On se souvient que le décret pris par le maire de Sceaux pour interdire le glyphosate sur la commune a été retoqué par le Conseil d’État, sous le motif que cette question ne fait pas partie des prérogatives d’une municipalité.
La ville de Sceaux insiste pourtant, avec un nouveau décret signalé dans le dernier Sceaux Mag. Une solution juridique a donc été trouvée et expliquée dans le Sceaux Mag, d’avril 2021 : le nouvel arrêté se fonde cette fois sur la compétence des maires en matière de réglementation des déchets.
En commentaires, Florence Presson explique que le glyphosate est dangereux et a été classé « cancérigène probable » par le Centre international de recherche sur le cancer (CIRC).
Un sondage de 2017 avait montré que 81 % des Français étaient pour l’interdiction du glyphosate. Il faut dire que les Français n’ont guère trouvé dans les médias traditionnels des arguments favorables à cette molécule. Contrebalancer ce déséquilibre ne sera pas du luxe. C’est pourquoi, je veux ajouter des réflexions qui vont dans un sens différent. Histoire de ne pas se laisser submerger.
Le glyphosate dans l’actualité récente
Depuis ce sondage, le débat a été alimenté en France par une émission d’Envoyé spécial (le 17 janvier 2019), à l’occasion de laquelle on avait proposé à différentes vedettes présentes de faire tester leur urine pour évaluer si elle contenait du glyphosate. Le résultat, produit par un laboratoire allemand, avait été positif dans tous les cas, à des niveaux dont Élise Lucet, présentatrice de l’émission avait refusé de déclarer s’ils étaient dangereux ou non. Dans les mois qui ont suivi, quelques milliers de « pisseurs volontaires » s’étaient également fait tester, avec dans tous les cas un résultat positif, par le même laboratoire.
Désireux de défendre leurs pratiques, des groupes d’agriculteurs se sont fait tester à leur tour par le laboratoire du CHU le plus proche …avec des résultats négatifs !
Le service « Check News » de Libération a présenté les raisons de ces différences : méthodes différentes selon les laboratoires, en restant prudent sur les conclusions. Les méthodes sont approuvées dans la littérature, mais demandent à être bien appliquées. Seul un test en double (le même échantillon par les deux labos) permettrait d’en savoir plus.
Le Point a été plus direct, faisant remarquer que le laboratoire allemand a été fondé par une militante anti-glyphosate connue et que, « lorsqu’ils ont été vérifiés, par le passé, par les autorités allemandes, les résultats alarmants de BioCheck ont d’ailleurs été invalidés ».
Un autre reproche fait à Envoyé spécial était d’avoir présenté comme expert sur le sujet, le très controversé Gilles-Eric Séralini, auteur d’une étude sur les effets du Round-up, étude très médiatisée, mais dont la méthodologie a été réfutée par la communauté scientifique (échantillons beaucoup trop petits et interprétation fantaisiste des résultats). La publicité faite par Séralini avait été telle qu’il a fallu refaire les expériences (avec des échantillons plus importants), qui n’ont pas du tout abouti au résultat mis en avant par la première étude.
Aux U.S.A., Timothy Litzenburg, l’avocat en pointe contre Monsanto sur le glyphosate, qui avait réussi à convaincre le CIRC de classer le produit comme cancérigène probable, a été condamné à deux ans de prison en septembre 2020. Il avait tenté d’extorquer 200 millions à l’un des fournisseurs du fabricant de glyphosate (tentative de chantage qu’il a été obligé de reconnaître face à des preuves accablantes).
De leur côté, les autorités sanitaires en charge d’autoriser ou non les produits ont renouvelé l’autorisation du glyphosate. Pour comprendre pourquoi, il faut revenir sur le terme « dangereux » employé par Florence Presson.
