CHATENAY-MALABRY La première fête du quartier LaVallée a dépassé tous les pronostics. L’idée avait germé, il y a un an, dans l’imagination de Karim Najjar, président de l’ASL LaVallée. Selon les premiers éléments de notre enquête, Fabien Duchesne le rejoint bientôt. Puis, le bruit court, enfle. Un groupe WhatsApp se forme. Les conseils syndicaux des résidences s’y collent. Les bénévoles arrivent. Ils seront 26 à rejoindre le « staff ». Le mot staff n’est pas usurpé, ils ont de quoi faire ! Plus de 600 participants prendront part à la teuf.
Dress code, il y eut. Il est blanc ! Avec l’agitation des enfants qui courent tout partout, ce sera une toile visuelle où la lumière scintille. Le quartier tout neuf prend une âme touchante. Il est si rempli. Comment interpréter cette réussite ? Tient-elle aux qualités urbaines voulues par la commune ? A l’énergie collective des résidents ? Aux deux, sans aucun doute.
Les enfants
Ce qui frappe d’abord, c’est la jeunesse. Certes, il y a des « seniors », mais « le couple standard de LaVallée est plutôt trentenaire, dit Aurélie, résidente depuis 3 ans. Et la vie de quartier a vraiment démarré avec l’école ». Mathieu, qui a souvent bougé, trouve ici « son premier quartier avec autant d’enfants ». A leur présence importante a répondu une abondance d’animations : Marco le clown, Nicolas le fabuleux, connu comme sculpteur de ballons, Jimmy le magicien. Sous un barnum, les animateurs « du staff » proposent des jeux de société, un jeu de piste, le Mölkky, ces quilles finlandaises aussi futées que tendances. Attention ! les gagnantes et les gagnants ne partent pas sans rien ! 60 avions planeurs et 60 cordes à sauter seront distribués !
A l’accueil, sont offerts aux familles gâteaux et boissons. Tout ceci coûte. Le staff a cherché et trouvé des sponsors qui le suivent. Ils sont à côté. Altixia, Citya, Basilic & Co, mais aussi Moustache, Beer’s corner et Carrefour City. Karim, dix fois reconnaissant, raconte volontiers tout ce que l’accueil et l’organisation leur doivent.
Deux orchestres se relayent. MG est un groupe d’amateurs châtenaisiens qui s’est chauffé tout exprès pour le grand jour. Il alterne avec un groupe de pros, celui de Nicolas Soumah, vocal, clavier, basse, percussions. Exercices de balance avant de se lancer et d’enchaîner les reprises. On est devant le Beer’s corner. On danse. Une petite fille saute à la corde. Sunny afternoon. Un peu tard, c’est carrément une chorégraphie que présente toute une bande d’habitants visiblement bien préparés.
La Ville
Si la vérité sort de la bouche des enfants, il faut consigner parmi les preuves du bien-vivre, les témoignages de Céleste, 8 ans, et Charlotte, 7 ans. Elles répètent au moins quatre fois au micro tout en sautillant que l’une est la meilleure amie de l’autre (et réciproquement), qu’elles vont à l’Ecole Voltaire, pas dans la même classe (elles précisent au cas où), et qu’elles sont très contentes. Elles montrent vaguement du doigt où elles habitent et décampent en courant aussi vite qu’elles étaient arrivées. Leurs rires et leurs robes blanches sont en soi un joli cinéma.

Dans l’angle des Jardins de LaVallée et de la rue du Commerce, un alignement de chaises et les tables recouvertes de nappes blanches. En face, des tentes. Le soutien de la Ville est comme une évidence. Confirmation avec le directeur de la Police municipale, Abdelkader Djedoui.
Quand il a appris que l’événement rassemblerait plus de 600 personnes, il a mobilisé ses agents. C’était une première, « on ne savait pas comment ça allait se passer. » Blocage du passage des véhicules. Des voitures de police en travers de la rue du Commerce de chaque côté. Pourquoi en travers ? Une protection contre les « voitures folles, celles qui foncent sur la foule. » On pense au terrorisme, mais lui, pas que. Il pense d’abord au conducteur complètement « à l’ouest » qui a perdu tout sens de l’orientation.
L’investissement de la Ville, Fabien Duchesne (un des maîtres barreurs de la régate blanche) l’a senti immédiatement. « Quand l’idée de la fête a pris forme sur le groupe WhatsApp, je l’ai soumise par mail à Véronique Boutrelle, responsable de la communication. Elle a répondu le lendemain. » Et l’accompagnement a suivi.
Des résidents très organisés
Les habitants, de leur côté, mettent en place une coordination impeccable: une équipe soudée, bien répartie, coordonnée (WhatsApp encore). Karim Najjar et Fabien Duchesne sont vite entourés. Jonathan, Valérie, Émilien, Jean-Michel et tous les 26 que les commentaires de cet article préciseront peut-être.
