Ami et voisin de Catherine, je me propose de vous raconter le parcours de ce professeur atypique, auteure de plusieurs ouvrages dans sa discipline, qui, à l’âge où d’autres mettent la pédale douce, a choisi de fonder une association « Osez la prépa ! » pour lutter contre les préjugés sur les prépas et informer les lycéens sur la réalité des classes préparatoires. J’ai donc longuement interviewé cette Scéenne d’adoption, il y a quelques jours, dans le but de faire son portrait dans LGdS, et ainsi mettre en lumière un parcours professionnel particulièrement riche, porté par de fortes convictions. Catherine est en effet devenue scéenne à la suite d’un choix concerté avec son époux, haut fonctionnaire, au moment où elle allait commencer à enseigner au Lycée Lakanal, au début de sa carrière de professeure de Sciences économiques et sociales en lycée.
LA PASSION DU SAVOIR
« J’ai toujours eu la passion des idées ! » me déclare-t-elle haut et fort. « Je suis une économiste !» proclame-t-elle tout de go et sans hésiter quand j’aborde la question de sa formation et de son parcours professionnel. Pour elle, cette discipline est à la fois une discipline scientifique, si l’on envisage l’économie mathématique et à la fois une discipline qui relève des sciences humaines, si l’on pense à l’histoire économique. Elle est pluridisciplinaire car emprunte à différentes disciplines des clés d’intelligibilité du réel. C’est la fameuse troisième voie, le Bac B du milieu des années 60, « que j’ai empruntée par choix familial, mon père, pater familias à l’ancienne de ces cinq enfants, ayant largement décidé de nos orientations ».
En fait, les cinq enfants ont suivi la voie tracée pour eux par leur père. Ainsi, sa sœur aînée a fait de l’histoire par tradition familiale, dans le prolongement d’un grand-père historien. Quand est arrivée l’heure du choix pour la seconde, c’est-à-dire pour Catherine elle-même, son père lui a demandé de prendre la voie de l’économie, discipline nouvellement arrivée dans l’enseignement secondaire et supérieur à l’époque (La section B était orientée vers l’histoire-géographie, les sciences politiques, l’économie et les sciences sociales et, partout où cela était nécessaire, les mathématiques appliquées et pures).
Passionné par les sciences sociales, il voulait en effet que l’un de ses enfants défriche cette nouvelle discipline. C’est ce qu’elle a fait avec plaisir en choisissant le destin scolaire déterminé par son père, même si sa mère aurait bien aimé que Catherine fasse médecine. Catherine avait une vision positive des professions médicales, mais elle n’aimait pas du tout les études à suivre pour y parvenir… Elle préfère les sciences humaines, les discours de l’homme sur l’homme, comprendre les grands enjeux humains…Elle a donc suivi sans protester et avec entrain le chemin paternel.
En fait, la seule limite de cette éducation très traditionnelle et un peu « dirigiste » a été concrétisée en la personne de sa sœur benjamine qui se voulait pianiste de concert et qui est aujourd’hui commissaire de police. Notons toutefois qu’elle joue toujours beaucoup de piano, néanmoins. La volonté maternelle pour la médecine a sans doute sauté une génération et s’est retrouvée chez la fille aînée de Catherine qui, elle, est effectivement médecin. D’ailleurs, autres temps, autres mœurs, sur les trois enfants de Catherine, deux ont fait des études médicales et aucun n’a fait d’économie…
Catherine a suivi un parcours scolaire et universitaire en ligne droite sans accroc ni hésitation : Bac B, Sciences-Po, CAPES et agrégation de sciences économiques et sociales (aujourd’hui : agrégation de sciences sociales), suivie d’un DEA sur les marchés partiels à l’EHESS – (École des hautes études en sciences sociales). Catherine est parfaitement en paix sur ce destin préétabli et affirme : « On est toujours le produit d’une histoire familiale et après, on construit sa vie ».
SAVOIR PASSIONNER
Professionnellement, Catherine a opté pour l’enseignement : « Pour le professorat, c’est un peu le choix de mon mari, qui a commencé sa carrière dans la fonction publique comme professeur d’économie, c’est ce qui nous a réuni, entre autres, il m’a poussé dans cette voie… ». Catherine a été professeur de Sciences économiques et sociales en lycée dans notre Lycée Lakanal puis en classes préparatoires ECE au lycée Janson de Sailly (Paris).
C’est à ce moment-là, dans leurs jeunes années, que le choix de Sceaux s’est fait.
Si Catherine a la passion des idées, elle est aussi (et peut-être surtout !) passionnée par leur transmission : la transmission « s’appuie sur les deux piliers : on ne transmet bien que quand on connait bien ! » ; rigueur, méthode, ouverture d’esprit sont ses crédos.
« J’aime tellement ma matière que j’ai envie de la transmettre ».
Derrière cette volonté de partage, on trouve chez Catherine une foi en l’homme, profondément enracinée dans sa foi chrétienne.
Elle m’explique que sa famille, de tradition protestante, est originaire du Velay, de la Haute-Ardèche protestante, dont les ancêtres, interdits de cimetières catholiques, étaient enterrés dans leur jardin jusqu’ en 1865.
Elle me parle de cette forte volonté d’intégration dans la société française en passant les concours de la fonction publique, par exemple, et décrit des comportements de minorités qui sont dans les gènes familiaux et donc dans les siens. Cela participe à mon avis de son haut degré de motivation pour aider et accompagner les jeunes à l’entrée du Supérieur.
Elle m’entretient de son bonheur d’avoir enseigné l’Économie, qui suppose, en France, d’enseigner toutes matières qui peuvent concourir à la compréhension des phénomènes économiques : droit, sociologie, histoire car enseignement pluridisciplinaire.
