Il est conseiller municipal à Châtenay-Malabry, adjoint au Maire à l’Économie sociale et solidaire, aux Mobilités et à l’Énergie. Dans la vie, l’autre, il dit de lui : « Je suis un ingénieur qui a mal tourné. » Bigre ! Mais on comprend vite que d’éventuelles poursuites n’iraient pas bien loin. Il est parti de la technique, il a rejoint le commercial. En matière de délit, on fait pire. Mais une heure d’entretien suffit à comprendre que la technique est toujours en lui. Marc Feugère aime en parler.
Le pétrole
Un début d’explication. A Centrale Lyon, il est passionné par les machines thermiques et la métallurgie. C’est ensuite l’institut français du pétrole (IFP). Question d’atavisme. Son père est géologue pétrolier, rompu aux champs de l’Algérie, de la France, mais aussi du Sénégal où il fit plusieurs découvertes. D’Espagne où toute la famille s’installe pendant trois ans. Le premier champ offshore venait d’être découvert au large de Tarragone. Marc Feugère y poursuit sa scolarité de la 3e à la 1e. De retour à Versailles, il passe sa terminale et ses deux années de classes préparatoires au lycée Hoche. On n’est pas surpris de l’avoir vu passer par Centrale.
A l’IFP, il choisit l’option forage et en 1981, son service militaire en VNSE est effectué à l’Institut vénézuélien du pétrole. Et centré sur le bassin de l’Orénoque. « Le pétrole y est lourd, l’huile est dense, très visqueuse. Il est très dur à exploiter. » Mais la demande pétrolière (honnie aujourd’hui) est énorme, toutes les pistes sont explorées, « et ce bassin contient des réserves supérieures à celle de l’Arabie Saoudite ! »
A son retour en France, fin 1982, la conjoncture s’est retournée. C’est la chasse aux gaspis. On ferme des puits. Le nombre de puits chutent et les besoins en forage avec. « Il faut dire que c’était la folie. Les Etats-Unis comptaient 4400 sondes actives, record absolu dans toute la longue histoire pétrolière américaine ! Comparez-les avec les 800 aujourd’hui et ils restent néanmoins très actifs ! »
L’expérience du tube
En 1983, Vallourec le recrute comme technico-commercial. Si le secteur pétrolier est en crise, les champs sont à entretenir. On continue d’explorer. Les clients sont les grands groupes comme Elf (à l’époque), Total ou Shell.
Les offres, les devis, à ce niveau, ne se rédigent pas sur un coin de table. Il faut évaluer les besoins des clients, mais aussi les associer à la capacité de production de Vallourec. La planification n’est pas un art mineur. Vallourec a pour patron Arnaud Leenhardt. Il en parle avec émotion et grand respect.
En 1997, Vallourec absorbe Mannesmann qui avait mis au point « un procédé génial de tubes sans soudure. » Une technique de perçage appuyée sur un procédé à chaud sans perte de matière. « Quand les Allemands arrivent, je venais de prendre la direction de la division Marketing des tubes pour raffineries. » Lesquels sont utilisés par les canalisations de transport et de process très différents des tubes de puits. « De l’amont, je suis passé à l’aval pétrolier. » Bien résumé.
En 2003, il décide de quitter Vallourec. Impact de la fusion ? Désir de connaître d’autres prairies ? Toujours est-il que Marc Feugère devient indépendant et crée SP2 MARC (Services pétroliers, produits sidérurgiques). Il a une expertise tube sans soudure. Elle est rare. Qui en douterait.
Pourtant, « au début, quand j’ai été à mon compte, ça a été très dur, surtout les 3 premières années. Après, j’ai été à flot. Mais ça a beaucoup dépendu des circonstances. » Il y a une clientèle en France. Les champs pétroliers seront fermés en 2040. Mais si l’exploration pétrolière est arrêtée, la France possède un sous-sol minier qui reste riche. Et il y a encore 17 ans de production. Les puits demandent de la maintenance, qui touche à la fois les tubes de production d’huile et, d’autre part, les tubes de réinjection d’eau. Maintenance également des cuvelages de soutien pour protéger le sol et assurer l’étanchéité des puits de développement. Tous ces tubes sont différents.
