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Le gaillard centenaire du quartier Lewkowicz

Samedi dernier, le 14 juin, toutes tables dehors, on fêtait le centenaire du quartier Ladis Lewkowicz. Le lotissement de maisons et de jardins, à cheval sur Sceaux et Châtenay a passé le siècle sans perdre sa vocation initiale. C’était moins une « fête de voisins » qu’une fête en hommage au concepteur du lieu. Michèle Nahori, la petite-fille de Ladis Lewkowicz, avait tenu à en être. C’est elle qui soufflera les bougies.

Si rien n’oppose la mémoire et le voisinage, l’angle change. David Sullivan qui préside l’association dudit quartier en donnait l’esprit dans son speech « présidentiel ». Il associait le plaisir d’habiter là, la volonté de se connaître, au souvenir de Ladislas Lewkowicz qui sut, à partir d’un terrain agricole acheté dans les années 1920, rendre réelle une vision d’urbaniste qui séduit encore.

Les rues Pegoud et Garros avaient été fermées grâce à la Ville de Châtenay. Et on s’y était installé. Gaiment installé, le canotier sur la tête (on s’était donné le mot). Chacun avait apporté son plat, sa boisson, plus les barbecues… et la musique. C’était fourni!

Un 1 suivi de deux 0

Photo LGdS

La fanfare des Bloody Martines fait l’entrée en matière. 14 musiciens : un à la batterie, un autre sur une grosse caisse, une clarinette, deux saxophones (voir commentaire de Joseph Maire) et, pour les autres, des cuivres. Le groupe, dit un de ses membres, est « parti d’un quartier pavillonnaire châtenaisien. Des voisins ayant un passé de « fanfarons » dans leur verte jeunesse ont eu l’envie de relancer leur passion, sans autre ambition que de s’amuser. »

David Sullivan fait l’accueil. Bientôt le maire, Carl Segaud, arrive et se voit coiffé d’un canotier, le symbole de la soirée. Il restera longtemps à échanger avec des habitants.

La fanfare aidant, les gens arrivent. Trois générations se rencontrent. Des enfants qui vont bientôt jouer au ballon, les parents, les grands-parents et, sans doute quelques arrière-grands-mères. Car « on vit vieux dans le quartier », dit David non sans humour. Mme Philippe a 99 ans, quasiment l’âge du quartier. Un riverain confirme : « Nous avons acheté notre maison à une dame de 101 ans. » Gisèle, 92 ans, vit un peu plus haut dans la rue Pégoud. Elle a le pas lent, mais elle marche bien.

Un gâteau avec des bougies, non pas cent mais trois :  un 1 suivi de deux 0, c’est plus pratique. Autour des tables et des chaises fournies par la Ville, les riverains attaquent les viatiques.

Archiver

Pour l’association de quartier Ladislas Lewkowicz initiatrice de la soirée, la transformation d’une fête de voisinage en anniversaire d’un projet s’intègre dans une action plus large. Cette action s’appuie sur un travail impressionnant de collecte d’archives, sur un site tenu par François Thévenet et consacré au parcours d’un homme aux vies multiples. En tout cas, au responsable d’un urbanisme résidentiel qui semble aux habitants une chance inappréciable. Une exposition est en cours d’élaboration avec la ville de Châtenay. Elle se tiendra à la fin de l’année.

Carole Macé, archiviste de la ville de Sceaux a travaillé sur le dossier avec Marjorie Ruffin son homologue à Châtenay, retenue et excusée ce soir-là. « Il y un intérêt croissant, dit-elle, pour l’histoire des quartiers. » Elle l’observe à Sceaux, il y a un mouvement d’ensemble. Elle est de plus en plus sollicitée par des habitants curieux d’histoire et non pas seulement de généalogie familiale. L’histoire entre dans la logique des identités de quartier. L’association Ladislas Lewkowicz « est passée à l’acte ». Et de fait, ils mènent des recherches poussées, demandent les conseils des archivistes, popularisent leur travail.