Elle illustre son propos en évoquant le circuit de François Quesnay repris par Keynes presque deux siècles plus tard, tentant d’expliquer les phénomènes économiques à partir de l’observation de la circulation sanguine.
Elle insiste sur la spécificité française d’un enseignement de l’économie en utilisant à une approche pluridisciplinaire qui est une exception française (et grecque, dans une certaine mesure).
Elle évoque à ce propos, le rôle primordial que l’école des Annales a eu à l’origine de cette matière et en dit la supériorité à l’enseignement pratiqué de la matière dans les pays anglo-saxons qui la cantonnent à une approche quantitative et de gestion.
Elle m’explique comment ce mouvement est à l’origine d’un véritable coup de force historique qui a permis de créer une discipline ex-nihilo, ce qui n’arrive jamais ! Interrogeant un de ses représentants de la dernière génération (l’école des Annales remonte en effet aux années 1920 et existe toujours), ce dernier lui a humblement expliqué que c’est en fait un concours de circonstances historiques et politiques qui a rendu possible la création de la discipline économique pluridisciplinaire à la française, au contraire de la matière économique enseignée dans le monde anglo-saxon.
Catherine m’explique que l’enseignement à la française de l’Économie consiste en fait à faire voyager les problématiques économiques à travers différentes disciplines pour mieux les cerner : histoire, philosophie, sociologie, etc.
Après des années d’enseignement secondaire, elle a poursuivi l’enseignement au sein du lycée Janson de Sailly dans lequel elle avait en charge l’enseignement de l’économie aux classes préparatoires.
Après 25 ans de bons et loyaux services, elle a pu bénéficier d’un temps partiel qui lui laisse du temps pour mettre en œuvre sa passion de transmettre, sa volonté d’aider les jeunes à faire des études supérieures.
Catherine enseigne donc toujours à Janson de Sailly, mais parallèlement, elle a créé une société et une association pour accompagner les jeunes vers l’enseignement supérieur.
Pour elle, ce qu’elle fait au travers de ces deux structures peut se traduire par ces mots : « J’essaie de lever des ambitions ! », car selon elle, ce qui change la vie, c’est de faire des études supérieures, car on ne vit plus de la même façon, on vit pleinement, en étant plus éveillé, plus curieux, plus éclairé, doté d’un indispensable esprit critique et d’un sens de l’analyse qui permettent de sortir d’un univers étriqué.
Faisant le constat du véritable parcours du combattant que le jeune qui veut faire des études supérieures doit entreprendre, ressentant la très forte demande sociale, en constante progression, des élèves et des parents pour choisir comment aborder l’enseignement supérieur, elle a décidé de les aider à faire les bons choix dans le dédale des 15 000 formations de Parcourssup et de les accompagner du mieux possible.
Elle a créé pour cela la société « OBJECTIF SUP », il y a deux ans, installée à Paris dans les locaux de la prestigieuse école ENOES, Rue de Miromesnil dans le 8ème arrondissement.
Pour faire face à la réticence du milieu éducatif et de l’Éducation nationale à travailler avec des entreprises, elle a, en parallèle monté une association « OSEZ LA PREPA » qui lui permet de poursuivre cette œuvre accompagnatrice sous une autre forme, sans heurter les sensibilités du secteur de l’éducation.
De la sorte, elle avance sur les deux tableaux : association ou société selon les problématiques et partenaires.
Elle dit son plaisir de voir les progrès réalisés par les jeunes qu’elle accompagne : « c’est extrêmement gratifiant de voir leur progression ! ».
« On a une belle jeunesse, c’est fantastique ! » : en parlant du suivi de progrès de ses élèves de Janson de Sailly. Elle dit tout le mal qu’elle pense du lieu commun selon lequel le niveau scolaire serait en baisse constante. Elle se dit certaine que les habilités des jeunes actuels valent bien celles dont les générations antérieures disposaient, même si ce ne sont pas les mêmes.
Elle cherche au contraire à valoriser ce que les jeunes connaissent et maîtrisent pour les amener progressivement à aller voir les autres disciplines et sujets à approfondir.
Et ça marche ! Elle me dit sa joie à chaque réussite individuelle et on ne peut que sentir la force de sa motivation, elle s’enthousiasme à les aider à ajuster leurs ambitions à ce qu’elle pressent de leurs capacités, ce qui peut aller à un vrai soutien psychologique.
Elle met pour cela à contribution toutes les cordes de son arc au service de cette mission d’accompagnement : son expérience, son réseau, son rôle de mère, ses connaissances, etc.
Il y a quelques années, elle a fait le CHEDE (Cycle des Hautes Études pour le Développement économique du Ministère de l’Économie, des Finances et de la Relance, équivalent de l’IHEDN pour la Défense Nationale), dont l’ambition est de faire en sorte que les acteurs publics parlent aux acteurs privés et se rencontrent pour mieux se comprendre.
Elle en est la secrétaire générale des 1200 auditeurs du CHEDE et cela accroit encore son réseau qu’elle met au service des jeunes qu’elle accompagne pour leurs trouver des stages, des interlocuteurs, des interactions….
Elle me raconte son bonheur d’avoir aidé tel jeune qui se voyait ingénieur et qui, finalement avec leur travail en commun, va vers la médecine, ou telle jeune fille, peu confiante en ses capacités et en sa valeur qui est en train d’évoluer à vue d’œil par leur collaboration….
Oui, vraiment, Catherine à la passion du savoir et sait passionner !
ET SCEAUX ?
Catherine m’explique, en guise de conclusion, combien le contexte Scéen a constitué un atout majeur dans ses engagements : proximité de Paris, ligne de RER, réseau amical, vie associative, cadre de vie exceptionnel et communauté catholique très motivante et travailleuse…Bref, un portait de scéenne qui fait plaisir à lire, non ?