Les clients veulent être servis dans les délais et la capacité de production n’est pas toujours en mesure de les satisfaire. Il faut négocier entre le possible et le souhaité. Comprendre les capacités de production des usines en Autriche. Jouer avec les délais de fabrication. Ils sont devenus longs avec l’explosion de la demande. La production ukrainienne a diminué du fait de la guerre, car la métallurgie (dont celle des tubes) a été redirigée vers les besoins militaires. « Et Vallourec ferme ses usines allemandes et françaises. Un désastre industriel pour la France ! »
À l’usine, il est reconnu comme un homme de métier. Cela lui donne une autorité bien utile. « Chercher le compromis entre la demande du client et la capacité de l’usine, croyez-moi, ce n’est pas simple. Comprendre un client, un directeur d’usine, présenter les dossiers, les défendre… je ne suis pas une boîte aux lettres, dit-il pour plaisanter, conscient de sa valeur ajoutée. »
Après une phase très difficile pendant le covid, l’activité redémarre fort en 2021. « Vous vous souvenez de la période aux États-Unis, quand les stocks étaient pleins et que les prix étaient négatifs ! Ça n’a pas duré longtemps, mais on a fermé des puits, ce qui a usé les tubes. D’où des besoins en remplacement. » Aujourd’hui, la guerre en Ukraine met la tension sur la fabrication au moment où le Moyen-Orient est très demandeur.
Chrétien-démocrate, à moins que démocrate-chrétien
Marc Feugère est venu à la politique par des chemins de traverse. Il découvre l’action collective, lorsque, avec son épouse, il s’occupe de ses jeunes enfants et rejoint une association de parents. Il entre ainsi en contact avec Georges Siffredi. « Un jour, je l’ai écouté présenter l’ingénierie sociale dans la cité-jardin. Son discours était très convaincant, très humain et très concret. ». La relation se poursuivra.
Un autre chemin vers la politique, la chose publique du moins, est son engagement dans le Mouvement Chrétien des Cadres. Lieu d’échange d’expériences et de questionnements, il rencontre d’autres hommes qui l’impressionnent, à commencer par Etienne Pinte, le maire de Versailles de 1995 à 2008. Le mouvement, à travers ses débats sur les sujets économiques et sociaux, invite naturellement à prendre part à la vie de la cité.
Il soutient la candidature de François Bayrou aux présidentielles de 2007. Puis, il adhère au Modem, participe à une liste des municipales en 2008 à Châtenay-Malabry. Tout en étant en activité, il entre vraiment en politique.
En 2014, il rejoint l’équipe de Georges Siffredi. Cela fait donc presque neuf ans qu’il combine métier et fonction d’élu. Et la division du travail ne semble pas un problème du tout. Son métier est compatible avec le télétravail. Il peut organiser assez librement son emploi du temps et ses rendez-vous. En moyenne, il concentre sa charge professionnelle sur 3 jours par semaine et sa charge d’élu sur 2 jours.
L’énergie au centre des projets
En ce moment, les points chauds de Marc Feugère sont la mobilité et les énergies. La municipalité suit les prix du gaz comme le lait sur le feu. La consommation des bâtiments publics fait l’objet d’un audit. Pour l’éclairage public, des changements en leds à hauteur de 30% d’ici 2024 sont prévus. Pour l’élu, c’est du suivi. De même, pour la ferme urbaine qui ouvrira à La Vallée en 2023. Elle sera construite par Merci Raymond, mais la mairie met à disposition un hectare de terrain et un bâtiment pour la préparation des conserves, la vente et l’animation.
Membre du conseil territorial, il suit le démonstrateur écologique lancé par Vallée Sud Grand Paris (VSGP) et qui sera localisé à Châtenay. Un site pilote de production d’hydrogène est prévu et, là, l’homme venu du pétrole est sur un sujet qui le motive. Il veut le voir aboutir et le raccorder à des projets éducatifs. Une école du développement durable fera partie du démonstrateur. Elle est en phase de définition. Des pistes en direction du lycée professionnel Jean-Jaurès sont aussi étudiées. Avec l’espoir que nourrit tout élu : des retombées pour la ville.