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L’EPF à Sceaux : 66 ans de présence et de développement

En accueillant 120 élèves par promo (puis jusqu’à 160), pour 4 puis 5 ans, ce sont plus de 500 élèves ingénieurs (puis jusqu’à 800) que l’EPF instruisait en même temps à Sceaux entre 1956 et 2021. Uniquement des filles jusqu’en 1994, quand l’école s’est ouverte aux garçons. Avec un problème récurrent : trouver suffisamment de locaux pour permettre à ces jeunes de suivre leurs cours dans de bonnes conditions. 

1956-1969 : avec la fondatrice

En 1925, lorsque Marie-Louise Paris fonde ce qui deviendra l’EPF, elle obtient de s’installer au CNAM. Elle y restera jusqu’en 1945, année où elle doit quitter le CNAM. Suivent 10 années de tribulations, que Marie-Louise Paris raconte ici.

En 1956, elle vend sa propriété de famille, son seul bien, pour acquérir le 3 bis rue Lakanal à Sceaux. Elle est à 5mn de la gare de Bourg-la-Reine et à deux pas de l’entrée du parc de Sceaux. Elle a l’avantage d’avoir un vaste terrain.

La villa date de la deuxième moitié des années 1930… Après l’acquisition de cette villa par Marie-Louise Paris, elle y installe les services de l’administration de l’EPF ainsi que son propre domicile : le premier étage est réservé à la directrice fondatrice, tandis que les greniers et sous-sols servent aux travaux pratiques et le rez-de-chaussée à l’accueil et à la gestion administrative. À cela s’ajoutent bientôt deux amphithéâtres, deux laboratoires d’électronique et un centre de calcul construits en 1967 au nord-ouest de la maison. (https://archives.sceaux.fr/epf-ecole-dingenieurs )

Marie-Françoise Darpas, diplômée en 1962, qui fût 25 ans au service des stages de l’école, raconte que les élèves se partagent alors les lieux avec une promotion le matin et une autre l’après-midi. Une solution qui pourra être abandonnée à partir de 1967, grâce aux deux amphithéâtres en préfabriqué.

Dans les années 30, Marie-Louise Paris innove en introduisant des cours liés à l’aéronautique. A la fin des années 50, elle ouvre l’école à l’informatique. Beaucoup d’anciennes élèves sont recrutées pour ce métier à la sortie de l’école, à l’époque où l’informatique cherche désespérément des compétences. Véronique Raimbault, diplômée en 1973 et présidente des anciens élèves jusqu’en 2024, passera la moitié de sa carrière chez Capgemini. Les diplômées de 1971-1972 se répartissent  dans les quatre options de l’époque : Aérospatiale (17,47%), Électronique (35,93%), Informatique (41,75%) et physique appliquée (4,85%).

Mademoiselle Paris meurt le 28 avril 1969 de diabète. Maurice Berthaume, son collaborateur depuis 1938, prend sa succession. A ce moment-là, l’école a déjà diplômé 1980 élèves.

1969-1979 : décennie difficile

La mort de sa fondatrice menace la survie même de l’école : les locaux comme le titre de l’école lui appartenaient. Il faut les racheter à ses héritiers. Une association se constitue alors avec des professeurs, des anciens élèves et des industriels. La liste de ces derniers montre à quel point l’École polytechnique féminine a su devenir une référence dans certains secteurs, en particulier l’aéronautique et l’informatique. On y trouve en effet l’Aérospatiale et Dassault, Matra et la Société européenne de propulsion (SEP), mais aussi la Société générale, EDF…. Les industriels prennent 60 % des 5500 actions créées.

Le corps professoral est extrêmement attaché à l’école. A l’exception de la professeure de mathématiques, les enseignants travaillent à temps partiel pour l’école et sont souvent salariés de ces mêmes entreprises. C’est l’une des forces de l’école, très opérationnelle avec des enseignants qui pratiquent leur matière au quotidien. Ils vont prendre 15% des actions.

Les 25 % restants sont pris par les anciennes élèves, elles aussi très attachées à l’école.

Le règlement de la succession, particulièrement compliqué, prendra 4 ans, autant d’années d’incertitude pour l’école.

Le nouveau directeur a la lourde tâche de réorganiser une maison traditionnellement sous-administrée. Ce sera chose faite à son départ en 1976. Mais l’école reste en situation financière très précaire. Les relations avec la commission des titres (pour un diplôme d’ingénieur reconnu) sont également difficiles. Des hypothèses de déménagement à Limoges ou de fusion sont étudiées et écartées.

1980-1994 : Colette Kreder

Colette Kreder est diplômée de l’EPF en 1957. Elle a été une des premières femmes à créer son entreprise. Elle redresse rapidement la situation financière, ce qui lui permettra de trouver des réponses durables au problème lancinant des locaux. D’abord avec l’aide de la mairie :

En 1981, la municipalité met donc à disposition une dizaine de salles et un préau qui sert d’amphithéâtre au niveau du rez-de-chaussée et du premier étage du bâtiment principal. La nouvelle surface disponible représente 1045 m2. Dès 1984, cette annexe n’a plus une capacité d’accueil suffisante, et un local préfabriqué de plain-pied est construit dans la cour du Petit Chambord pour aménager 280 m2 de bureaux.

Cinq salles sont transformées en laboratoire, les autres salles étant consacrées à l’enseignement.

