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Les pinceaux de Stéphane van’t Veer sur les murs et dans les rues

Qui ne l’a pas déjà croisé dans les rues de Sceaux ? Il n’est pas difficile à repérer : la soixantaine toujours rêveuse, des cheveux blancs assez longs. Il est mince, il fait face à son chevalet des heures durant. Il regarde tout autour de lui à la recherche du détail à traduire, d’une lumière intéressante. Sa peinture est à rebours des démarches « conceptuelles », « je peins ce que je vois, dit-il. ». Celui qu’on pourrait prendre pour un « peintre du dimanche », peint tous les jours. Il en vit depuis plus de trente ans. Stéphane van’t Veer est artiste peintre et décorateur. A son actif, hors les toiles, des fresques murales, des trompe-l’œil sur des édifices, des rénovations de châteaux. Il fait tout ça et plus encore.

Talent précoce

Son père de Rotterdam et sa mère de Dordogne se sont connus à l’institut d’astrophysique de Paris, où ils étaient chercheurs. Il est néerlandophone, mais ça n’est pas sa langue maternelle. Il a un frère bûcheron élagueur et un autre frère, maraîcher bio en Alsace. Une pareille tribu offre une belle emprise sur le monde.

A 17 ans, après deux années dans un atelier préparatoire, il est reçu aux Beaux-arts de Paris dans la section dessin et gravure. Un professeur le marque particulièrement, Jean-François Débord. « Son cours de morphologie était en fait un cours d’anatomie. On étudiait le squelette, la musculature. Le corps humain prenait une dimension extraordinaire. » Il se souvient aussi avec passion de ses études d’architecture et de perspective. Ça se voit sur ses toiles.

Les Beaux-arts n’offrant peu de perspectives d’emploi à son goût, il entre, sur le conseil d’une cousine, à Van der Kelen, à Bruxelles. L’école de peinture est excellente renommée. Il y apprend les faux-bois, les faux-marbres, la lettre publicitaire (pour les enseignes, les devantures), les trompe-l’œil. Dès sa sortie d’école, il trouve du travail.

Il démarre une activité de peintre en décor. A ne pas confondre avec peintre de décor. Il ne travaille pas pour des théâtres. « Mon premier client a été un plâtrier de Dordogne ! Il avait fait sa maison lui-même. Il voulait décorer de fresques ses murs et ses plafonds ; se souvient-il amusé. »

Peintre de décor

Pour un oncle architecte, il refait la cage d’escalier de son agence. À Delft près de Rotterdam, il décore des meubles design à Delft. Il fait des panoramiques pour un restaurant italien : une vue de Venise et une vue de Naples.

Ciel étoilé sur plafond à Montlhéry, Stéphane van’t Veer

La vie professionnelle de Stéphane van’t Veer est lancée. Ce sera un long écheveau de travaux pour des clients les plus divers. En équipe, avec des peintres décorateurs, il refait des appartements, des maisons de retraite, des bâtiments publics. Ainsi, en 1989, à l’hôtel Crillon, dans une équipe de restaurateurs de tableaux, il réalise un plafond avec un ciel et des anges. Quand il évoque ce souvenir, il est aux anges. Il doit y avoir un rapport.

Il est très demandé en faux marbres pour des entrées d’immeubles haussmanniens ou des appartements. Il fait des dorures dans des appartements luxueux.

Les fresques. C’est un restaurant à Montlhéry, un café à Paris, une crêperie à Moret-sur-Loing, un restaurant à Saint-Mammès. A Palaiseau, où il a demeuré, c’est une boulangerie, un café, une salle municipale. Il y en a trop, on échantillonne.

A la demande de la ville de Montereau, ce sont des boutiques en trompe-l’œil pour des murs extérieurs. A Champagne-sur-Seine ou à Cesson, près de Melun, il peint des centres de loisirs, des établissements de santé, des collèges.

Ce sont des paysages, des scènes, des portraits. A partir d’un nom de la rue par exemple. Il se souvient d’avoir peint Albert Camus dans une rue qui porte son nom. Portraits encore, avec des sportifs sur des murs entourant des stades. Le café de la gare de Palaiseau devient un wagon-restaurant.

Pour la mairie de Saint-Fargeau-Ponthierry, il n’en est pas peu fier, c’est une fresque de 15m sur 5m, à la demande d’un élu : « Nous avons beaucoup de bois et de forêt à proximité du coup je voulais trouver quelque chose de cohérent avec l’image de la ville. ». Qu’à cela ne tienne !

