CARTE POSTALE Quand on s’approche de Compostelle par un camino fléché, le nombre de marcheurs s’accroit de kilomètre en kilomètre. On vient de partout, d’Allemagne, d’Italie ou des Etats-Unis. Et même des Philippines, avec un groupe de dames déjà un peu âgées, d’un pas parfois difficile. Elles semblaient mues par une attente rédemptrice. Au bout du chemin, Saint-Jacques, Santiago, devait les récompenser du haut de la façade et donner sens à leurs efforts.
Au départ de Porto, le chemin vers le nord longe l’Atlantique, la mer des grands rouleaux et des spots inouïs pour surfeurs intrépides. On est arrosé par les embruns, c’est-dire si le chemin en est proche. Il suit les plages et si par moment il faut marcher dans le sable on s’aperçoit combien cela ralentit l’allure. Les pieds dérapent, les pas sont courts. On se prend à imaginer la torture de se déplacer dans un désert. A Pâques, les plages interminables sont vides. L’eau est sans doute glacée. Il pleuvait ce jour-là. Aucune raison de s’y trouver au petit matin quand les marcheurs entament les kilomètres qui les séparent de la prochaine étape.
Sur la route, Ponte de Lima, une ville adorable et festive ce dimanche-là. C’était un jour de brocante et de fanfare. Tout le monde était sur la rive du fleuve, entre le pont nouveau et le pont médiéval. Les cafés bondés et les familles au grand complet donnaient une ambiance à la fois paisible et joyeuse. On dit que c’est une des plus anciennes villes du Portugal, la plus ancienne peut-être. Les petites places racontent cette histoire.
A Compostelle, se croisent les âmes des plus simples aux plus tourmentées, des plus jeunes aux plus âgés, des plus musclés aux plus fragiles. La ville a pour elle des monuments audacieux, la cathédrale hébergeant un musée, l’hôpital des Rois Catholiques, des collèges et toutes sortes d’édifices qu’il n’est pas difficile de trouver. Des auberges accueillent pèlerins et marcheurs pour un prix honorable dès qu’on s’éloigne un peu du centre.
Vers l’ouest, en suivant la costa de Santa Isabel, à un petit quart d’heure à pied de la cathédrale, on est dans une sorte de campagne qui domine la ville. Le surplomb est total. Les clochers se dégagent, les toits orangés brillent sous le ciel, la ville de légende est rassemblée sous un seul regard et de son éternelle présence.