« Tous les moments forts que j’ai connus dans ma vie, c’était chez les scouts », déclare Étienne, 21 ans, responsable depuis 3 ans d’un groupe de préadolescents (11/14 ans) chez les Scouts et Guides de France de Sceaux. Il fait partie des quelques responsables (Bruno, ancien chef de groupe, et Mathilde, Florestan, Étienne et Pierrick, actuellement « chefs » auprès des jeunes) qui m’ont parlé de leur vie dans ce groupe de près de 200 jeunes à Sceaux.
Un peu d’histoire
De ce qu’en savent nos interlocuteurs, les Scouts de France sont présents à Sceaux dès les années 30. Un don de particulier permet à l’UCSEP (Union catholique scéenne d’éducation populaire) de posséder un terrain rue Michel Voisin, terrain qui abrite deux logements, une salle polyvalente et des locaux scouts (salles de réunion, locaux de stockage de matériel…), le plus récent ayant été construit à la fin des années 1980 par les scouts eux-mêmes.
En 2012, quand Soline et Bruno Bellier deviennent responsables du groupe SGDF (Scouts et Guides de France), le groupe compte environ 80 jeunes. Au tournant des années 2000, tous les mouvements scouts ont connu une forte baisse des effectifs. Leur proposition paraissait désuète et la publicité faite à un grave événement dans un mouvement scout marginal (celui de l’abbé Cottard) avait inquiété beaucoup de parents. A partir du début des années 2010, on observe au contraire une nouvelle popularité pour des propositions que les parents regardent favorablement (occasion pour leurs enfants de sortir dans la nature et de sortir des écrans !). Les SGDF inscrivent leur action dans la suite de la publication de l’encyclique « Laudato si ». Depuis, les effectifs des SGDF ont augmenté de 50 %, ceux du groupe de Sceaux ont doublé.
Quelques éléments d’organisation
Les farfadets (6-8 ans, animés par les parents) sont une dizaine. Il y a deux unités de louveteaux-jeannettes (8-11ans), deux de scouts-guides (11-14 ans), deux unités de pionniers-caravelles (14-17 ans) et cinq équipes de compagnons (17-21 ans). A ceux-ci s’ajoutent une bonne vingtaine de chefs ainsi que d’autres adultes en soutien (responsables de groupe, secrétaire, trésoriers, animatrice de vie chrétienne et spirituelle « Cléophas », responsable matériel, équipe d’intendance, accompagnateurs des équipes compagnons).
Les jeunes se retrouvent une fois par mois, par groupe d’âge, au local ou au parc de Sceaux, ou pour une sortie campée. Des événements plus collectifs rythment l’année : week-end de rentrée, week-end de groupe, fête du groupe…Mais l’événement majeur reste le camp d’été, d’une à trois semaines selon les âges.
Souvenirs, souvenirs !
Mais revenons à Pierrick et Étienne, tous deux responsables chez « les bleus » (scouts guides), actuellement étudiants, l’un dans une école d’ingénieur, l’autre dans une école de commerce. Ils évoquent leurs souvenirs communs de pionniers et de compagnons.
En 2015, ils participent à la rencontre You’re up, rassemblement international de la branche pionniers-caravelles, organisé à Strasbourg en juillet 2015, qui accueille 15.000 pionniers, caravelles et scouts et guides européens. Le troisième soir est marqué par une tornade qui passe sur le camp vers 1h 30 du matin. Pierrick et Étienne se souviennent : « On dormait sous la tente, et on a dû commencer à la tenir pour éviter qu’elle s’envole, avec le risque que les installations que nous avions montées s’effondrent et blessent des participants. On s’est tous réfugié au Zénith de Strasbourg : 15.000 scouts qui ont fini là tant bien que mal leur nuit ! Mais tout s’est bien passé, l’évacuation a été rapide, les scouts chantaient en marchant vers le Zenith, il y avait une bonne ambiance, les autorités n’avaient jamais vu cela. »
L’événement a été largement et positivement relayée par les médias. Le lendemain, les activités prévues ont été annulées et les scouts ont reconstruit leur camp (il a aussi fallu faire sécher les duvets !) : la vidéo donne une idée de l’ampleur des dégâts.
