Nul signe extérieur ne signale la crèche parentale des Fripounnets, au bout de la rue Raymond Py, à deux pas de la maison de retraite Renaudin. Heureusement, Julia Barbier, la présidente de l’association qui gère la crèche, m’attend devant l’entrée de l’immeuble. Quelques minutes après avoir fait connaissance, nous entrons dans un appartement situé au rez-de-chaussée, bien à l’abri des bruits de la ville.
Une relation parents-enfants privilégiée
De l’entrée où j’enlève mes chaussures, j’aperçois au fond en face de moi deux adultes dans ce qui se révélera être la cuisine. Sur la droite, une autre pièce, grande, dans laquelle se promène un (jeune) homme avec un enfant dans ses bras. Juste devant moi, un peu sur la droite, un grand casier. Dans chaque case, quelques effets d’enfants, surtout des chaussons.
Je découvrirai ensuite (sans y entrer) la pièce où peuvent dormir les plus petits et celle où dorment les plus grands (ils peuvent aussi y jouer). En avançant, je vois que la grande pièce est encore plus grande que je l’imaginais : on a probablement réuni salle à manger et salle de séjour. Cela constitue un espace agréable, d’autant plus qu’il n’est guère encombré.
Certains enfants me regardent, se demandant sans doute qui est cet inconnu, mais sans montrer plus d’émotion qu‘un peu de curiosité. Les autres continuent à vaquer à leurs occupations. Le calme domine. Le tapis de sol qui évite les bobos de ceux qui tomberaient étouffe aussi probablement les bruits. Une adulte est en train de donner à manger à deux bambins dans un coin (les enfants mangent à tour de rôle). Quelques jouets traînent par terre, mais c’est plutôt l’ordre et le rangement qui prévalent.
Je ne reste que quelques minutes, le temps de me faire une idée des lieux : ne dérangeons pas ces enfants. Je me retrouve quelques minutes plus tard à boire un thé en compagnie de Julia, la présidente de l’association, et de la responsable de la communication Irina Rybas qui nous a rejoints pour donner de plus amples explications. Toutes les deux ont un enfant dans cette crèche et, à ce titre, participent de près à son organisation et à sa vie au quotidien.
C’est d’ailleurs le principe d’une crèche parentale : des parents réunis en association gèrent les différents aspects administratifs de la vie de la crèche, en lien étroit avec l’équipe des professionnels qui se chargent de l’accueil de l’enfant ainsi que du contenu du projet pédagogique.
Selon Wikipédia, la plupart des crèches parentales mettent également à contribution les parents de l’association pour effectuer des heures de permanences afin d’épauler l’équipe pédagogique et prendre en charge des tâches matérielles quotidiennes. C’est le cas chez les Fripounets, où chaque couple de parents assure quatre heures hebdomadaires de présence sur place (le couple est bien sûr libre de la répartition de ce temps en son sein). C’est d’ailleurs ce qui a motivé aussi bien Julia qu’Irina (et leurs conjoints respectifs) à inscrire leur enfant dans cette crèche : c’était un moyen pour elles (et eux) de continuer à passer du temps avec leur enfant.
Cette présence permet aussi d’assurer un taux d’encadrement confortable, même s’il ne s’agit pas forcément de s’occuper des enfants : il y a des tâches ménagères à assurer. Le contact avec les enfants se fait de toute manière sous la responsabilité des professionnelles, et par exemple, les parents ne peuvent donner à manger qu’à leur propre enfant.
A l’usage, on les sent toujours enthousiastes. Elles me montrent quelques photos :il y en a tous les jours de nouvelles qui circulent. Il y a même des vidéos, par exemple celle où on voit l’un des enfants faisant ses premiers pas quelques jours plus tôt, ou l’un des papas émerveillant les enfants en leur jouant de la clarinette ! Il faut dire que chacun vient offrir ses compétences, et donc la diversité de celles-ci. Actuellement les arts (musique, sculpture…) semblent avoir le vent en poupe !
Julia et Irina trouvent que la crèche donne à leur enfant l’occasion d’interagir avec d’autres. Et elles notent que cette crèche parentale leur permet de discuter avec d’autres de leur rôle de parents ; ce qui est toujours précieux quand on l’est pour la première fois !
Une association à faire vivre
Reste que faire vivre cette association demande de l’investissement. Et de l’organisation : pas moins de 9 commissions pour décharger l’équipe professionnelle de tout ce qui ne concerne pas directement les enfants.
L’un des aspects importants est le financement : comme partout, la crèche est financée en grande partie par la CAF, le département, la mairie et les contributions des parents. Ces dernières sont calculées en fonction du revenu et sont nettement plus légères que s’il fallait payer une assistante maternelle. Mais la période récente a été difficile pour les crèches, entre la fin des contrats aidés et le Covid. Pendant le confinement, des parents en télétravail ont gardé leur enfant, ce qui a réduit les financements CAF : il faut maintenant gérer serré, faire les dossiers nécessaires pour aller chercher des subventions partout où c’est possible. Les travaux éventuels peuvent être financés par la CAF, à condition bien sûr d’en faire la demande !
Les salaires et charges correspondantes représentent bien entendu les principales dépenses. Le fonctionnement quotidien repose sur deux éducatrices de jeunes enfants, deux auxiliaires petite enfance et une agente polyvalente à mi-temps. Cette dernière a la particularité de travailler dans cette crèche depuis sa fondation en 1990 : elle en est la mémoire vivante.
Les autres salariées ne sont là que depuis moins de deux ans. La crèche a traversé une période mouvementée il y a quelques années et des changements nombreux parmi les professionnels. La nouvelle équipe semble avoir remis de la stabilité et de la sérénité. Le lien avec les services de la PMI (Protection maternelle et Infantile) est régulier. La PMI fait un audit annuel de la crèche, ce qui est, pour les parents, un moyen rassurant de vérifier que les normes sont respectées (ou d’identifier d’éventuelles actions à mener).
Le jeu des mutations professionnelles et des passages en maternelle a induit un renouvellement complet des enfants (et donc aussi des parents) cet été. Le passage de relais a été anticipé, les nouveaux parents s’impliquant avant l’entrée de leur enfant en septembre (pour certains même en juin). L’avantage de cette méthode est que les parents ne mettent pas leurs enfants dans cette crèche à la légère.
C’est l’occasion d’aborder la question des nouvelles inscriptions : celles-ci sont pensées comme des recrutements, puisque les parents choisis vont ensuite jouer un rôle important dans le système. Il y a bien sûr une démarche préalable des parents en recherche d’une solution de garde pour leur enfant : la crèche est connue des institutionnels (mairie de Sceaux et des communes voisines) qui n’hésitent pas à la recommander.
Mais il y a aussi le hasard des rencontres et du bouche-à-oreille. S’en suit la rencontre avec les parents en charge du recrutement. Un point clé est la capacité à fonctionner en collectif : la plupart des parents actuels font déjà partie d’associations diverses et ont l’expérience du collectif. Il y a aussi la capacité à dégager une demi-journée par semaine. Certains parents ont un métier à horaires décalés, d’autres ont un temps partiel, d’autres sont majoritairement en télétravail ou indépendants et peuvent s’organiser. Julia pointe une grande diversité des profils (à tous points de vue), ce qui lui semble une des richesses de la crèche.
Manifestement, mes deux interlocutrices auraient encore pu me raconter d’autres aspects, mais leurs contraintes personnelles ont obligé à clore cette discussion. Les curieux pourront aller visiter le site de l’association. On peut aussi trouver des informations ici, là ou là.
On aurait presque envie de redevenir tout petit pour aller vivre joyeusement aux « Fripounnets ».