La convivialité c’est se raconter

Comment se passe une soirée comme celle-là ? Cool. On mange, on boit un verre, on se parle, c’est facile et David aime à mettre du liant. On capte des bribes de vie. Gilles, juriste, est arrivé de Paris, il y a 2 ans. Il voulait du vert, du calme, des oiseaux, du voisinage détendu. Pour lui, Lewkowicz a su donner une cohérence. On l’avait faite vieillotte, elle est aujourd’hui désirable. « L’urbanisme des années 70 est devenu complètement anachronique », dit-il. Il fait ses courses au marché de Sceaux et rue Houdan.

Michel, parle d’aïeux encadreurs à Montparnasse et qui ont acheté un bout de terrain sentier des Torques. « A cette époque, pas de congés payés. Ils ont pris une maison de week-end. » Pendant la guerre de 14, « ma grand-mère habitait ici là où est maintenant l’immeuble des AGF. » C’est là qu’auparavant, son grand-père (architecte) fut soigné comme blessé de guerre. Évidemment, il y rencontre la grand-mère. Cerise sur le gâteau, « il était sourcier ». On dit dans la famille de Michel que le don s’est transmis à la fille, donc sa mère. Hélas, on ne pourra plus compter sur son talent, elle est décédée en 2010. Il y réside désormais.

On a suivi Gisèle dans son jardin. La nonagénaire voulait montrer son cerisier (son souvenir plutôt) tombé il y a peu, un jour de gros orage. Il était couvert de fleurs. De grosses branches sont tombées « J’étais en train de m’occuper de mon jardin. J’ai entendu un bruit. Les branches sont tombées sur le toit du garage et celui du voisin. » Par chance, l’arbre tombe à l’opposé d’elle. Il a fallu le couper. Un voisin a envoyé un mail et pendant un mois, les voisins sont passés prendre le bois.

Accordéons

Photo LGdS

Christophe a acheté une ruine. La maison avait été abandonnée longtemps. Il a fait lui-même de gros travaux. Bien d’autres encore ont raconté l’histoire de leur arrivée dans le lotissement. Ou leur découverte du lieu en rendant visite à une grand-mère, puis en reprenant la maison à la suite de successions. Mais pendant ce temps, un beau duo d’accordéonistes relance ses puissants tangos et adaptations jazzy d’airs populaires. Les paroles s’émoussent dans la musique.

L’un, Simone Malan, est le professeur d’Agnès, la femme de David. Il est, dit-elle, « Piémontais, pédagogue, patient, stimulant. » Avis aux amateurs. « Le difficile, prévient-elle, est d’acquérir la coordination, et le sens de l’appui sur les touches. » L’accordéon a une âme sensible !

On pourra y voir une métaphore de l’âme du lieu imaginé par un touche-à-tout, inspiré, audacieux. David s’amuse de savoir qu’au cimetière de Sceaux, ce self-made-man, parti de rien, repose au côté de sommités mondiales.


Pour en savoir plus sur l’histoire du quartier

  1. Joseph MAIRE Joseph MAIRE 20 juin 2025

    Merci pour cet article qui décrit à merveille l’ambiance de cette belle soirée.
    Une précision, bien que métalliques, les saxophones appartiennent à la famille des bois du fait de leur mode de production des notes, à savoir la vibration d’une anche simple battante en bois contre le bec de l’instrument.
    Pour les cuivres (trombone à coulisse, trompette, tuba…) le son est produit par les vibrations des lèvres du musicien directement contre l’embouchure de l’instrument.
    Le saxophone alto et le saxophone ténor des Bloodies Martines ne sont pas donc pas des cuivres et il ne faut pas les oublier !

    • Maurice Zytnicki Maurice Zytnicki 21 juin 2025

      Argl! Pris la main dans le sac! La rédaction, en comparution immédiate, a été intraitable! J’ai écopé de la tournée générale. Et de la publication dans la Gazette d’un hommage appuyé aux deux saxos des Bloodies Martines.

  2. Francois THEVENET Francois THEVENET 20 juin 2025

    Merci Maurice pour cet article très bien documenté et qui témoigne avec justesse de l’émotion et la simplicité de cet anniversaire du quartier des Sablons

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