INSPIRATION CADEAU Il suffit d’aimer dans la pluie, sa nature, ses causes et ses effets pour trouver dans Balade sous la pluie de quoi apaiser sa soif. On la sait indispensable, vitale et menaçante. On la sent, on la voit, on l’entend. Mais que sait-on des phénomènes physiques qui la créent ou qui en dépendent ? Le livre imaginé comme une navigation le long d’explications scientifiques reste toujours liquide. Il coule. Il comporte quelques formules mais sans abus. Très illustré, très imagé, situons-le à un niveau lycée (sans option particulière). Il est agréable à lire, pose les questions que l’on se pose. En un mot, il est clair et brillant, quasiment pittoresque.
Les deux auteurs savent de quoi ils parlent. Eleonora Dallan et Auguste Gires sont des chercheurs en hydrologie et en météorologie. Elle est italienne, travaille à l’université de Padoue. Lui est dans un laboratoire à l’École nationale des ponts et chaussées. Ils ont un parti pris : diffuser, populariser.
A l’image d’une croisière, le livre est organisé en escales, autant de visites guidées dans le pourquoi et le comment des phénomènes. Les escales de quelques pages sont rassemblées en trois « chapitres », chacun correspondant à un point de vue sur la pluie, une approche.
Goutte-à-goutte
Le premier chapitre présente L’anatomie d’un phénomène. On est dans l’analyse. Douze escales décomposent la pluie, qui est le tout, en parties, les gouttes. Avec leurs tailles, leurs vitesses, leurs parcours dans la chute. La séparation entre les grosses et les petites. Et on y apprend que définir la taille d’une goutte n’est pas facile. On s’en serait douté, mais l’important est que pendant leur chute, les gouttes n’ont pas une forme simple. Elles ne sont pas sphériques du moins pour les grosses. Elles n’ont pas non plus la forme d’une poire ni d’une larme.
Les mesures sont des défis en elles-mêmes. Elles sont nécessaires à la compréhension des liens entre taille et vitesse. La mesure des précipitations doit composer avec le déplacement des gouttes sous le vent. Quels sont les instruments ? Que peuvent-ils et quelles en sont leurs limites ? Les chercheurs disent tout sans jamais abuser des abstractions.
C’est dans le même esprit qu’un court pied-à-terre, une « escalounette » dans le royaume de la lumière, observe de quelles interactions provient l’arc-en-ciel, explique pourquoi sa forme est circulaire. Il raconte même la possibilité d’un arc-en-ciel secondaire qui double le premier « quand les rayons lumineux se réfléchissent à l’intérieur des gouttes » ! Première nouvelle. On n’en dit pas plus. A découvrir.
Débusquer des régularités
Le chapitre 2, La pluie un phénomène naturel à quantifier, la présente dans son ensemble. Onze escales découvrent une sorte d’histoire raisonnée des quantités qui tombent, de leurs extrêmes, de leurs fréquences. On traverse les variabilités dans le temps et dans l’espace.

D’où une question légitime : A quelle fréquence pleut-il ? Les auteurs montrent de façon méthodique et claire qu’ « une approche uniquement à partir des quantités de précipitations sur de longues périodes est trop restrictive. » Parce qu’il faut d’abord quantifier la fréquence des pluies. Et que les résultats dépendent alors des temps d’observation. La démonstration est menée chiffres à l’appui (pas trop tout de même).
La croisière continue. Et si les précipitations « se produisent désormais par vagues plus extrêmes » avec des inondations suivies de sécheresses, y aurait-il une relation avec le changement climatique ? La question mérite d’être posée (et analysée) tant les défis sont sérieux pour l’agriculture, l’approvisionnement en eau et les écosystèmes. Les conclusions des recherches récentes d’Eleonora sont exposées en exemple. Elles concernent le nord de l’Italie et mettent en évidence une augmentation des précipitations extrêmes d’ici la fin du siècle.
Variabilités donc, mais aussi a contrario un invariant. Ah bon ? Entre l’eau qui tombe des grandes hauteurs et celle qui s’écrase sur le sol, y aurait-il du commun ? On le dirait, mais il est assez abstrait. Il est suggéré lors d’une courte escapade, quand l’ancre est jetée sur les fractals. On en sent le parfum, ce qui est un début.
