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L’art de Gustave et de Rosa

CONFÉRENCE      Pascale Lespinasse présentait le 1er février à l’ancienne Mairie de Sceaux, dans le cadre des rencontres littéraires et artistiques sur le thème : « Le réalisme en France de Gustave Courbet à Rosa Bonheur ».

Rien n’est plus beau que le vrai

C’est Théophile Gautier qui a inventé le terme de réalisme à propos du peintre graveur Adolphe Pierre Leleux qui fut un précurseur.

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Adolphe Pierre Leleux Une noce en Bretagne (1863) crédit : Wikimédia Commons

Il s’agit avec lui de représenter objectivement le monde, de le reproduire sans choix ni retouche, en partant de l’idée que rien n’est plus beau que le vrai.

Sa toile Une noce en Bretagne (1863), représentée ci-dessus, est l’archétype de ce nouveau mouvement.

Pour Pascale Lespinasse, il existe traditionnellement une hiérarchie des genres pour classer toutes les œuvres picturales. Au sommet de cette hiérarchie trône la peinture mythologique, la peinture d’histoire, qui tient depuis toujours la première place. Mais, au milieu du XIXe siècle, des ateliers privés émergent. Ils deviennent, pour les peintres, une autre voie pour se former en dehors des Beaux-Arts et du Louvre.

Thomas Couture Les Romains de la décadence (1847) Crédit : Wikimédia Commons

Elle cite à ce propos la toile de Thomas Couture qui apparaîtra en 1847 au salon (voir ci-dessous) et sera classée au Musée d’Orsay dans la catégorie de l’Art pompier. Elle commente Les Romains de la décadence (1847), représentée ci-dessus, pour illustrer cette catégorie, à la croisée des chemins des maîtres de la Grèce antique, de la Renaissance et de l’école flamande. L’Art pompier est une sorte de représentation allégorique réaliste dont le but, dans cette toile, est d’adresser au second degré une vive critique à la Monarchie de Juillet. Couture vise en réalité la société française de son temps, au travers d’une sorte d’allégorie. Profondément jacobin, républicain et anticlérical, il vise la décadence morale de la France discréditée par une série de scandales. Les critiques d’art du salon de 1847 voyaient finalement dans ces Romains « Les Français de la décadence« .

Le salon des refusés

Le Salon de peinture et de sculpture, appelé de manière générique le Salon, est une manifestation artistique qui a eu lieu à Paris de la fin du XVIIe siècle à 1880. Il exposait les œuvres des artistes agréés originellement par l’Académie royale de peinture et de sculpture créée par Mazarin, puis par l’Académie des beaux-arts, à partir de 1817. À partir de 1832, le Salon devient annuel.

Gustave Courbet Paysage d’hiver (1863) Crédit : Wikimédia Commons

En 1855, le Salon se confond avec l’Exposition universelle.  Gustave Courbet, qui a été refusé au pavillon français, se singularise en exposant ses œuvres au « pavillon du Réalisme », en marge de l’exposition officielle. En 1863, 5000 œuvres sont soumises au jury du Salon qui en refuse 3000. Devant la colère exprimée par les nombreux artistes frustrés, Napoléon III demande qu’ils soient exposés : ce sera le Salon des refusés. Il existe de nouveau en 1864 pour la dernière année.

Gustave Courbet autoportrait à Sainte-Pélagie (1872) crédit : Wikimédia Commons

Parallèlement, le romantisme fait progressivement son apparition. Pascale Lespinasse cite et commente à cet égard Ingres et Delacroix.

Un solide anar franc-comtois  et un « petit bout de femme » préférant les animaux aux hommes

Edouard Louis Dubufé Portrait de Rosa Bonheur (vers 1857) Crédit : Wikimédia Commons

Puis, survient le bouleversement que constitue la peinture de Gustave Courbet, solide franc-comtois aux idées anarchistes.

Bouleversement accompli aussi au travers de la peinture de Rosa Bonheur, « petit bout de femme » pleine d’énergie et dotée d’un verbe digne de son costaud collègue masculin. Son verbe haut et ses convictions sont inversement proportionnels à son modeste gabarit.

Rosa Bonheur revendique un profond amour des animaux. Elle fait preuve d’un talent fou dès ses 14 ans en copiant inlassablement des toiles au Louvre.

Rosa Bonheur Chef d’un veau (1878) crédit : Wikimédia Commons

Pascale Lespinasse présente d’abord quelques sculptures d’Antoine-Louis Barye et quelques peintures de Jacques-Raymond Brascassat qui annoncent la peinture animalière de Rosa Bonheur.

Elle complète son propos d’autres œuvres animalières émanant d’artistes de l’école de Barbizon comme Constant Troyon, Narcisse Diaz de la Pena ou Théodore Rousseau.

Rosa Bonheur expose dès 1840, c’est-à-dire à 18 ans, où elle produit des croquis qui font l’admiration de Théophile Gautier.

Rosa Bonheur Labourage nivernais ( 1849 ) Crédit : Wikimédia Commons

Elle obtient une médaille de 3e classe au Salon de 1845, et une médaille de 1re classe (or) au Salon de 1848 pour Bœufs et Taureaux, Race du Cantal. La qualité de la toile Labourage nivernais (1849), présentée ci-dessus, qui traduit l’amour des animaux de ferme et la finesse de la peinture, notamment au travers du réalisme des sillons.

