Une section de la LICRA (Ligue internationale contre le racisme et l’antisémitisme) est présente sur Antony et la ligne de Sceaux. Nous avons rencontré son président, Laurent Nimeskern. Au sein de l’organisation, il préside par ailleurs la commission Education de la région Île-de-France qui organise des interventions dans les établissements scolaires. Un investissement personnel compréhensible pour un proviseur de lycée, ancien professeur d’histoire-géo et … « d’instruction civique », insiste-t-il au détour d’une phrase.
Un projet pour Quartier 2030
Un projet éducatif en cours de préparation illustre l’état d’esprit de la LICRA et, en l’occurrence, de sa section locale. Il vise des élèves de CM1 et CM2 d’écoles du secteur Bagneux, Bourg-la-Reine, Fontenay et Sceaux. Une des classes doit être située dans le QPV (quartier prioritaire de la ville) des Blagis.
Il s’agit de travailler autour d’un conte de Jean-Claude Grumberg, La plus précieuse des marchandises. Le texte invite à sensibiliser les élèves aux questions de respect et d’acception de l’autre, à développer autour de lui les compétences orales et écrites. Le projet propose un travail étalé sur 6 mois, de janvier à juin en 2026, accompagné d’un professeur de théâtre et d’enseignants animant des ateliers d’écriture.
Présences
L’année dernière, la section de la LICRA organisait à l’espace Vasarely d’Antony un hommage à Missak Manouchian et au combat d’étrangers pour la libération du sol de France. A l’Agoreine de Bourg-la-Reine, elle conviait à une conférence avec Renaud Dély, auteur, scénariste et journaliste, sur les menaces croissantes contre la démocratie. C’était cette année un récital lyrique à l’ancienne mairie de Sceaux avec des lectures du Journal d’Etty Hillesum (déportée en 1943) accompagnées d’une soprano et d’un pianiste.

Une conférence, en préparation, sera consacrée au processus de radicalisation. Y participeront Jacqueline Costa-Lascoux, sociologue et juriste, membre du Haut conseil à l’intégration et ancienne membre de la Commission Stasi (en 2003, sur la laïcité) et l’historien Denis Peschanski, « qui étudie, rappelle Laurent Nimeskern, comment la mémoire se construit après le traumatisme des attentats du 13 novembre 2015 »..
En direction des Ecoles, la LICRA dispose aussi d’un site, SAPIO, qui comporte photos, textes et vidéos sur les thèmes de la laïcité, de l’antiracisme, de l’antisémitisme. Il y a du travail à faire tant est grande, dit-il, « la concurrence des réseaux sociaux, les TikTok, où des influenceurs sont plus écoutés que les enseignants ». Au quotidien, elle se tient à l’écoute des victimes et dispose pour les soutenir d’un fort réseau de juristes.
Se former
La LICRA est aussi et intensément un lieu de débat. Tous les ans, une université d’automne réunit les militants. Celle de cette année s’est tenue récemment au Havre. Elle a consacré trois jours à l’anniversaire (120 ans) de promulgation de la loi de 1905. Les tables rondes se sont succédé, dont celles-ci parmi d’autres.
La laïcité, un objet de militantisme abordait les débats et les conflits d’interprétation en France. Loi d’émancipation pour les uns, outil restreignant la liberté d’exprimer sa sensibilité religieuse pour les autres, elle est devenue un objet de revendication, mais aussi de contestation.
Une autre table ronde analysait la loi du 24 août 2021 qui a instauré un contrat d’engagement républicain pour les associations.
Des ateliers thématiques animés par des spécialistes ont discuté de la laïcité de plusieurs points de vue : son combat en Europe et dans le monde ; ses liens avec l’Immigration et l’intégration ; son enjeu à l’école, dans les sports ; dans l’entreprise, dans la culture. Et la question « Pourquoi la laïcité est-elle devenue un gros mot ? »
En effet, on voit combien ces thématiques sont d’actualité et même urgentes. Et pour la LICRA, il s’agit de s’équiper intellectuellement pour être présente sur le terrain où se forment et se confrontent les consciences. L’ambition est d’envergure. Il n’échappe à personne que les consciences bougent à la vitesse grand V.
Les mots comptent
Chez Laurent Nimeskern, la lutte contre le racisme et l’antisémitisme relève de l’engagement républicain. La fraternité entre les hommes passe par des droits, des dignités et des respects semblables. Et c’est très tôt qu’il pense nécessaire de semer les graines de cet humanisme. Les établissements scolaires sont alors le cadre par excellence où commencer à faire réfléchir.
D’autant que pour lui les ambigüités sémantiques sont nombreuses et dangereuses. La notion d’« inclusivité » qui, tout en se voulant ouverte, masque parfois le communautarisme. Il y voit comme une sacralisation des appartenances qui agit dans le sens d’un « morcèlement de la nation ». Et s’il ajoute à ses terrains où toucher la jeunesse les clubs sportifs, c’est qu’ils font partie des cibles privilégiées d’offensives communautaristes. La LICRA, au plan national, en fait d’ailleurs un sujet important, tant lui semblent avérés les signes de manœuvres concertées.
Laurent Nimeskern n’est pas naïf. Il sait que la jeunesse est particulièrement sensible à ce qui différencie. L’enseignant a vécu fortement la loi de 2004 qui interdisait les manifestations ostentatoires d’appartenance religieuse dans les écoles. Certains élèves y voyaient un interdit à combattre. Quand il y voyait une « protection contre les pressions d’un groupe ; une mesure de protection des convictions, une respiration laïque. »
Et c’est un enjeu clé de son engagement que d’aider à en décortiquer les sens des mots. C’est pourquoi, il insiste par exemple sur le regard que porte la LICRA sur le terme « islamophobie ». « Nous estimons que ce mot crée une confusion entre la critique d’une religion — qui relève de la liberté d’expression — et la haine dirigée contre des personnes musulmanes — qui est du racisme. Nous considérons également que ce mot est utilisé comme un outil politique pour limiter la critique de l’islam en tant qu’idée. Nous préférons parler d’« haine antimusulmans » ou de « racisme antimusulman » afin de nommer clairement les actes contre des personnes, sans en protéger juridiquement les idées religieuses. »
Libre pensée
Les idées religieuses, à ses yeux, n’ont pas à être plus défendues que les idées athées. Dit autrement, le refus du religieux n’est pas plus condamnable que l’engagement religieux. Il les situe à un même degré de rapport au monde.
Mais justement, cette symétrie entre croyance et incroyance est devenue, ces dernières années, un sujet de tension et parfois d’incompréhension. Et les débats se cristallisent souvent autour de l’espace public, ce lieu partagé où s’exprime la citoyenneté et où se construit le « vivre ensemble ».
Laurent Nimeskern situe l’enjeu de ces débats sous forme de questions qui parlent ici mieux que des affirmations. « Comment, dans cet espace commun, concilier la liberté de conscience et le respect des convictions de chacun ? Quel socle commun souhaitons-nous préserver et transmettre ? Quelles pratiques, quelles attitudes, quelles expressions voulons-nous partager pour que la diversité n’exclue jamais l’unité, et que la laïcité demeure un principe de liberté et de concorde plutôt qu’un motif de division ? »
Pour en savoir plus
Adresse mail de contact avec la LICRA : lnimeskern@licra.org