De nombreux produits sont dangereux
Un tour dans n’importe quel supermarché montre en effet le grand nombre de produits marqués « dangereux » ou « ne pas avaler ». Prenons l’exemple d’un produit dont le gouvernement promeut l’utilisation massive, le gel hydroalcoolique. L’étiquette des flacons est sans équivoque : « Danger. Liquide et vapeurs très inflammables. Provoque une sévère irritation des yeux ». Le flacon précise son action contre le vivant : « Élimine jusqu’à 99,99 % des bactéries ».
Pour illustrer cette idée du danger, Eric Lechner, Lars Norpchen et Matthew Kaufman, de l’université de Californie, ont en 1990 attiré l’attention sur le monoxyde de dihydrogène (ou DHMO, acronyme de l’anglais DiHydrogen MonOxyde). Ils ont avancé qu’il s’agit d’un composé chimique peu connu du grand public, pourtant omniprésent, et dont le danger a longtemps été sous-estimé. Ils ont notamment mis en évidence la grande quantité de rejets de ce produit par les centrales nucléaires, généralement sous sa forme gazeuse. Ils ont aussi rappelé quelques exemples de ses méfaits (exemples cités sur Wikipédia) :
- Son inhalation, même en faible quantité, peut causer la mort par asphyxie ;
- Sa forme gazeuse peut causer de graves brûlures ;
- Le contact prolongé avec sa forme solide provoque des lésions des tissus ;
- Il a été trouvé dans des biopsies de tumeurs et lésions précancéreuses, ainsi que dans les tumeurs de malades du cancer en phase terminale ;
- Il serait le principal agent à l’origine d’œdèmes.
Toute l’information sur ce produit et ses dangers sur ce site ou celui-là.
La liste des méfaits est longue. Elle a beau être vraie, beaucoup ont été surpris quand ils ont compris qu’on parlait d’un produit habituellement noté H2O. Dit autrement, l’eau. La blague n’était pas mal trouvée. L’eau peut effectivement être dangereuse ; rappelons le raz-de-marée de Tohoku au Japon en 2011, avec ses 18 000 morts, les centaines de noyades chaque année en France.
Répondre au danger. Évaluer les risques
Parce qu’on peut se noyer dans l’eau, il y a des surveillants de baignade dans les piscines. Il y en a aussi à la plage surveillée que je fréquente en vacances. Quand ils sont là, ils font flotter un drapeau vert, orange ou rouge à destination des baigneurs. Pour cela, ils évaluent les risques, en fonction des conditions climatiques et de l’affluence.
Dit autrement, ayant une bonne connaissance du danger, ils évaluent le risque effectif.
Les agences chargées d’autoriser ou non un produit font exactement la même chose : elles évaluent le risque. Et elles le font à partir d’études et de critères scientifiques. Pour les produits phytosanitaires, deux points sont notamment observés : la toxicité du produit sur le vivant (on observe notamment quelle dose est nécessaire pour tuer 50 % de l’échantillon, par exemple de souris) et la rémanence (au bout de combien de temps le produit s’auto-détruit-il à 50 % dans la nature ; on sait par exemple que ce temps est très long pour le DDT).
Or, il se trouve que sur ces critères objectifs, le glyphosate se révèle un produit particulièrement intéressant : le risque de l’utiliser, aux doses normales, est particulièrement faible. C’est pour cette raison (conjuguée à son faible prix) qu’il est très largement employé.
Mais le risque cancer ? Au-delà des expériences en laboratoire, rien ne vaut la vraie vie. Il se trouve que des études épidémiologiques de grande ampleur ont été réalisées sur plusieurs centaines de milliers d’agriculteurs en France et aux U.S.A. Le résultat est très net : la population suivie a 30 % de cancers en moins que le reste de la population. Pourquoi ? On peut supposer qu’ils ont un mode de vie plus sain. Mais, quand on regarde dans le détail, on observe que les résultats des comparaisons dépendent du type de cancer. Les agriculteurs ont plus de certains cancers, en particulier ceux qu’on appelle des lymphomes non hodgkinien. Pour ces cancers assez rares (en France, ils représentent 3% des cancers), le risque serait augmenté de 41%, les pesticides et notamment le glyphosate étant suspectés d’être responsables de cette augmentation. Ce surrisque particulier ne doit pas être négligé, mais il est faible quand on le compare au surrisque lié au tabac par exemple (le risque de cancer du poumon est multiplié par 25 chez les gros fumeurs).