Pour revenir au quotidien, un « bonus » (une escale improvisée sur un îlet inattendu) pose une forte question 😉 : « Pleut-il vraiment moins sous un arbre ? » On randonne parmi les raisonnements, les limites des appareils de mesure, la diversité des forêts, pour apprendre en quoi la question reste un sujet de recherches.
Courons sous la pluie
Après la pluie, le chapitre 3 se demande, expose ce que la pluie devient. Son écoulement, son ruissellement, son stockage. Les relations aux sols. Les désordres que les excès y font, qu’ils soient inondations ou sécheresses, les désordres dans la durée et dans l’espace. Les huit escales sont des excursions dans les conséquences. La pluie qu’on écoute, qui ruisselle, qui manque. Qu’est-ce qu’une sécheresse ou une inondation ? Quels en sont les chaos ?

Les intérêts pratiques sont clairs. Il en va de la capacité à dimensionner les moyens d’absorber, de gérer, les précipitations. Le chapitre en détaille bien les différentes facettes. Mais pas que. On aura « pour se dire au revoir » une courte plongée (sans tuba, juste le temps de jeter sur un coup d’œil) sur la présence banale et sensitive de la pluie autour de nous (ou sur nous). Un conseil au passage, comme ferait un guide devant un panorama : éviter d’ouvrir la bouche « lorsqu’il pleut surtout au début, car des polluants peuvent encore être présents dans l’atmosphère avant d’être progressivement lessivé par la pluie ». Une fois lu, on se demande pourquoi on ne se l’était pas dit plus tôt. Le livre fourmille de rappels de ce genre. Un véritable aide-mémoire.
Une dernière escale, cerise sur le gâteau, descend sur une question farfelue cependant scientifique : faut-il marcher ou courir sous la pluie ? Et si courir, c’est plutôt vite ou pas trop ? Question à la fois rationnelle et sensorielle. Parce que la pluie est forte de symboles, entre mélancolie, renouveau, purification et le fait d’être trempé jusqu’aux os. Dans le livre, elle donne lieu à des considérations scientifiques…. et visuelles. Personne ne chante sous la pluie, mais quelqu’un y court. Un des auteurs a fait le don de sa personne pour mener l’expérience.
Les pieds sur terre
On peut considérer Balade sous la pluie comme un menu « Dégustation ». Les chefs donnent une idée de leurs savoirs et de leurs expérimentations à travers une série de plats où l’on reconnaît tous les ingrédients ordinaires cependant composés, rapprochés, expliqués de telles manières qu’on découvre des saveurs nouvelles. On peut à bon droit, sans chercher à imiter le Guide Michelin et ses distributions d’étoiles, recommander totalement ces belles spécialités.
Il ressort de cette bonne chère didactique, concrète, agencée sur des exemples du quotidien que la pluie est un lieu à fort enjeu : prédiction des précipitations, gestion de l’eau, adaptation des sociétés. Il est utile de la comprendre dans ses volumes et ses excès, les inondations fluviales, pluviales ou marines ou au contraire dans ses manques cruels. Le souci d’Eleonora Dallan et d’Auguste Gires d’illustrer de graphiques et de photos donne à leurs démonstrations la fluidité limpide des récits de voyage.
Pour en savoir plus
Les auteurs proposent une série de trois petites expériences pour faire de votre toucher, de votre ouïe et de votre vue des capteurs de pluie (https://sites.google.com/view/feelingrainfallwithsenses).
Librairies où commander
Balade sous la pluie, d’Eleonora Pallan et Auguste Gires, Presse des Ponts, 2025, 15€
- L’infinie comédie, 6 rue René Roeckel, Bourg-la-Reine
- L’Îlot Livres, 56 bis rue Jean Longuet, Châtenay-Malabry
- Les pêcheurs d’étoiles, 2 place du Général de Gaulle, Fontenay-aux-Roses
- Le Roi Lire, 4 rue Florian, Sceaux