Ils lancent un site de réservation sur QR code. Les inscriptions augmentent sans cesse. Mobilisés depuis deux mois pour certains, depuis quatre mois pour d’autres, les bénévoles tissent une toile organisationnelle remarquable et d’une précision digne de la restauration grande cuisine. Ils commandent à Mathilde Fréville, qui ouvre une pâtisserie en septembre, un pièce montée géante. Chacun en aura un morceau. Elle offrira généreusement des sablés vintages. Forts de leurs quelques financements, ils font faire des chapeaux blancs pour « les papas ». Et pour cause, l’événement se tient le jour de la fête des Pères.
La densité du consensus
Le succès montre d’évidence que les résidents sont heureux d’habiter là. Le micro-trottoir confirme. C’est à la fois « très urbain et très vert », « soucieux d’environnement », « très arboré », « avec un parc d’enfants » et, cerise sur le gâteau, le magnétisme absolu du parc de Sceaux à deux pas. On reconnaît « une taille humaine » dans la petite hauteur des bâtiments, les trottoirs larges, les commerces en bas. Une confidence au passage du micro : « Sur mon balcon, des mésanges viennent manger. »
Jean-Michel fait l’accueil sous l’allée de chênes enfouie sous le feuillage. La Ville vient d’y installer des terrains de pétanques. Il en est ravi. Carl Segaud le maire et Georges Siffredi, son prédécesseur et président du conseil départemental, ont absolument voulu l’inaugurer. Les deux se sont battus pour que le quartier existe. Leur gaieté est perceptible et ils circulent dans la fête comme des poissons dans l’eau. Ils ont voulu le quartier. Il est là, sous leurs yeux, avec une joie et un nombre qui semblent dire qu’ils ne sont pas trompés.
Titillé sur la « densité », Carl Segaud s’en amuse « On n’est pas dans les 17 étages ! Et tout ce vert ! Et la ferme urbaine ! » Il enchaîne sur la mixité sociale, comme pour rappeler qu’il s’en soucie et ne la caricature pas. « Regardez autour de vous. Impossible de reconnaître où sont les logements sociaux. »
Comme en écho, Elisabeth, Châtenaysienne de longue date, ne se voyait pas « habiter dans ce quartier « bétonné ». L’opportunité m’a décidée et, en fait, la vie y est plus détendue que ce que j’ai connu auparavant. On se croise dans la rue, on se parle. Parfois on boit un coup ensemble ! » Ou cette mère de famille qui associe la « densité » à bien des facilités : les relations entre enfants, l’école, le centre de loisirs, les activités de sport.
Proximités
Densité qui satisfait sans doute les restaurants (sponsors de la fête) Basilic&Co ou Moustache. Le Beer’s corner aussi où Alienor (originaire d’Aquitaine, évidemment) travaille depuis l’ouverture. Elle le dit, les concerts, karaoké, blind test (reconnaissance de morceaux), les matchs importants, foot, Roland Garros, remplissent le pub et sont hyper sympa.
Bon, mais les courses ? La Gazette le relevait, on voudrait plus des commerces de proximité, fromager, boucher, primeur, on parle aussi de pressing. Il y a bien la boulangerie, le Carrefour City, le Lidl (souvent associé à une chalandise de passage plus que locale), sans compter Picard sur la Division Leclerc. Arrive la pâtisserie de Mathilde Fréville.
Mais de fait, la concurrence dans le commerce de bouche est forte et de qualité. Le marché du centre est petit et vient d’ouvrir. On le connaît peu encore. Celui d’Antony est gigantesque et vraiment pas loin. « Rue Houdan à Sceaux, on y va à pied en traversant le parc. » Pour Georges Siffredi, les marchés de Sceaux, d’Antony ou du Plessis ont une attractivité ancienne qui est une donnée pour Châtenay. Au début du projet LaVallée, il imaginait volontiers des commerces de vêtements. Mais en 10 ans, la vente en ligne les a complètement bousculés. Les boutiques ferment. La question se pose partout en France et probablement ailleurs. « Il faut maintenant revoir les types de commerces », dit-il conscient que l’évolution sociétale réclame de nouvelles réponses. En attendant, qu’on se rassure, à LaVallée, on ne manque de rien.
L’identité du quartier
« On voulait des rencontres au-delà des voisins d’immeubles. On a pu joindre tout le monde. Les les résidences ont relayé super, explique Valérie. Au début, on avait 100 inscrits, puis c’est passé à 400 puis 500… 600. » Un effet boule de neige, des engagements spontanés de nouveaux arrivants. 611 à la fin…
Pour beaucoup, cette fête a été plus qu’un moment convivial. Sa réussite procède indéniablement d’un lieu que les maires ont voulu. Elle procède aussi d’énergies personnelles, de la volonté des habitants et des commerçants de s’approprier le lieu. L’un et l’autre. Un quartier et ses résidents se modèlent de concert. LaVallée commence… elle est dans le végétal et le bâti, dans le désir de se façonner une identité.