Terminons ce petit récapitulatif avec ses transformations de transformateurs. Sympathique n’est-ce pas ? Que les façades des abris EDF, souvent des 3m sur 5m, soient peintes a quelque chose de rassurant. On se dit que ces espaces, souvent gris ou tagués sans talent, sont de belles surfaces à occuper, regardez ce trompe-l’œil de bibliothèque.

Peintre sur motif

Le décor, la fresque, ne sont pas toute sa vie. Il peint aussi, classiquement, sur des toiles et, image d’Epinal, dans la rue. Cette voie parallèle commence avec un concours de peinture rapide à Palaiseau. Il le gagne et commence à vendre des tableaux. Il prend des commandes. Ce sont des vues d’après nature avec le chevalet sur le trottoir, sur une place ou dans de vieilles cours intérieures.

Sous le regard des passants, il trouve des clients. Le bouche-à-oreille le fait connaître.

A Sceaux, il vend en quelques années près de quatre-vingts tableaux et quelques fresques pour des commerçants. La mairie de Sceaux a pris un petit tableau sur les Guinguettes (à l’Amiral). On le trouve aussi à Palaiseau ou à Igny où il a déjà une notoriété. Qui sait ? On le trouvera peut-être bientôt à Bourg-la-Reine, Châtenay ou Fontenay. Au-delà ? Il est allé en Finlande pour peindre des cours de ferme. C’est dire qu’il est mobile.

Ses tableaux sont des huiles, en général de 40cm sur 40. Il peint des maisons, des rues, des places, des quais, des bords de l’eau. Il a un goût prononcé pour les grands-angles, les 360° ou Fish-eyes. « On y voit tout. On peut ajouter plein de choses. » Il aime cette profusion.

La place de l’église à Sceaux avec l’ancienne mairie
Stéphane van’t Veer

En atelier, il fait des natures mortes. Celle-là est dans un cadre en trompe-l’œil entourant un globe terrestre, un cruchon d’argent, une bonbonnière. A la fois très classique et d’une inspiration que n’auraient pas eu nos grands Flamands du XVIIe siècle.

Peinture et photographie

Etant très figuratif, la question est posée de sa relation avec la photographie. Mais lui ne la pose pas. « La figuration est une vision plus personnelle que la photo. Elle permet d’insister sur des effets, de retirer, d’ajouter des choses. Il y a une sensibilité qu’un appareil photo n’est pas en mesure de créer. » On sent que son goût pour la perspective trouve sur la toile une liberté plus grande. « La peinture est une vue de l’homme par l’homme. Elle est sans intermédiaire mécanique. C’est la main qui travaille directement. »

Pas d’intermédiaire entre les yeux et la main.

L’abstraction ? Elle n’est pas vraiment au cœur de ses préoccupations. Deux secondes (grand maximum) sur n’importe quelle toile le confirment. Si métaphysique il doit y avoir, c’est qu’« un ciel peut être abstrait. Ou des arbres dénudés. Le mouvement des branches. Des faux-marbres. Tout ceci peut être vu comme abstrait. Tout comme les nuages ou les mouvements. »

Cette concession sur les complémentarités entre l’abstrait et la figuration ne l’inspire pas plus avant. D’ailleurs, quel intérêt ? Son expérience du pinceau semble simple, spontanée, on dirait réflexe. Quoi commenter ? Certainement pas la souffrance du geste qui n’apparaît jamais dans son propos.

Il parle plutôt de ce qu’il aime. Comme de faire apparaître un visage dans un rocher ou entre des branches. Représenter des silhouettes dans les paysages. Jouer avec la perspective, faire des anamorphoses. Il a peint l’intérieur d’une caisse, de sorte qu’il soit vu à partir d’un petit trou. On imagine toutes les déformations qu’il faut intégrer pour que l’intérieur paraisse naturel.

Pour l’heure, il se prépare à un gros chantier qui démarre dans les prochains jours. Dans le château du Plessis Saint-Jean dans l’Yonne : un escalier et des chambres à refaire. Les plafonds seront des ciels et des paysages. Pour cet amoureux du grand-angle et des larges fresques, voilà bien un espace où il devrait trouver de quoi se réaliser une fois de plus.

A cours d’une balade dans Sceaux ou dans les environs, ne soyez pas surpris de le croiser. Sur son vélo peut-être (par conviction environnementale) ; s’il est à pied, regardez ses mains, elles tiennent sans doute des pinceaux.


Pour en savoir plus

Pour voir des réalisations de Stéphane van’t Veer, le plus simple est de googliser son nom.
Il est en permanence à l’atelier Le vivier, une galerie de Moret-sur-Loing.

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