Se posent bien entendu deux questions qui font l’objet d’études (en France, par la MUTUELLE SOCIALE AGRICOLE notamment) :
- Quelles précautions dans l’utilisation pour diminuer le risque (on prend bien entendu beaucoup plus de précautions aujourd’hui qu’il y a 20 ou 50 ans) ?
- Quel impact pour ceux qui ne sont pas agriculteurs, les voisins, les promeneurs, les consommateurs ?
Les experts en charge des autorisations connaissent bien entendu tous ces points (avec beaucoup plus de détails que l’auteur de ces lignes !) : ils ont choisi pourtant dans tous les pays de continuer à autoriser le glyphosate.
Ma tendance naturelle est de faire confiance aux experts, en particulier quand ils mènent leur réflexion de manière collective. Et je suis extrêmement méfiant vis-à-vis de ceux qui utilisent des méthodes de manipulation pour faire partager leurs convictions. Il faut dire que sur ce sujet, les Élise Lucet et autres n’y sont pas allés de main morte !
Sachant ce que je sais du glyphosate, à savoir que c’est un herbicide, je serais quand même inquiet pour ma santé… si j’étais une herbe!
Trêve de plaisanterie.
Il faut quand même se poser la question de l’utilisation généralisée de ce produit et de ses conséquences sur la biodiversité. Si l’on peut arriver à la conclusion que ses effets n’ont pas la gravité prétendue par certains sur la santé humaine, ce qui reste à prouver (qui est volontaire pour participer à des essais en double aveugle ?), il est incontestable qu’il a pour but de supprimer des herbes jugées indésirables.
Indésirables pour nos agriculteurs, certes, mais peut-être pas pour tous ni pour tous ceux qui vivent en symbiose avec ces végétaux. Les insectes et autres êtres vivants qui bénéficient de la présence de tous ces adventices sont paraît-il en bien mauvaise histoire et même pour certains en voie de disparition ; certains, et pas des moins informés, nous laissent entendre que nous pourrions nous-mêmes les êtres humains en devenir aussi des victimes indirectes.
À suivre…
Pour l’instant on ne sait pas produire abondamment notre alimentation sans herbicides. Si on doit le faire, l’idée de ceux qui ont conçu la réglementation est qu’il faut choisir les moins dangereux donc les moins toxiques et rémanents; Le glyphosate est un des meilleurs sur cet argument. A noter que le bio conduit simplement à les choisir « naturels » (ou traditionnels!).
Avec une forte productivité, l’agriculture française laisse des surfaces importantes à des territoires plus favorables à la diversité (forêts, prairies naturelles…). Celle-ci dépend aussi de questions de surfaces disponibles, de variété des espèces, de l’existence de zones humides…
Le glyphosate est dangereux et a été classé « cancérigène probable » par le Centre international de recherche sur le cancer (CIRC), comme l’aloe vera, comme la viande rouge… A quand ces nouvelles interdiction ?
Combien de glyphosate est utilisé à Sceaux (sachant que 81 % des Français sont pour l’interdiction de ce produit) pour qu’il soit indispensable de faire un arrêté sur le sujet ? Pourquoi plutôt que de prendre des arrêtés ne pas donner des préconisations qui ne seront pas attaquables, elles (et n’entraineront pas de frais de justice) ?
Qui fera respecter l’interdiction et comment ? La police municipale ira fouiller les poubelles des particuliers ? Ira perquisitionner les camions des prestataires des copropriétés pour voir quels produits s’y trouvent ?
OK avec David. Cette histoire de glyphosate rassemble à une opération de comm.