Rosa Bonheur vache de race Highlands (1876) Crédit Wikimédia Commons

En 1865, elle est la première artiste femme à être nommée au grade de chevalier de la Légion d’honneur par l’impératrice Eugénie. En 1894, elle sera aussi la première femme à être promue officier de la Légion d’honneur.

Pascale Lespinasse passe par les Glaneuses de Millet, allégorie sur le courage paysan, pour arriver au Marché aux Chevaux (1853), représenté ci-après, qui est une toile gigantesque de dimensions habituellement réservées aux peintures d’histoire. Le stress des chevaux, la domination de l’animal par l’homme, la souffrance animale sont rendus visibles par l’artiste avec une force et une sensibilité impressionnantes. La toile est d’une composition complexe. Elle est construite comme une sorte de ronde sans fin, les chevaux étant présentés au public en accomplissant une boucle.

Rosa Bonheur Le Marché aux chevaux (1853) Crédit : Wikimédia Commons

Poursuivant son passionnant propos, notre conférencière nous indique que c’est précisément au moment où Rosa Bonheur produit des toiles de bovins d’un réalisme saisissant que plusieurs races voient leurs caractéristiques fixées définitivement : les liens inattendus entre élevage et art pictural…

Elle nous indique qu’avec sa toile Fenaison en Auvergne qui sera présentée à l’exposition universelle de 1855 que Rosa Bonheur souhaite saluer et flatter l’électorat paysan.

Rosa Bonheur Fenaison en Auvergne (1855) Crédit : Wikimédia Commons

Rosa Bonheur fera une tournée mondiale qui sera particulièrement triomphale aux Etats-Unis où le succès de l’artiste se répandra dans des produits dérivés inhabituels pour l’époque comme des papiers peints Rosa Bonheur, des poupées Rosa Bonheur….

Rosa Bonheur fera une tournée mondiale qui sera particulièrement triomphale aux États-Unis, où le succès de l’artiste se répandra dans des produits dérivés inhabituels pour l’époque, comme des papiers peints Rosa Bonheur, des poupées Rosa Bonheur….Tout réussi à cette voyageuse, femme d’exception, indépendante qui a été capable de décrocher un permis de travestissement pour pouvoir courir les foires et abattoirs en pantalon !

Elle achètera même le Château By-Thomery…

Un Courbet qui n’est pas en reste par rapport à sa collègue féminine

Gustave Courbet fera son premier Salon en 1844 : Pascale Lespinasse nous invite à apprécier les différentes facettes du talent de Courbet en présentant et commentant une série d’œuvres toutes passées à la postérité picturale : le Pont de Nahin (1837), Autoportrait de 1845, le chien noir (1844), le Désespéré (visible en tête de l’article), l’Homme blessé (1854), l’Homme à la pipe (1849).

Gustave Courbet Bonjour Monsieur Courbet (1854) Crédit : Wikimédia Commons

Elle s’attarde sur l’Après-diner à Ornans (1849), première toile du maître réalisée sur un très grand format, traditionnellement réservé d’histoire, comme Rosa Bonheur le fit pour son Marché aux Chevaux quatre ans plus tard…Cette toile fera son succès au Salon de 1849 où il remporte la médaille d’or.

Gustave Courbet Femme aux bas blancs (1864) Crédit : Wikimédia Commons

Entre 1848 et 1850, il peindra son deuxième très grand succès, l’enterrement à Ornans qu’il compose comme une vraie peinture d’histoire alors qu’il ne s’agit que d’une scène de vie provinciale ordinaire. Cette toile fera scandale chez les bien-pensants qui critiquent la laideur des personnages et leur abondance.

Gustave Courbet l’Enterrement à Ornans (1850) Crédit : Wikimédia Commons

Scandale aussi, en 1849, avec les casseurs de pierres, son réalisme franchissant pour les critiques la ligne de démarcation avec une peinture politisée dans sa critique du labeur humain.

Après plusieurs toiles visitées qui ne peuvent pas toutes être citées, il fallait assister à la conférence ! Pascale Lespinasse fait le lien entre les deux artistes quand Courbet représente le monde animal, comme le Chevreuil Chassé, l’Hallali du Cerf (1867), la femme au perroquet (1860) …

Gustave Courbet Le Pont de Nahin (1837) Crédit : Wikimédia Commons

Elle conclut sa captivante visite immobile par les Baigneuses (1863), par la célébrissime Origine du Monde (1866) et l’autoportrait à la prison Sainte-Pélagie (1872) représenté plus haut.

Gustave Courbet Pauvresse de village (1867 Crédit : Wikimédia Commons

Notre conférencière conclut son propos passionné en récapitulant ce qui fait l’essence du réalisme que nous avons visité : le réalisme c’est d’abord l’anti-théâtralité du style du Serment des Horaces de David. C’est aussi la négation d’un spectateur qui serait à séduire car c’est à lui de comprendre le message passé par l’œuvre. C’est bien sûr l’objectivité recherchée au plus près. Elle nous dit que cela sera encore plus vrai avec Manet et son Déjeuner sur l’herbe…Avec ce dernier on regardera un autre réalisme, celui perçu par le peintre…

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