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Les coulisses de la géothermie sur le site de forage à Châtenay-Malabry

Des visites gratuites sont organisées par la société Coriance sur son site de forage situé 1 rue Jean-Baptiste Clément. La réservation est en ligne en cliquant ici. Il s’agit avant tout d’explications (très claires) sur les travaux de forage avec un représentant de Coriance, visiblement habitué à l’exercice.

Le site de forage

Ceux qui s’inscrivent à cette visite doivent savoir que tout se passe dans un « bungalow pédagogique » situé à quelques dizaines de mètres des installations de forage. Suffisamment proche pour voir le moteur de la foreuse monter et descendre dans le derrick. Les installations sont celles qu’on peut trouver sur un forage de puits de pétrole. Les équipements utilisés viennent d’ailleurs directement des pétroliers.

Sur la photo en tête d’article, on voit le derrick, qui fait environ 30 mètres de hauteur. Les toiles en bas du derrick cachent les pompes de circulation des boues. Elles constituent un premier frein à la propagation du bruit créé par ces pompes. Plus à gauche sur la photo, on trouve les installations de recyclage des boues.

En tournant la tête vers la droite, on voit (ci-dessus) un « mur » de ballots de paille. Il est là pour réduire le son produit par le forage pour les habitations situées un peu plus loin (derrière le cimetière).

De là où sont prises les deux photos, on entend très nettement le bruit venant des installations (les pompes en sont la principale source), mais pas au point d’empêcher une conversation normale. A l’entrée du site, quelques dizaines de mètres plus loin, le son est très affaibli : le mur de paille le réduit efficacement. Et dans le bungalow pédagogique, le bruit n’est pas non plus gênant. Selon le présentateur, ce sont les groupes électrogènes qui sont généralement les plus bruyants sur les sites de forages. Or il n’y en a pas ici, le courant a été amené depuis le réseau électrique.

Les sources d’énergie du futur réseau de chaleur

Le futur réseau de géothermie utilisera trois sources d’énergie renouvelable : une chaudière à biomasse existante, la chaleur géothermale du Néocomien (une couche géologique plus récente qque le Dogger, donc moins profonde en Ile de France), avec un puits également existant et enfin la chaleur géothermale du Dogger, à partir des deux puis en cours de forage. Ces trois sources cumulées représenteront 88% de l’énergie fournie (dont 70% pour le Dogger et 114% pour le Néocomien), complétée par 12% de gaz utilisé pendant les opérations de maintenance et pour faire face aux pics de froid. La consommation des pompes à chaleur (10 MW) est qualifiée de négligeable( ?).

L’énergie fournie par les énergies renouvelables correspond à 13.300 équivalents logements.

Le Dogger

Le Dogger est d’abord le nom d’une couche géologique. Il correspond à des dépôts anciens (-175 à -154 millions d’années) à dominante calcaire du Jurassique moyen. La roche est perméable et poreuse et peut donc contenir de l’eau. Les mouvements géologiques depuis sa formation font que le Dogger forme une cuvette d’ouest en est. Sous l’Ile-de-France, cette couche se situe entre -1500m et -2000m. Son épaisseur est de plus de 200 mètres. Le Dogger afflue à quelques centaines de kilomètres de Paris, à l’est comme à l’ouest. Situation qui conduit d’une part à l’approvisionnement en eau de la nappe et d’autre part au fait qu’elle est sous pression en dessous de l’Île- de-France : conséquence, l’eau jaillit spontanément dans les puits.

Dans cette région, la température augmente d’environ 3°C tous les 100 mètres :  conséquence, l’eau du Dogger entre -1500m et- 2000m a une température comprise entre 58°C et 85°C. Principal problème : des teneurs élevées en polluants, notamment du sel et du soufre. D’où des risques de corrosion des conduites (ce qui est arrivé aux puis creusés dans les années 80) et la nécessité de réinjecter l’eau. L’eau puisée ne restera à la surface que le temps de transférer une partie de sa chaleur au réseau de chaleur, grâce à un échangeur. Puisée autour de 65°C elle sera réinjectée à une température de l’ordre de 30°C.

