Quand le Président du Sénat dérape

Mercredi 6 janvier, Gérard Larcher, président du Sénat et à ce titre troisième personnage de l’État, était l’invité de Catherine Roux dans l’émission « les 4 vérités » de France2. Il s’est surtout employé à critiquer le gouvernement et la manière dont est gérée la campagne de vaccination. Pour appuyer son propos, il a déclaré : « Voilà le dossier vaccinal sur le consentement que mon père, résident d’un Ehpad, a reçu. 58 pages ! Cette bureaucratie est incompréhensible« .

En réalité, le document sur le consentement présenté aux résidents d’Ehpad pour signature fait une page. Outre les informations classiques d’identification, il demande de cocher quelques cases correspondant à des contre-indications possibles, et bien sûr, la signature.

La déclaration de Gérard Larcher est donc soit une erreur, soit un mensonge, soit encore un moment « d’égarement ». On ne sait pas si le père de Gérard Larcher est encore vivant. D’après le site, il serait né en 1910, ce qui en ferait un supercentenaire! Lequel, hélas, ne figurerait pas dans la liste de ceux-ci, qui ne comprend pourtant que 3 hommes. On conseillera alors au sénateur de l’y ajouter (avec son consentement bien sûr).

Le dossier mis en avant par le président du Sénat n’est pas celui envoyé aux résidents comme il le prétend, mais celui destiné aux directeurs d’Ehpad.

La vidéo de cette partie de l’émission a fait le tour des réseaux sociaux et a été relayée sur le compte Twitter de Gérard Larcher qui ne l’avait pas retirée jeudi matin malgré les nombreuses réactions qu’elle a suscitées : l’erreur paraît donc peu probable. A moins qu’il refuse de revenir en arrière.

Alors, incompréhension d’un sujet préparé par d’autres, sénilité, cynisme, préparation d’une candidature à la présidentielle ? La méthode est malheureusement classique : des millions de personnes auront entendu le mensonge, qui les aura confortées dans l’idée que la campagne de vaccination est mal conduite. Moins de 10 % de ces millions de personnes sauront que c’était un mensonge, celui-ci est donc payant.

La sortie du sénateur est une diversion des plus douteuses par rapport à l’enjeu majeur d’aujourd’hui: convaincre le maximum de Français de se faire vacciner contre le Covid. Début décembre, 13 % seulement des Français se disait tout à fait prêts à se faire vacciner, dans une enquête de l’IFOP. 28 % avaient l’opinion inverse et il y avait 61 % d’indécis (26 % probablement oui et 33 % probablement non). Le gouvernement a pris de nombreuses mesures pour convaincre les indécis : désignation d’un « monsieur vaccin », tirage au sort d’un échantillon de Français pour donner leur avis, consentement systématique…Il n’a surtout pas voulu donner le sentiment d’une campagne précipitée, en raison des réactions à la campagne de 2009 contre le H1N1.

On peut ne pas être d’accord avec cette stratégie, mais chercher à la torpiller pour des raisons bassement politiciennes ! Dans ce contexte, l’intérêt général ne devrait-il pas prévaloir sur les petits calculs politicards ? On ne sera pas étonné que les leaders du RN ou de LFI n’en aient rien à faire. Mais le président du Sénat ! On vient pourtant de voir dans les images venues de Washington à quel point ces types de comportements sont dangereux pour la démocratie.

Finissons avec une note d’optimisme. Une nouvelle enquête de l’IFOP au 5/6 janvier montre que l’opinion bouge dans le bon sens sur le vaccin : les convaincus sont passés de 13 à 22 %, les « probablement oui », de 26 à 29 %. A contrario, les opposants certains ont baissé de 28 % à 21% et les « probablement non » de 33 à 28 %.

Sur ce sujet, l‘article de la Dépêche et celui du Huffington Post