo-monde Studialis y expose son projet d’école avec notamment un cursus de trois ans après le bac.
Premier recours
Par arrêté du 26 décembre 2018, le maire de Sceaux accorde le permis de construire pour un établissement d’enseignement d’arts culinaires sur le site du château de l’Amiral.
Le 26 février 2019, des riverains contestent ce permis devant le tribunal administratif de Cergy Pontoise en mettant en avant une quinzaine de moyens. Les défenseurs (la société Nacarat et la Ville de Sceaux) contestent chacun de ces moyens et l’intérêt des requérants à contester le permis de construire.
Le tribunal rend son jugement le 22 juin 2021. Il reconnait l’intérêt des requérants à contester le projet. Il écarte en revanche tous les moyens mis en avant. Sauf deux ! Ceux-ci concernent les hauteurs de construction.
Le jugement rappelle en effet que les constructions ne peuvent excéder une hauteur de 12 m. Cependant, un niveau supplémentaire pourra être autorisé dans la limite de 15 m, sous réserve que sa surface de plancher soit inférieure d’au moins 25% à la surface du niveau inférieur. Une majoration d’un mètre est possible si le rez-de-chaussée est affecté pour au moins 50% de sa surface à des activités telles que des commerces…
Le jugement explique ensuite que le taux de 75% est dépassé pour les bâtiments C et D, avec des taux respectivement de 91,3% et 88,7%.
Le problème se pose également pour un bâtiment annexe, prévu à une hauteur de 3m quand le PLU n’autorise que 2,5m
Considérant que le projet peut être modifié sans apporter un bouleversement tel qu’il en changerait la nature même, le tribunal n’annule pas le permis mais donne 6 mois à la société pétitionnaire pour demander la régularisation du permis de construire
Les défenseurs sont condamnés aux dépens (la Ville de Sceaux doit verser 1500€ aux porteurs du recours).
Le jugement ayant été rendu le 22 juin 2021, le délai de 6 mois accordé aux pétitionnaires expirait le 22 décembre 2021. Au terme de ce délai, Nacarat, n’ayant pas présenté de projet respectant l’article UA10 du PLU, écrit le 2 décembre 2021 au maire de Sceaux une lettre lui faisant part de sa … « volonté de renoncer au bénéfice du PC 092 071 18 000 15 et de […]procéder au retrait de celui-ci ».
Enfin, c’est par un arrêté, pris le 2 janvier 2022, que le maire de Sceaux annule ledit permis.
Un autre recours
Plusieurs raisons ont poussé Nacarat à renoncer, que Philippe Laurent expose lors du conseil municipal du 16 décembre 2021 :
L’opposition de quelques-uns, qui ont engagé des recours auprès de différentes juridictions, a eu raison de l’engagement de Studialis dans ce projet… Studialis, devant faire face par ailleurs aux conséquences économiques de la crise sanitaire et au renouvellement de son actionnariat, a décidé de ne pas poursuivre le partenariat engagé avec la Ville.
Il faut souligner aussi qu’un autre recours menaçait le projet. Ce recours était porté par un ou plusieurs propriétaires du lotissement dit du château de l’Amiral. Il n’a jamais été jugé ni donc publié, du fait de l’abandon du permis. Mais, on va ici en supposer certains éléments.
Toujours lors de la séance du 16 décembre 2021, Philippe Laurent déclare :
« il est certain que les recours de droit privé sur les caractéristiques du lotissement ont rendu la société un peu frileuse. Ce ne sont pas les recours administratifs sur l’urbanisme qui ont posé un problème, mais la menace d’un recours des co-lotis sur l’existence d’un équipement pouvant provoquer des nuisances. Et ce risque est permanent. »
Lors de la séance du conseil municipal du 29 mars 2018, il avait été décidé d’engager la mise en œuvre opérationnelle du projet Charles De Gaulle. Il avait également été décidé d’une enquête publique pour la mise en concordance du cahier des charges du lotissement du château de l’Amiral avec les orientations du PLU de Sceaux.
