Le deuxième tour approche, trois listes sont dans la course. Les murs se couvrent, les boîtes à lettres se remplissent. On peut s’en plaindre ou s’en moquer. On peut aussi s’en réjouir. Voilà un moment où chacun défend ses couleurs. Ce n’est pas plus déraisonnable que de les cacher. Et puis, au moins, ce qu’on veut faire de la ville apparaît au grand jour.
Certains diront que les promesses ne seront pas respectées, mais à lire les programmes, il s’agit moins de promesses que d’orientations et d’équipes. A l’échelle municipale, la question première est celle des personnes et c’est bien normal. On est dans le proche, dans le quartier, dans les rues, on se voit, on s’est croisé. C’est bel et bien le soutien à des femmes et des hommes, ensemble mais aussi individuellement, qui anime une élection municipale. Il vaut mieux que cela reste ainsi. S’il devait en aller autrement, je ne vois pas quel en serait le bénéfice.
Et puis, le local nous protège un peu des débats aussi abstraits que convenus. Un, par exemple : ce que sera l’après. Depuis le confinement, l’après est devenu une perspective, un horizon. Il y aurait eu un avant (du coronavirus évidemment, nous sommes en juin 2020), il y aurait donc un après. Chacun y met la rupture de son choix en fonction de ses convictions politiques. On peut y mettre un changement radical en matière de vélo et de CO quelque chose ; on peut invoquer une nouvelle urgence de l’Etat, appeler à l’éradication de la richesse, à plus de travail, à plus d’autonomie, à moins de délocalisation, à la sauvegarde des espèces, ou même si on est en forme à la fin des abattoirs. Un point commun malgré l’abyssale division des sensibilités. On réclame en général pour l’après ce qu’on espérait avant.
Comme tout ceci s’oppose, il est impossible pour une feuille locale d’en faire la synthèse. Ce n’est pas grave. D’autant qu’à la Gazette, nos ambitions sont plus que mesurées. Pas de manifeste, pas de programme, d’autres sont mieux placés pour ça.
Une référence en matière d’après
En revanche, nous n’hésitons jamais à évoquer les grands Anciens, ce qui est plus sûr. Une chanson me vient à l’esprit, qui est postérieure à Homère et antérieure à ce siècle. Elle parle d’elle-même et prouve que des « plus d’après », ça existe depuis un bail. Guy Béart, interprété par Yves Montand. Difficile à dater, mais avec le secours d’internet chacun retrouvera. L’important, ce sont les paroles.
Il n’y a plus d’après / A Saint-Germain-des-Prés / Plus d’après-demain / Plus d’après-midi/ Il n’y a qu’aujourd’hui / / Quand je te reverrai / A Saint-Germain-des-Prés / Ce ne sera plus toi / Ce ne sera plus moi / / Il n’y a plus d’autrefois….[1]
Cette simple chanson, le temps passant, a pris de l’allure. La disparition de l’après dans le plaisir de l’instant, un instant à deux de surcroit, ne partage pas grand-chose avec les anticipations politiques. Mais quand on parle du temps qui fuit, toutes les émotions se valent. On peut croire ce que l’on veut. Qui jettera la pierre à celui qui s’est trompé ? D’ailleurs, qui s’en souvient ? Et comme le disait fort justement Pierre Dac : « Les prévisions sont difficiles, surtout lorsqu’elles concernent l’avenir. »