Au bout de 2 ans de pandémie Covid, nous avons tous envie de tourner la page. Mais peut-on vraiment le faire aujourd’hui ?
Plus de 130.000 personnes suivent sur Twitter Guillaume Rozier, le créateur d’une série de sites sur le Covid qui lui ont valu d’être décoré de la Légion d’honneur à 25 ans. Jusqu’à la fin janvier, ses tweets portaient quasi exclusivement sur le Covid. Puis il s’est mis à évoquer d’autres sujets, depuis les victoires françaises aux Jeux olympiques jusqu’aux sondages sur l’élection présidentielle et maintenant l’Ukraine, n’évoquant plus quotidiennement les chiffres Covid qu’il continue à publier sur Covid Tracker.
Un signe parmi d’autres que l’intérêt des Français s’est focalisé sur d’autres sujets. Qu’ils ont envie de délaisser le masque et les mesures de précaution diverses qui les faisaient éviter tant que faire se peut les espaces clos avec du monde. A tort ou à raison ?
Reflux de la vague
Tous les indicateurs montrent un reflux de la vague Covid : depuis son pic de fin janvier (à plus de 350. 000 cas quotidiens), la moyenne des cas positifs enregistrés a baissé de plus de 80%. Le nombre de lits occupés à l’hôpital ou en soins critiques pour Covid est également en baisse. Le nombre d’admissions à l’hôpital a connu son pic le 1er février et a été divisé par plus de deux. Le pic du nombre hebdomadaire de décès date du 7 février. Là aussi on observe une décroissance, même si nettement plus faible.
En moins de trois mois, il a été enregistré plus de 15 millions de cas positifs, contre 7 millions dans les 18 mois précédents (hors première vague, où l’utilisation de tests était exceptionnelle). Ce n’est pas un changement de comportement des Français qui a provoqué le reflux de la vague. Pour la plupart, ils n’ont pas pris plus de précaution qu’au moment du creux observé en septembre 2021. La baisse du nombre de cas s’explique pour une autre raison : il n’y a plus assez de gens à contaminer. 15 millions de cas positifs officiels, c’est probablement le double si l’on en croit les études antérieures. Soit près de la moitié de la population. Mécaniquement, le taux de reproduction diminue au point de finir par passer en dessous de 1.
La baisse des cas que l’on observe est réelle, comme le montrent les autres indicateurs ; mais il est possible que la forte baisse des cas mesurés soit en partie due au fait que les gens se testent moins.
Même avec cette baisse, le nombre de cas reste plus élevé que les pics observés en avril et août 2021.
Plus de cas, moins de décès
Ce qui est frappant quand on regarde les courbes, c’est que l’explosion des cas ne se traduit pas par une explosion aussi importante des hospitalisations et des décès. Alors que le pic de nombre de cas est multiplié par 10 par rapport au pic d’avril, le nombre d’hospitalisations maxi est au même niveau qu’en avril 2021. On est même en dessous pour ce qui concerne les soins critiques ou les décès.
Deux explications complémentaires à cette situation : l’effet de la vaccination et le fait que le variant Omicron est à la fois beaucoup plus contagieux et moins létal. Moins létal pour un nombre de cas donné. De début décembre au 15 février, cette vague aura provoqué plus de 15.000 morts, hors Ehpad. Il y en aura encore probablement autour de 5000 d’ici fin mars. Parmi ces décès, une vingtaine d’enfants de moins de 10 ans sur une trentaine sur les deux ans de la pandémie.
20.000 morts, c’est énorme. Il y a moins de 1000 homicides par an en France et ils font les unes des journaux.
Bilan de stratégie Covid
En 2020, il était manifeste que ceux qui avaient fait avec succès le choix d’une stratégie « 0 Covid » avaient fait le bon choix : ils avaient évité la mortalité Covid, ses impacts sur les hôpitaux avec un coût économique et des contraintes qui étaient finalement plus faibles que ce que les pays n’ayant pas fait ce choix avaient subi.
En 2021, les choses ont progressivement changé avec l’arrivée des vaccins d’une part, celle de variants plus contagieux d’autre part. La plupart des pays « 0 Covid », comme la Nouvelle-Zélande ou Singapour, ont alors changé de stratégie pour parier plutôt sur une vaccination massive.
En France tout se passe comme si, silencieusement, il s’était fait collectivement un choix stratégique : nous ne pourrons pas nous enfermer indéfiniment pour éviter d’attraper le Covid. Si on doit l’attraper, autant que ce soit maintenant que nous sommes vaccinés et qu’il est peu létal (relativement, c’est-à-dire par rapport aux précédents variants). Si on fait ce raisonnement, on peut voir en effet que les 20.000 morts constatées avec la moitié de la population touchée, c’est beaucoup moins que les 400.000 morts anticipés au début de la pandémie(si tout le pays était touché, avec un taux estimé à l’époque de 6000 morts par millions d’habitants, taux qui a été celui du Pérou par exemple).
Un pays a fait un autre choix, en continuant de viser le 0 Covid, c’est la Chine. Avec un prix à payer considérable, puisque cela se traduit par des confinements extrêmement serrés. La fin de ce tunnel n’est pas en vue (des mauvaises langues disent que la Chine n’abandonnera pas cette stratégie avant le renouvellement de son dirigeant en novembre), d’autant plus que le taux de vaccination en Chine est assez moyen et que le vaccin utilisé est manifestement moins efficace que les vaccins à ARN messager. La Chine est en train de prendre des mesures radicales à Hong-Kong, où le nombre de cas explose avec 220.000 cas en deux mois.
Virus toujours présent
Malheureusement, cette vague qui se termine (ou pas ?) n’annonce pas la fin de l’épidémie ; pour diverses raisons.
D’abord, parce qu’une partie de la population a continué à prendre de multiples précautions pour ne pas être contaminée, en raison de risques plus importants que la moyenne : immunodéprimés, personnes ayant de nombreuses comorbidités, malades…Si plus de la moitié de la population a été atteinte récemment, ceux qui ne l’ont pas été se comptent encore en dizaines de millions!
Ensuite, parce qu’avoir déjà eu le Covid ne garantit pas de ne pas l’attraper de nouveau. Le prince Charles fait partie de ceux qui ont de nouveau été atteints. Le pourcentage de ce type de recontamination est faible, mais les études sur le sujet ont montré que ce pourcentage a augmenté avec Omicron.
Enfin, parce qu’il reste des non-vaccinés (moins de 4 millions chez les 12 ans et plus).
Nous allons dorénavant vivre avec le Covid et nous ne savons toujours pas bien ce que cela signifiera dans l’avenir.
La seule chose un peu sûre est que nous avons la chance d’avoir un vaccin assez efficace (même s’il ne l’est pas à 100%) et les capacités de l’adapter si besoin (mais avec un délai incompressible) à de nouveaux variants.
Si le taux de vaccinés deux doses des 12 ans et plus est élevé (au moins 92%), seule la moitié des Français ont reçu trois doses et la vaccination des 5/11 ans est un échec : 200 000 enfants seulement ont reçu deux doses.
Nouvelle vague ?
Très dernièrement, on assiste à une remontée du taux de reproduction : celui-ci vient de dépasser 1, ce qui est une mauvaise nouvelle. Cette situation s’expliquerait par la place de plus en plus importante du variant BA.2, nettement plus contagieux que le variant BA.1, mais qui est appelé Omicron comme lui. Une explication complémentaire est, hélas, l’abandon de plus en plus important par la population des comportements de précaution.