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Laïcité…. J’écris ton nom

49 personnalités, dont les philosophes Elisabeth Badinter et Marcel Gauchet, l’essayiste Caroline Fourest, l’ex-ministre Jean Glavany, l’avocat de Charlie Hebdo Richard Malka, ou Jean-Philippe Hubsch, Grand Maître du Grand Orient de France, viennent de signer une pétition[1] afin de « porter haut l’idéal laïc« , et appellent pour cela les responsables politiques, à « insuffler une nouvelle dynamique en créant des organismes publics adaptés à cet horizon politique transformé« .
LGdS saisit cette occasion pour ouvrir un dossier qui touche toutes les familles qu’elle soient de Sceaux, du territoire Vallée Sud, de l’Ile-de-France ou de la France tout entière. Il nous semble nécessaire de donner la parole largement, chacun s’exprimant bien sûr en son nom propre.

« La laïcité n’est pas un glaive, mais un bouclier » : ce sous-titre du Génie de la laïcité, ouvrage de Caroline Fourest, dit bien que la laïcité française n’est pas un instrument de combat contre tels ou tels mais, tout à l’inverse, une garantie de vivre en paix, toute pensée, toute religion, toute approche philosophique ayant sa place dans la République depuis la Loi de 9 décembre 1905, dite loi de séparation de l’Église et de l’État.

Pour beaucoup, les deux premiers articles de la Loi en question, regroupés dans un « Titre 1 : principes », gravent dans le marbre des intemporels et éternels qu’il serait, par conséquent, sacrilège de modifier. Certains proposent même de les inclure directement dans la Constitution…

Les voici :

Titre Ier : Principes. (Articles 1 à 2)
Article 1
La République assure la liberté de conscience. Elle garantit le libre exercice des cultes sous les seules restrictions édictées ci-après dans l’intérêt de l’ordre public.
Article 2
La République ne reconnaît, ne salarie ni ne subventionne aucun culte. En conséquence, à partir du 1er janvier qui suivra la promulgation de la présente loi, seront supprimées des budgets de l’État, des départements et des communes, toutes dépenses relatives à l’exercice des cultes.
Pourront toutefois être inscrites auxdits budgets les dépenses relatives à des services d’aumônerie et destinées à assurer le libre exercice des cultes dans les établissements publics tels que lycées, collèges, écoles, hospices, asiles et prisons.
Les établissements publics du culte sont supprimés, sous réserve des dispositions énoncées à l’article 3.

Ces deux articles consacrent la liberté de conscience et la liberté de culte et c’est la fierté de la République Française d’avoir mis en place solennellement de tels principes.

Le culte musulman, sur la sellette actuellement du fait des attentats islamistes, comme tous les autres cultes et exactement au même titre qu’eux, peut et doit être librement exercé en France par qui le veut. L’État garantit cela au nom de sa neutralité qui procède directement de la Loi de 1905.

Combattre des fanatiques extrémistes qui utilisent l’islam et son prophète comme alibi à leur sauvagerie, peu importe en l’occurrence, qu’ils soient sincères dans leur démarche ou parfaitement hypocrites, ne relève donc pas directement de la laïcité et de son éventuelle défaillance, mais directement de la mobilisation citoyenne, des forces de sécurité et des services de renseignement pour combattre sur le terrain du renseignement et sur le terrains policier et judiciaire des faits pénalement répréhensibles par le Code Pénal Français.

La laïcité n’est pas un glaive, ce qui disqualifie toutes les approches pour en faire une arme contre l’islamisme dans les discours, voire contre l’islam tout entier dans les sous-entendus.
Ces approches, en tête desquelles trône la « laïcité » instrumentalisée par l’extrême-droite, tentent de faire d’un outil de paix et de progrès social un outil de combat contre l’autre. C’est en fait un outil de haine de l’autre, là où la laïcité de 1905 définit les conditions pour vivre tous ensemble sans crainte ni violence.

Une neutralité protectrice

La laïcité de 1905 pose que l’État ne « reconnait »[2] plus aucune religion au sens ancien, alors qu’auparavant il reconnaissait les cultes catholiques, réformés et israélites, mais qu’en contrepartie, il les autorise tous à fonctionner en toute liberté de conscience de chacun dans le cadre de la liberté de culte qu’il garantit désormais pour tous.

Rapportés au contexte actuel, on peut déduire de ce qui précède que les musulmans français n’ont aucun souci à se faire de la part de l’État : il garantit leur liberté de conscience et leur liberté de culte depuis la Loi de 1905 et, sur ce point, elle est parfaitement écrite et se suffit à elle-même.

Ce n’est pas forcément la même chose de la part de l’ensemble de la population française, certains pratiquant sciemment l’amalgame entre islamisme et islam afin de combattre la population française musulmane, en particulier d’origine étrangère. C’est souffler sur la braise de la haine de l’autre, surtout s’il est musulman, surtout s’il est originaire du Maghreb ou du Moyen-Orient.

Ce n’est pas forcément la même chose non plus de la part des médias qui relayent cet amalgame dans une ambiguïté voulue ou entretenue, naviguant un peu hypocritement sans cesse entre dénonciation, témoignage et quasi-adhésion discrète.

Le vrai sujet que révèle la situation actuelle avec la multiplication d’actes criminels isolés contre ce qui caractérise la société française contemporaine : la liberté d’expression (attentats contre Charlie et l’affaire des caricatures), l’école de la République publique et laïque (Samuel Paty, point de départ de la pétition), les croyants de différents cultes, c’est la méconnaissance croissante des principes qui fondent notre République.

De la même façon que chaque Français est favorable au reconfinement pour sauver des vies de nos concitoyens, mais préfèrent qu’il s’applique à leurs voisins plutôt qu’à eux-mêmes, de la même façon chacun est d’accord pour faire perdurer nos valeurs sans en comprendre le sens et en les foulant du pied dans nombre de leurs prises de positions.

Les signataires de la pétition précitée pensent nécessaires de réaffirmer notre idéal laïc commun, ce qui est effectivement une bonne chose à faire par les temps qui courent.

Ils plaident pour cela pour la mise en place d’organismes publics adaptés à cet horizon politique transformé, nourris d’une ambition sans autres limites que celles de la raison, de la science et du droit, des moyens inédits pour porter haut l’idéal laïc, en remplacement de ceux qui ont fait leur temps.


[1] L’émotion causée par l’assassinat de Samuel Paty est le point de départ d’une réflexion globale sur la laïcité, la nécessité de la défendre et de lui donner les moyens de s’exercer.

[2]«  Ne pas reconnaître » dans le contexte de 1905 signifiait que, pour l’Etat, le religieux ne relevait plus de son activité, ni pour la nomination ni pour la rémunération des ministres du culte. Cette loi mettait fin au régime concordataire qui datait de 1801 (toujours en vigueur en Alsace et Moselle) et qui fonctionnait de façon inverse.

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