Le 30 novembre 2022, Christian Monjou développait le thème : « Munch : pour une esthétique du cri » lors d’une conférence consacrée au peintre norvégien, à l’ancienne Mairie de Sceaux, dans le cadre des rencontres littéraires et artistiques de Sceaux.
Conférencier réputé, Christian Monjou, ancien professeur de chaire supérieure en khâgne B/L au lycée Henri IV, qui a été à ce titre professeur principal en khâgne d’Emmanuel Macron au lycée Henri IV. Il est agrégé de l’Université et ancien chargé de cours d’agrégation à Normal Sup de la rue d’Ulm. Il est enseignant chercheur à Oxford et ancien lauréat de la Fondation Besse, spécialiste des civilisations anglo-saxonnes. Son approche générale consiste à utiliser le détour de l’art (arts plastiques, théâtre, opéra) pour évoquer des problématiques managériales telles que le leadership, la relation à l’autre, l’innovation et la concurrence positive, l’interculturel, etc… À travers ses conférences, il analyse les liens entre le management, les œuvres d’art et leurs auteurs.
Au fil de la conférence, l’auditeur comprend à quel point toutes les œuvres d’Edvard Munch sont marquées par la souffrance, la maladie, la mort, et l’angoisse de la vie.
Notre conférencier débute son propos en insistant sur la sombre destinée d’Edvard Munch, de santé fragile qui, dès l’enfance voit sa mère et sa sœur gravement malades, qui est en proie aux idées sombres et qui connaîtra de nombreux épisodes de dépression durant sa courte vie. Cela l’a conduit à traduire avec lyrisme la mort et l’angoisse dans son œuvre. Il a le don d’interpeller l’observateur.
Né en 1863, Edvard perd en effet sa mère dès 1868 et sa sœur Sophie en 1877, toutes deux de la tuberculose. Sa première toile « L’ enfant malade » évoque clairement la fin de vie de sa sœur. Elle a fait un véritable scandale, la jeune fille mourante mais paisible, sa tante abattue, impuissante, à ses côtés.
Le cliché de 1902 qui ouvre la projection au soutien de la conférence révèle un Edvard très européen d’apparence, mais aussi de culture, car il a fait ses universités à Paris où il séjourne à maintes reprises comme en Allemagne, à Berlin et à Lübeck, principalement.
De la suite dans les idées, ou plutôt, dans les obsessions…
Le conférencier insiste sur la solitude, l’isolement choisi par l’artiste et nous décrit un homme de séries : pastels sur carton, peintures, gravures, aquarelles, dessins, études : tous ces supports seront mis à contribution pour ses centaines d’autoportraits dont au moins 70 huiles.
Pour le célébrissime « Le cri », toile la plus chèrement vendue aux enchères le 2 mai 2012 (120 millions de dollars), qui reste aujourd’hui la cinquième toile la plus chèrement vendue aux enchères, il cerne progressivement son sujet, travail après travail et en utilisant plusieurs supports : il produit d’abord un pastel sur carton, il dessine, il peint pour arriver progressivement à l’œuvre finale.
Il écrira alors : « M’arrêtant, je m’appuyai à la balustrade, presque mort de fatigue. Au-dessus du fjord bleu noir pendaient des nuages, rouges comme du sang et comme des langues de feu. Mes amis s’éloignaient, et, seul, tremblant d’angoisse, je pris conscience du grand cri infini de la nature ».(Edvard Munch, La revue blanche, 15 novembre 1895).
Sa fascinante toile intitulée « Vampire » a elle aussi fait l’objet d’une grande série avec des variations. Ce sera la même chose avec la mort de sa sœur aînée ou les passants hagards sur l’avenue Karl Johan d’Oslo, artère principale de la capitale norvégienne.
Lorsqu’il peint l’huile qui termine une série, il démontre qu’il estime avoir trouvé exactement ce qu’il a progressivement élaboré, qu’il a abouti.
En ce sens, cet artiste recherche une sorte de perfection.
La toile morbide « Soirée sur l’avenue Karl Johan » est en quelque sorte le chef de file des œuvres dans lesquelles les humains sont montrés comme de véritables zombis aux regards fixes et hagards et aux yeux exorbités qui traduisent la méfiance de l’artiste envers ses semblables quasiment assimilés à des fantômes. Ces personnages semblent errer mécaniquement, collés les uns aux autres, un peu comme les zombis du clip vidéo de Mickael Jackson sur son morceau « Thriller ».
Sa toile « Anxiété » met en scène les zombis de la toile précédente sur le quai qui surplombe le fjord d’Oslo qui a servit de décor au « cri ». L’artiste a décidément de la suite dans les idées, ou plutôt, dans ses obsessions…