Colette Kreder doit aussi organiser le passage d’une scolarité de 4 à 5 ans, comme toutes les grandes écoles, malgré les réticences d’une partie du corps professoral. Ce passage permet d’intégrer des stages en 5ème année et des cours d’initiation dans des matières non techniques (calculs de coût gestion…). La commission des titres approuve le projet en décembre 1984. Les relations avec cette commission s’améliorent fortement dans les années qui suivent.

Une des conséquences, c’est l’augmentation d’un quart des effectifs à partir de la rentrée 1988. Les locaux existants ne suffisent donc plus. De plus les préfabriqués des années 60 sont devenus vétustes. Colette Kreder va faire appel à un architecte scéen, Christian Vilette et son cabinet ETRA Architecture situé à Bourg-la-Reine, qui va accompagner la transformation des locaux.

Autre changement important : la transformation de l’association qui porte l’EPF en fondation. Il faudra 5 ans (et 19 versions !) pour aboutir en 1991.

Dernière décision importante avant le départ de Colette Kreder : la passage à la mixité, décidé en décembre 1993 (mais discuté depuis longtemps) et mis en œuvre lors de la rentrée de septembre 1994. En quelques années, les garçons vont devenir majoritaires, même si le pourcentage de filles reste nettement supérieur à ce qu’il est dans les autres écoles d’ingénieur. Comment faire pour que les filles, si elles sont une minorité, soient une minorité assez importante pour pouvoir faire entendre sa voix ? Cette question débouchera beaucoup plus tard sur le ParityLab. On y reviendra dans un prochain article.

Les souvenirs de Christian Vilette

L’architecte aujourd’hui retraité avait des références solides, par exemple le palais de justice de Bobigny ou celui de Béthune. Il était aussi intervenu à Sceaux sur une grosse opération rue de la Chrétienté et pour construire la MJC dont il sera d’ailleurs le président avant Chantal Brault.

Il se souvient de Colette Kreder comme d’une femme très sympathique et très à l’écoute, sachant ce qu’elle voulait et sachant décider. En 1987, le défi est d’abord dans le délai : 6 mois pour construire les 2000 m² des nouveaux locaux, de manière qu’ils soient prêts pour la rentrée étudiante(décalée d’une quinzaine de jours). Mais le reste du cahier des charges n’est pas simple non plus. Il s’agit d’agrandir l’espace réservé pour les classes et amphi tout en multipliant les places de parking et les espaces verts. Une des solutions a consisté à mettre en place des parkings engazonnés, grâce à une structure au sol constituée de pavés contenant de l’herbe. Une autre à utiliser le métal pour le plancher, les poteaux et les façades (à double peau métallique et ossature béton acier). L’intervention se fait en coordination étroite avec la mairie.

D’autres interventions de l’architecte vont suivre. D’abord une petite dans les classes du Petit Chambord mises à disposition par la mairie. Puis une plus importante au 46 rue du lycée, à deux pas de la gare de Sceaux, sur le RER B. L’EPF vient d’y acquérir une ancienne école secondaire privée. Elle a été à l’abandon et même squattée un temps. Il faut la réhabiliter et la transformer pour l’adapter aux besoins spécifiques de l’EPF.

Christian Vilette étudie aussi pour l’EPF l’installation sur un terrain situé près de la coulée verte. Il aurait eu l’avantage d’un regroupement de toutes les installations sur un seul lieu. L’EPF renonce, pour des questions financières. Le terrain deviendra celui de la faculté Jean Monnet.

L’achat d’un pavillon à côté du bâtiment d’origine va donner l’occasion d’une dernière intervention. La maison abritera une salle des professeurs, les associations étudiantes ainsi qu’une bibliothèque en rez-de-chaussée.

Le problème de l’EPF n’est plus vraiment alors un problème de volume de locaux mais de la dispersion géographique de ceux-ci. La solution apparaîtra plus tard avec la possibilité de s’installer à Cachan à la place de l’École Normale Supérieure qui part à Saclay.

Vie étudiante

Les élèves habitent chez leurs parents (une partie notable des promotions habite la région parisienne), la résidence Jean Zay à Antony (avec un restaurant universitaire) ou d’autres résidences. Certains trouvent à se loger chez les habitants, à Sceaux ou à proximité. Il y a aussi un foyer à Verrières-le-Buisson.

A partir de 1969, l’école Centrale s’installe à Châtenay-Malabry. L’EPF utilise les installations sportives et certains enseignants interviennent à la fois à Centrale et à l’EPF. Des couples se forment. Il n’y a en revanche pas de contact avec le lycée Lakanal tout près ni avec les élèves de prépa, sans doute trop absorbés par la préparation des concours.

Les élèves profitent aussi du parc de Sceaux, très proche de l’école, et de la piscine des Blagis. Dans les années 2000, la remise des diplômes se fait sous un chapiteau installé au parc de la Ménagerie. Le gala annuel a lieu à Paris, d’abord au cercle militaire, puis en divers lieux. La soirée d’adieu au site, fin 2021(bye bye Sceaux), a lieu à Paris.

Sceaux, creuset de l’EPF

Les anciennes élèves, en particulier celles d’avant 1994 (et la mixité) sont très attachées à Sceaux : c’est le creuset de l’école, c’est là qu’elle a grandi. Le transfert à Cachan consacre aussi une mutation qui avait commencé en 2010, avec un nouveau site à Troyes puis un autre à Montpellier en 2012 : l’école a encore grandi, et, pour accueillir plus d’élèves, est devenue multi-sites, elle ne connaîtra plus la situation où toute les élèves de l’école fréquentaient une même ville. 

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