Le forage

La technique de forage est la même que celle des pétroliers et elle a déjà été utilisée une cinquantaine de fois dans la région parisienne pour atteindre le Dogger. Le principe est simple : un trépan creuse le sol en tournant, grâce un moteur, le poids du système de tiges qui le maintient exerçant une force suffisante pour creuser comme le ferait une perceuse. Au fur et à mesure de l’avancement du puits, on rajoute des tiges. Ce rajout se fait dans le derrick qui contient des tiges de réserve.

On ne pourrait pas creuser longtemps sans évacuer les débris produits. C‘est le rôle des boues de forage. Il s’agit d’un mélange d’eau et de bentonite qui circule grâce à des pompes installées en surface. Des ingrédients divers sont ajoutés pour une bonne efficacité (notamment selon les roches traversées par le forage) : c’est le rôle d’un responsable spécialisé du sujet, le « boueux ». La boue a deux avantages, outre le fait d’évacuer les débris, elle évacue la chaleur produite par le frottement du trépan sur la roche, et protége l’environnement du puits en se déposant sur les bords du forage.

La boue est décantée et recyclée au sol. Les débris seront évacués régulièrement par camion.

Tous les 500 mètres environ, on remonte le train de tiges (il faut démonter les tiges au fur et à mesure et les remonter de la même manière pour redescendre). On injecte du ciment entre le terrain et les tubes puis on recommence à forer. On alterne donc forage et tubage.

L’eau du Dogger est corrosive (elle contient notamment du souffre) ce qui a réduit notablement la durée de vie des premiers forages, réalisés à la fin des années 70 ou au début des années ou avant le contre-choc pétrolier de 1986. On utilise aujourd’hui un autre type d’acier plus adapté et on termine le forage, quand on est dans les eaux du Dogger, par des tubes en fibre.

Ce n’est pas cette eau qui va circuler dans le circuit de chaleur à travers la ville. Sa chaleur est transmise à ce réseau de chaleur grâce à un échangeur installé sur le site et des pompes à chaleur. L’eau ainsi refroidie (vers 30°C) est alors réinjectée dans un second puits partant du sol à une dizaine de mètres du premier, mais arrivant au fond à environ 2km du premier. Dans la nappe du Dogger, cette eau réinjectée va circuler très lentement, sans impact géologique.

Autres éléments d’information

Le noyau de la Terre est très chaud (environ 5.000°C) et cette chaleur est très progressivement évacuée vers la surface : c’est ce qu’on appelle le flux géothermique. Une partie de ce flux conduit à un très lent refroidissement de la terre (très lent en raison de son volume important). Une autre partie est issue de la fission des éléments radioactifs (comme l’uranium) qu’elle contient.

On estime à 50.000 et 160.000 milliards de tonnes les quantités respectives d’uranium et de thorium dans la croûte et le manteau terrestre. Selon cette estimation, l’uranium seul dégagerait l’énergie électrique produite par 4620 centrales nucléaires de 1 Gigawatt. Source et explications ici.

L’eau réinjectée va constituer un volume grandissant autour du puits de réinjection. Cette eau étant à une température nettement inférieure de celle présente dans le Dogger va constituer une « bulle froide ». Cette bulle va grossir au fur et à mesure de l’injection, et se déplacer de manière préférentielle vers le puits de production, puisque la pression y diminue (un peu !). Ce déplacement est très lent. Par ailleurs l’avant de la bulle se réchauffe au contact d’une roche plus chaude : la température dans la bulle diminue entre son « front » et le puits de réinjection. Et l’eau se réchauffe par le flux géothermique.

Dans les années 70, on calculait, en fonction du débit, la distance nécessaire entre le puits de production et le puits de réinjection pour que la bulle froide n’arrive jamais au puits de production, car elle était réchauffée par le flux géothermique. L’installation pouvait donc fonctionner sans fin. Il semble que les débits actuels soient trop élevés pour cela.

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