Samedi dernier la ville s’était mise à l’heure japonaise. Des stands avaient été montés dans la rue Houdan, partie piétonne ; ils proposaient des poupées, des éventails, des vêtements ou des parfums. L’origine nippone n’avait rien d’assurée, mais qu’importe. Dressés au milieu de la rue, les stands s’ouvraient sur la droite et sur la gauche, chaque côté avait son étalage. Pendant ce temps, dans le parc de Sceaux on s’allongeait près des cerisiers.
On est à la fin de l’Hanami, non que disparaisse l’aptitude à apprécier les fleurs (c’est le sens du mot Hanami), mais parce que les pétales tombent. Le sol en est couvert. Il est tout rose par endroit. J’interroge une jeune femme sur la signification de la fête. A quoi, elle répond que la fête des cerisiers n’existe pas, au sens où cela ne correspond pas à un jour fixe. C’est un moment de détente, un temps de partage, qui s’étend en général de mars à avril. A Kyushu, au sud du Japon, ce sera plutôt à la fin mars, tandis qu’à Hokkaido, au nord, ce peut être un mois plus tard.
Elle s’appelle Kano. Sur un bout de papier, elle écrit 華乃 qui signifie « fleur » puis le prénom de son jeune frère de 13 ans, Koyo, (向陽 « celui qui se lève face au soleil ».
Elle explique avec plaisir. Au Japon, la météo informe tous les jours sur les pourcentages de fleurs. Selon ses normes, un cerisier est en fleur à partir de cinq ou six boutons éclos. Lorsque les 80% sont atteints, la météo dit « pleine fleur ! ». Comme cela dépend du lieu, les cartes météo déplacent la ligne de floraison qui avance du sud au nord.
Il existe plusieurs espèces de cerisiers. Someiyhoshino est la plus répandue au Japon.
Déjeuner sur l’herbe
Pendant la période d’Hanami, on vient piqueniquer entre amis, entre collègues de travail, entre voisins, en famille. Le week-end surtout. Le soir, les cerisiers sont illuminés. Elle montre une photo sur son smartphone. La couverture de lumière leur donne une profondeur énigmatique. Sur une autre photo, c’est une belle nappe étendue sur laquelle on a posé sushis, boules de riz enveloppées d’algue séchée, de la bière, du saké.
De fil en aiguille, on parle des fêtes. Le 3 mars, c’est la fête des filles. Elle correspond à la floraison des pêchers. Hina Matsuri désigne aussi la fête des poupées. Elles sont exposées du 3 mars au 3 avril. L’idée, si j’ai bien compris, est que les poupées protègent les filles et qu’il faut les sortir pour qu’elles voient le jour. Les poupées sont disposées dans un ordre précis et, semble-t-il, assez compliqué, elles sont accompagnées de branches de pêchers.
Le 5 mai, Kodomo no hi, est la fête des garçons. On suspend des poissons en tissu. Le fait de nager dans le ciel est un symbole : le vœu que l’enfant grandisse en bonne santé et ait une bonne carrière. Il existe des poupées pour les garçons, mais elles sont plus guerrières. Elles portent casque et tenue de samouraï. Elle est agrémentée de pâtisseries traditionnelles. Kano tentait de les décrire quand le temps s’est couvert. Prudente, elle rangea ses affaires tandis que son frère ramassa les quelques déchets. Il y apporta un soin méticuleux qui ne manquait pas d’élégance.
Quand on voit dans les bosquets comment l’absence de sanisette transforme le succès de l’Hanami en excès de saleté, on se dit que le souci de propreté à quelque chose de noble.