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Les élections européennes font étape à Sceaux

Il n’est pas fréquent que vienne s’exprimer dans nos villes un ancien conseiller à l’Élysée, secrétaire d’État, puis ministre délégué aux affaires européennes. Clément Beaune a le verbe haut et clair, il maîtrise parfaitement son sujet. Intéressant à écouter. Il était accueilli par Philippe Laurent, maire de Sceaux où se déroulait la soirée, et Maud Bregeon députée du lieu. Les deux aux convictions européennes bien ancrées ont exprimé leur propre soutien à la liste Besoin d’Europe conduite par Valérie Hayer.

Devant la grande salle de l’ancienne mairie tout à fait pleine, Philippe Laurent introduisait la soirée en saluant une union réalisée entre partis et mouvements différents. Si les visions de l’Europe ne sont pas identiques, elles partagent un socle suffisamment solide pour se retrouver dans les moments importants. Que l’UDI dont il se réclame ait rejoint la liste, relève à ses yeux d’une évidence, même si cela fut débattu : « Un tiers du programme de Besoin d’Europe et de celui de l’UDI sont semblables. » Et puis, il connaît de longue date Valérie Hayer : « L’élue européenne est très compétente. » On croit comprendre que ce n’est pas le cas de tous.

Maud Bregeon suit Philippe Laurent sur les dangers qui montent en Europe. Et sur ceux qui montent en France. Elle appelle de ses vœux à la mobilisation de tous pour faire face à une situation qu’elle estime « impossible ». Une droite populiste est à 30% des intentions de vote ! Voilà le défi. « On a tous un rôle à jouer, reprend-elle, à plusieurs reprises, dans la famille, auprès des amis, des collègues ou dans les quartiers. »

Clément Beaune consacre un premier moment à la mémoire des personnels pénitentiaires assassinés pendant le transfert d’un détenu et le meurtre de gendarmes lors des émeutes en Nouvelle-Calédonie. Suit une intervention très détaillée, dont on a relevé les points saillants.

Une volonté commune grandissante

Lors des dernières élections européennes en 2019, nous étions en plein doute. Le Brexit, Trump, président. L’Europe était à contre-courant. Aujourd’hui qu’en est-il ? En quoi le Brexit a-t-il répondu aux promesses faites en termes d’immigration ou d’emploi ? La perspective d’un retour de Trump rend certaine la nécessite de s’en sortir seuls. Non que les États-Unis ne soient pas des alliés fondamentaux. Mais il est devenu indispensable de gagner en indépendance.

Souvenons-nous de la crise du covid. Aux premiers jours, pas de coordination. Chaque pays partait de son côté, fermait ses frontières, cherchait ses méthodes. Et puis, une coopération s’est enclenchée. Un réflexe européen a pris le dessus. Qui l’aurait cru. Une politique sanitaire s’est mise en place. « Le vaccin nous a sauvés. » Et tout ceci s’est passé en un an !

De même, l’Europe, certes après de longues discussions, s’est entendue pour des aides pour compenser le chômage partiel, des aides à la relance. Dès 2020, une politique commune d’aide à la relance a été décidée.

Il y a 6 ou 7 ans, parler d’un budget européen de défense était impossible. Aujourd’hui, ça urge. Philippe Laurent étaye le propos d’un petit rappel historique : l’échec (qu’il regrette) à quelques voix près de la CED (Communauté européenne de défense) en 1954. On précise : les gaullistes et les communistes avaient voté contre.

« Ne nous laissons pas voler la volonté d’Europe. Aujourd’hui tout le monde se dit proeuropéen. Mais rappelons-nous de ceux-là mêmes qui ne l’étaient pas il y a quelques années seulement. »

Un programme pour faire bouger l’Europe

Parce que l’Europe est loin d’être parfaite, parce qu’elle est une ambition toujours à affermir, il faut un programme.

La souveraineté énergique avec la sortie des énergies fossiles à l’horizon 2050, à l’aide du nucléaire et des énergies renouvelables. La sécurité intérieure en accroissant la coopération entre les polices et en mutualisant le renseignement sur les individus radicalisés. La maîtrise des frontières.

N’est pas indépendant qui veut. C’est pourquoi le programme propose un fonds européen des industries de défense ; l’instauration d’une force de réaction rapide ; le soutien militaire à l’Ukraine dans la durée.

La souveraineté économique, c’est une préférence européenne avec un Buy European Act par lequel toute aide publique serait subordonnée à la localisation en Europe d’une partie de la production. C’est aussi un bouclier commercial européen avec des « règles miroirs » qui imposeraient aux produits importés les règles qui s’appliquent en Europe. N’est-ce pas ce que réclament les agriculteurs ?

Mais la souveraineté réclame l’efficacité. Les institutions européennes doivent pouvoir prendre des décisions à la majorité qualifiée plutôt qu’à l’unanimité (pour les sanctions, la fiscalité…) On sait que le sujet est sensible. Certains y voient le début d’une démission nationale. A quoi, Clément Beaune semble répondre : « La majorité qualifiée n’est pas une menace pour la France. Dans les faits, c’est plutôt l’inverse, comme le véto hongrois à des mesures d’aide à l’Ukraine. »

Les fameuses normes

Que n’entend-on pas sur les normes : « Mais si on n’avait pas les normes européennes, on en aurait 27 ! » Aux yeux de Clément Beaune, le problème est de ne pas surnormaliser et d’éviter les normes divergentes. Trop de normes nationales et pas assez de normes européennes, avaient dit lors d’un entretien récent à la Gazette Maud Bregeon et Philippe Laurent.

En ce qui concerne les normes agricoles (combien critiquées), si on n’avait pas le green deal, les importations de provenances extraeuropéennes seraient bien plus dévastatrices. L’Europe a l’ambition la plus écologique du monde. Et ce sera positif à condition de réciprocité. « Il faut imposer à l’entrée les mêmes normes que celles que nous nous appliquons. Encore faut-il qu’il n’y ait pas 27 normes exprimées dans 24 langues différentes ! »

Les normes seront bénéfiques si elles sont associées à un horizon commun et à des moyens. En d’autres termes, il faut « passer d’une Europe des normes à une Europe des investissements, résume Clément Beaune ».

Un vote d’une importance globale

« Une campagne électorale est le meilleur moment pour faite vivre la démocratie, lance Clément Beaune. » On ne saurait mieux dire. Le problème de toute élection est qu’on ne reconnaît pas ce qui a été fait. Et que les attaques simplistes s’entendent mieux. Il faut gratter sous les postures. Le Brexit est à nouveau évoqué et l’évolution de l’opinion britannique.

Le scrutin du 9 juin sera observé partout. Il est à rapprocher « d’un autre rendez-vous électoral d’importance pour nous [qui] se déroulera en 2024 : les élections américaines. » La perspective d’un retour de Trump et, plus généralement, les intérêts géopolitiques américains, obligent l’Europe à repenser et à développer fortement son indépendance. Et à renvoyer des signaux clairs au monde. Les Ukrainiens regarderont comment l’Europe a voté.

« On ne peut pas être pour la sécurité, l’industrie, l’écologie sans être européen » dit Clément Beaune pour ajouter un peu plus tard : « L’Europe, ce n’est pas l’étranger ; c’est nous. »

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