« Monsieur Lecoq » d’Émile Gaboriau est reconnu comme le premier roman policier de l’histoire littéraire. Etienne Émile Gaboriau, né le 9 novembre 1832 à Saujon (Charente inférieure) et mort le 29 septembre 1873 à Paris, est un écrivain français, influencé par Edgar Allan Poe, considéré comme le père du roman policier. Son personnage, l’enquêteur Lecoq, a influencé Conan Doyle pour la création de Sherlock Holmes.
Un feuilleton dans le Petit Journal
« Monsieur Lecoq » est d’abord paru sous forme de feuilleton dans le Petit Journal du 27 mai 1868 au 3 décembre 1868. Il a ensuite été publié en deux volumes chez l’éditeur Dentu en 1869. L’inspecteur Lecoq est le héros de ce roman policier qui succède aux trois premiers romans de l’auteur : « L’Affaire Lerouge », « le Crime d’Orcival », « le Dossier n°113 » et « Les esclaves de Paris ».
Après le succès de « L’Affaire Lerouge », son autre œuvre majeure, Émile Gaboriau travaille comme feuilletoniste au Petit Journal. Ses feuilletons sont par la suite regroupés et publiés en volumes.
Dans son premier roman judiciaire, l’auteur met en scène le Père Tabaret, dit Tirauclair, et introduit l’agent de la sécurité Lecoq, qui deviendra un commissaire célèbre et le personnage principal des romans suivants. Se démarquant du chef de la sûreté François Vidocq, à l’origine du Vautrin de Balzac, il est le modèle du détective ingénieux qui, n’hésitant pas à se travestir, résout des énigmes par ses capacités déductives hors normes, à la manière du Chevalier Dupin d’Edgar Allan Poe. Ce dernier personnage devait inspirer Conan Doyle et Maurice Leblanc. Mais, à la différence de Sherlock Holmes, les enquêtes de Lecoq reposent sur des investigations plus réalistes, plus proches des progrès de la police scientifique de l’époque. Les romans policiers de Gaboriau font pénétrer l’intrigue dans les milieux sociaux, qu’ils décrivent d’une manière « naturaliste ». En cela, l’influence de Gaboriau sur le roman policier français reste très importante. Ses analyses psychologiques très fines (par exemple dans « Le Crime d’Orcival ») ont inspiré jusqu’à Georges Simenon.
Son roman Monsieur Lecoq (1869) a été adapté au cinéma sous le même titre par Maurice Tourneur en 1914 et à la télévision dans une série télévisée portant également le même titre et diffusée par la Société Radio-Canada pendant la saison 1964-1965. Il a aussi été adapté en 1974 par Antenne 2 dans la série Les Grands Détectives avec Gilles Ségal dans le rôle de Monsieur Lecoq.
Une plume et une intrigue d’abord déroutantes
Le lecteur de « Monsieur LECOQ » est d’abord un peu décontenancé par une trame faite d’une multitude de détails, circonvolutions et descriptions sur un rythme un peu saccadé qui rappellent clairement les feuilletons comme ceux d’Eugène Sue : un peu comme une succession d’épisodes décrivant chacun un rebondissement et laissant le lecteur dans l’attente du prochain épisode.
Ce roman surprend le lecteur moderne de plusieurs façons : la multiplicité des personnages d’abord de sorte qu’il faut toute l’attention pour mémoriser qui est qui. J’ai compté pas moins d’un vingtaine de personnages principaux, sans compter tous les autres qui apparaissent au détour de l’intrigue.
Il le surprend aussi par la multiplicité des rebondissements de l’intrigue, de sorte que le lecteur renonce à anticiper l’action pour se laisser tenir par la main par l’auteur.
Les meurtres, point de départ
Tandis que des policiers patrouillent dans Paris, des cris se font entendre dans le cabaret de La Poivrière, un lieu malfamé dirigée par la veuve Chupin. Les gardiens de l’ordre public découvrent sur le sol de la maisonnée deux cadavres et un homme souffrant tandis que le présumé assassin tente de s’enfuir. Alors que le chef de la Sûreté, Gévrol, réduit le drame à un simple règlement de comptes entre des malfrats, un jeune agent nommé Lecoq découvre différents indices prouvant que le meurtrier serait un homme du grand monde. Soucieux de faire ses preuves face à l’incrédulité de son supérieur, Lecoq obtient de mener l’enquête avec le père Absinthe. Les deux agents suivent alors dans la neige des traces de pas suggérant non seulement la présence d’un complice mais aussi de deux femmes. Après une longue filature, l’enquêteur arrête un saltimbanque prétendant s’appeler Mai. Le policier se demande si ce curieux individu ne pourrait être le dur de Sairmeuse, mêlé à une ancienne et ténébreuse affaire…
Ainsi démarre une intrigue qui va ensuite multiplier les surprises et le lecteur décontenancé du début s’accoutume peu à peu à ces changements de direction du fil directeur de l’intrigue pour se laisser charmer par le récit qui l’immerge totalement dans la France du Second Empire. L’enquête nous entraine alors à rebrousse-temps, vers le théâtre d’un complot entre deux familles et aux sources d’une énigme passionnante qui s’impose par l’analyse psychologique et la dimension historique…
Toutes les astuces du roman-feuilleton sont mises au service de la création d’un genre dont Émile Gaboriau reste le pionner incontestable…