Le Sceau Mag de juin 2018 contient un dossier sur le château de l’Amiral. On peut y lire que cette enquête publique se poursuit jusqu’au 27 juin prochain à l’hôtel de ville. Le commissaire enquêteur recevra le public le 16 juin de 9h à midi et le 27 juin de 14h à 17h.
Pour certains opposants au projet, cette modification du cahier des charges du lotissement est illégale. Pour eux, il y avait deux méthodes pour agir : soit par enquête publique à l’initiative de la mairie, soit par décision de l’Assemblée Générale des co-lotis. Selon eux, la mairie ne pouvait utiliser la première méthode que tant qu’il ne faisait pas partie des co-lotis, donc avant l’achat du château. Une fois celui-ci acté, la Ville est devenue l’un des co-lotis et ne peut plus agir par enquête publique, car elle est alors juge et partie.
On supposera ici que le ou les co-lotis qui ont déposé un recours ont mis cet argument en avant (parmi d’autres). Et que les avocats des défenseurs ont estimé que le risque de perdre n’était pas nul.
Et demain ?
Depuis son achat par la Ville en 2017, le bâtiment a été utilisé plusieurs fois par les scéens avec notamment les guinguettes et les retransmissions de la coupe du monde de Rugby.
La Ville travaille aujourd’hui à la réalisation d’un projet porté en maitrise d’ouvrage directe pour la réhabilitation du bâtiment, qui représente environ 1000 m² de plancher. Celui-ci serait aménagé de manière à accueillir des lieux de restauration et d’événementiel au rez-de-chaussée. A l’étage on trouverait des espaces pouvant être loués. Le tout serait confié à un opérateur dans le cadre d’un cahier des charges à construire.
Les travaux pourraient commencer en septembre 2024 pour une livraison en 2026 ou 2027.
La création du square public de l’Amiral, sur le terrain actuellement utilisé comme parking, est subordonnée à l’ouverture du parking souterrain sur la place.
Sur le sujet
Château de l’Amiral, passé et présent
Projet Charles de Gaulle à Sceaux
Recours et fonctionnement du tribunal administratif
Non ce ne sont pas les recours qui ont eu raison du projet d’Ecole culinaire sur le site de l’Amiral, comme pourraient laisser penser ces extraits ou des articles de Sceaux Mag.
Les « vraies » raisons de cet abandon sont données par le Maire lui même le 6 octobre 2021 en conseil municipal, en réponse à ma question orale sur le sujet (page 90 du procès-verbal) : « Je vais vous dire pourquoi le futur locataire du groupement a renoncé. Il a renoncé pour plusieurs raisons. La première raison est liée au changement d’actionnaire du Groupe Studialis qui a tout remis à plat. Deuxième raison : la perturbation liée à la crise sanitaire. Troisième raison : les équipes qui ont travaillé sur ce projet sont toutes parties, peut-être à cause de changement d’actionnaire. Enfin, quatrième raison, mais peut-être que cela n’a même pas joué, c’est le fait que l’accueil de ce projet, qui était certes enthousiaste de la part d’un certain nombre d’habitants, ne l’était pas de la part de quelques autres. Et je ne fais pas référence au contentieux sur le permis de construire dont je parlerai dans un instant. Je fais référence aux manipulations qui ont existé sur la question du cahier des charges du lotissement de l’Amiral. Nous étions dans le droit civil, dans le droit privé avec une impossibilité de régler définitivement la question et une menace permanente qui aurait pesé sur l’école dans la mesure où le cahier des charges du lotissement ne permettait pas la réalisation de ce type d’équipement ».
Merci de ces précisions
Merci de nous avoir présenté ce récapitulatif exhaustif de l’histoire récente du Château de l’amiral
Il semble que l’on puisse se réjouir du nouveau projet plus convivial pour les scènes 🤗