Au-delà de la polémique sur le prix des repas au CROUS, la question du travail pendant les études est une question importante. Les deux s’opposent-ils ? Se complètent-ils ? Les apparences sont parfois trompeuses.
Histoire du repas à 1 euro
Lors de la crise du Covid, les associations qui distribuent des colis alimentaires ont vu grossir le nombre des demandeurs et, parmi eux, des étudiants. Il est apparu alors que nombres de ceux-ci avaient perdu leur travail à temps partiel, par exemple dans la restauration rapide.
Face à cette situation considérée comme temporaire, le gouvernement a décidé de passer le prix du repas au CROUS de 3,30€ à 1€.
Puis les activités qui salariaient des étudiants ont repris. Le gouvernement a alors réservé la mesure aux étudiants boursiers et aux étudiants en situation de précarité (pour l’essentiel en rupture avec leur famille). Le Parti socialiste a déposé un amendement pour étendre définitivement la mesure à tous les étudiants sans exception. Sans succès (mais à une voix près dans l’hémicycle).
Les arguments échangés n’ont pas tous été de haut niveau. A écouter les uns et les autres, il n’y aurait parmi les étudiants que des jeunes à moitié morts de faim et des fils (ou filles) de milliardaires. Ou que des étudiants mangeant exclusivement au CROUS et d’autres exclusivement au restaurant…
Certains partisans de l’amendement ont brandi une étude parue dans le Figaro qui affirmait qu’« un étudiant sur deux était obligé de sauter un repas. Mais l’ étude avait été réalisée pendant la période Covid auprès des seuls étudiants ayant fréquenté les distributions alimentaires, ce que tout le monde oubliait de préciser…
Autre schéma caricatural : pour certains, les étudiants ont la possibilité de travailler pour arrondir leurs fins de mois, pour d’autres c’est incompatible avec les études. Il se trouve que des recherches ont été menées autour de la question : le fait de travailler entraine-t-il une moins bonne réussite des études ?
Situation économique des étudiants
Mais avant de les analyser, une description de la situation économique des étudiants est indispensable. Une production de l’Insee sur les 18/24 ans amène quelques informations (attention, elle date de 2016). On y apprend que plus de la moitié des 18/24 ans habitent chez leurs parents, et que 7 jeunes sur 10 sont aidés financièrement par leurs parents.
Cette aide est variable et dépend du milieu social. Elle est en moyenne de 400€ pour les enfants de cadre ou profession libérale et de 150€ pour les enfants d’ouvrier. par ailleurs, des étudiants reçoivent des aides publiques.
« Six jeunes adultes sur dix (étudiants ou non) ne vivant plus chez leurs parents perçoivent des revenus sociaux. Les jeunes en cours d’études sont par ailleurs plus nombreux à percevoir des revenus sociaux : la moitié en perçoit au moins un. Lorsqu’ils disposent d’un logement, 61 % reçoivent une allocation logement. Plus du quart (28 %) bénéficie d’une bourse d’études, d’un montant moyen de 270 euros par mois ; pour 85 % d’entre eux, il s’agit d’une bourse de l’enseignement supérieur attribuée sur critères sociaux. Au total, 33 % des jeunes étudiants reçoivent une bourse de 290 euros en moyenne. »
Travail pendant les études ?
Près d’un jeune étudiant sur 4 travaille selon l’Insee. Ce résultat est en contradiction avec une autre étude, qui trouvait 70 % d’étudiants au travail, dont 20% seulement pendant les périodes estivales.
Il faut préciser que l’enquête de l’Insee ne comptait que ceux qui avaient travaillé la semaine précédant l’enquête. Elle excluait ainsi une partie de ceux qui travaillent par intermittence et pour des durées réduites, pour du baby-sitting par exemple. Le champ de l’enquête (18/24ans) incluait aussi des lycéens, mais pas les plus âgés des étudiants (internes en médecine par exemple), les plus susceptibles de travailler. Ces éléments jouent sur la proportion d’étudiants travaillant en même temps.
« Fin 2014, ils sont 23 % dans ce cas la semaine précédant l’enquête : 9 % travaillent en alternance, 3 % en stage rémunéré et 11 % dans d’autres activités. Leurs revenus d’activités sont en moyenne de 620 euros par mois. Pour une ou des activités non intégrées à leur formation, ils gagnent en moyenne 410 euros par mois et pour les trois quarts d’entre eux 550 euros au plus. Les jeunes en alternance ou en stage rémunéré ont des revenus plus élevés : la moitié d’entre eux gagne plus de 860 euros par mois. »
Lien entre travail et études
L’observatoire de la vie étudiante (OVE), qui dépend du ministère de l’Éducation nationale existe depuis 1989. Il réalise notamment des enquêtes sur les conditions de vie des étudiants. La dernière enquête avant Covid sur le travail rémunéré date de 2015.
L’étude opère trois distinctions successives. D’abord, elle écarte ceux qui n’ont pas d’activité rémunérée pendant l’année universitaire, soit 55% des étudiants. Parmi les 45 % autres, elle identifie ceux dont le travail a un lien avec les études (dont ceux qui sont en stage ou en alternance) estimés à 46 %.
Enfin, parmi les autres (environ un quart du total), l’étude distingue ceux dont le travail vient en concurrence avec les études. Elle base cette distinction sur la durée hebdomadaire de travail supérieure ou non à un mi-temps. La proportion de ces autres dépend probablement du milieu social.
Une autre étude conclut :
« On peut penser à ce titre que ce qui peut être le plus préjudiciable à la réussite sont les horaires de travail, lorsqu’ils ne permettent pas aux étudiants d’assister aux enseignements. Cet effet disparaît si l’on utilise une variable croisant le type d’activité et le nombre d’heures travaillées par semaine (modèle 3). Par rapport à un étudiant qui exerce une activité intégrée aux études, ceux qui ont une activité occasionnelle au moins 10 heures par semaine ou une activité régulière équivalente à au moins un mi-temps (18 heures par semaine) auront des chances réduites de passer à un niveau d’études supérieur, à autres caractéristiques introduites comparables. »
Une situation qui évolue
Si le Covid a produit une situation critique pour tous les étudiants (cours à distance), un autre phénomène s’est produit depuis quelques années : le développement foudroyant de l’alternance pendant une période des études. Ce développement avait pour premier objectif d’améliorer l’intégration à la vie professionnelle en fin d’études. Les enquêtes Génération du Cereq ont en effet montré que ceux qui avaient réalisé une partie de leurs études en alternance étaient nettement plus nombreux au travail que les autres 6 mois après leur fin d’études.
On a donc une situation qui paraîtra contrintuitive à certains. Le travail pendant la période d’études n’est pas un frein à leur succès, bien au contraire. A condition que les deux soient intégrés et que les volets pratiques et théoriques soient correctement pensés dans leur complémentarité.
Le travail ! Un mot-valise ?
J’entends bien qu’il est ici question du travail rémunéré par un tiers.
Mais quand un étudiant « travaille » ses cours, que fait-il ?
Un investissement pour… plus tard, sans doute. C’est-à-dire pour quand il sera dans la vie dite active, celle qui permet en principe de gagner des sous pour vivre.
Je me souviens, en mai 1968, tous ces étudiants dans la rue…
Et les exclamations de vieux réacs, comme disaient ces mêmes étudiants, du genre : « Mais qu’on les foute au travail tous ces jeunes c. »
Ce qui laissait entendre que les étudiants ne travaillent pas vraiment quand ils étudient.