Quand il faut évacuer, la consigne se répand très vite. Il est très facile de vérifier que tout le monde est présent : chacun sait si ses copains sont avec lui. Toute l’organisation de la rencontre s’appuyait sur le fonctionnement de ces unités de 10, 20 ou 30 jeunes, organisées en sous camp. Si un jeune se tord la cheville (il y en a eu quelques-uns) il y a d’autres jeunes pour s’en préoccuper et l’accompagner à l’infirmerie et les responsables de son unité le savent en temps réel. Ils sont 15.000, mais à ce moment-là, ils ne réagissent pas comme une foule et ne cèdent pas à la panique.
Deux ans plus tard, ils participent à une rencontre internationale en Roumanie, qui réunit des milliers de scouts. Les organisateurs proposent un concours sur le modèle « la France a d’incroyables talents ». Sans idée particulière, ils proposent une chorégraphie, gagnent au niveau de leur sous-camp, l’améliorent puis gagnent au niveau du camp tout entier.
« Après, cette rencontre, on est allé camper dans les montagnes roumaines. Un soir, dans des conditions difficiles, on avait monté les tentes en vitesse et on s’y était réfugié. Les chefs ont réussi à faire à manger et nous ont apporté le repas dans les tentes. C’est ce soir-là que j’ai décidé d’être chef plus tard. »
En 2018, ils sont compagnons. Ils partent en camp pour donner un coup de main à la Volerie du Forez, nourrir les animaux, entretenir le château qui héberge l’association et animer les groupes d’enfants que celle-ci accueille. 2019 les voit à Argenteuil avec l’association Valdocco fondée par Jean-Marie Petitclerc, un prêtre salésien. Mais leur projet principal, celui pour lequel ils se préparent sur leurs trois années compagnons, c’est le Togo, prévu pour 2020. Las, le Covid-19 change leurs plans. Ils se replient sur une randonnée d’une semaine sur les traces de Stevenson (le GR 70). La dimension internationale est un peu préservée grâce à une scoute portugaise qui se joint à eux.
Cette année, avec les jeunes, ils ont lancé un partenariat avec une association à Fresnes qui s’occupe des chats abandonnés. Cet été, ils partent camper en Normandie, sans autre thème particulier que de camper et vivre la pédagogie scoute. Une baignade est prévue et ils ont l’encadrement formé pour cela. Ils m’expliquent au passage qu’ils ont un accord avec un centre de la Croix Rouge dans le 15ème et que beaucoup d’adolescents sont ainsi formés aux gestes de premier secours.
Florestan et Mathilde, chef et cheftaine louveteaux-jeannettes, me parlent à leur tour. Eux aussi ont été scouts avant de devenir chefs assez jeunes, depuis 3 ans pour l’un et 4 pour l’autre. « J’étais scoute, après les caravelles, je voulais continuer à faire du scoutisme. Je reste parce que je m’éclate quand je suis avec les jeunes. On dit qu’il y a plus de bonheur à donner que de joie à recevoir, et je trouve que c’est vrai. C’est hyper-gratifiant de faire progresser les jeunes. »
Ils me parlent des louveteaux-jeannettes qui échangent des lettres avec un groupe d’Éclaireurs de la Nature, des pionniers-caravelles très contents d’avoir fait quelque chose après avoir construit une remorque pour aller produire et vendre des crêpes dans la rue, les bénéfices étant destinés à une association.
Des projets en cours
A l’approche de l’été, les camps se préparent. Pas toujours facile pour des chefs qui ont leurs examens ou leurs concours à préparer aussi. Quelques exemples en vrac sur les projets : un groupe de pionniers/caravelles va restaurer un château dans la région de Lunéville, une équipe compagnon va faire de l’animation dans un village d’enfants à Divonne-les-Bains, une autre va rénover un chemin à Lourdes, une autre part au Portugal dans un orphelinat et un autre au Cambodge dans l’équivalent d’une MJC.
Des chefs motivés
On l’aura compris, tout cela ne peut fonctionner qu’avec de jeunes adultes qui acceptent de consacrer bénévolement une partie de leur temps à encadrer des jeunes. Certains pris par des études exigeantes viennent aider au moment des camps. La plupart restent plusieurs années. Mathilde explique qu’elle y a acquis des compétences qui lui sont déjà utiles dans ses études, et probablement plus tard au travail : aisance à l’oral quand on a déjà parlé devant 150 jeunes ou une réunion de parents, apprentissage de l’organisation, savoir se débrouiller, aptitude au management d’équipe ou à la gestion d’équipe. Elle découvrira au fil de ses années professionnelles qu’elle a appris dans le scoutisme encore plus qu’elle ne le croyait !
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