Mardi 27 février, une conférence réunissait une quarantaine de personnes dans la grande salle de la mairie de Sceaux. À propos d’un homme qui a joué un rôle essentiel dans l’implantation de la démocratie chrétienne en France et dans la cause européenne.
Denis Lefevre, l’intervenant, est un journaliste et écrivain français, auteur en 2008 d’un livre sur Marc Sangnier, dont le titre a été repris pour la conférence et pour le présent article. Après avoir rappelé le contexte des idées politique dans l’Église catholique au XIXe siècle, il a retracé les principales étapes de la vie de Marc Sangnier. Il a insisté sur les idées de celui-ci, pour finir par évoquer son influence sur le courant démocrate-chrétien au XXe siècle.
Histoire ou actualité ?
Marc Sangnier est décédé en 1950, il y a bientôt 74 ans. Est-il encore d’actualité ? La démocratie chrétienne ne l’est plus vraiment dans notre pays, même si elle a des héritiers bien présents (on pense à la CFDT par exemple). Le débat lors de cette réunion montre cependant qu’elle compte encore pour certains à commencer par le maire de Sceaux, Philippe Laurent. Celui-ci a notamment rappelé que ses prédécesseurs étaient membres du CDS, un parti héritier du MRP dont Marc Sangnier fut président d’honneur.
La lecture de la page Wikipedia sur la Ligue de la Jeune République (fondée par Marc Sangnier) montre cependant qu’elle penchera plutôt à gauche. Le 10 juillet 1940, les quatre députés Jeunes République présents votent contre les pleins pouvoirs à Pétain. Le parti est le seul à avoir voté unanimement contre (Wikipedia).
Mais pour sa petite fille, Anicette Sangnier, présente à la réunion, il n’était ni de droite ni de gauche, c’était avant tout un homme d’action.
L’intervenant a insisté sur cette filière politique. D’autres se souviennent de Marc Sangnier comme pacifiste et fondateur des auberges de jeunesse. Anicette Sangnier considère que la question du pacifisme fut très importante pour lui entre les deux guerres. Un pacifisme d’action. C’est à un grand congrès sur la paix en 1926 qu’il rencontre le responsable allemand des Auberges de jeunesse.
Une influence réelle
Avant la guerre de 14 puis entre les deux guerres, Marc Sangnier n’est pas le seul à animer ce qu’on appellera plus tard le courant démocrate-chrétien. L’intervenant cite par exemple la fondation de la CFTC en 1919 ; celle du journal la Vie catholique de Francisque Gay ;celle de la JOC en 1926 en Belgique (avec le futur cardinal Cardijn) et en 1929 en France (avec l’abbé Guérin). Il cite aussi les Équipes sociales de Robert Garric ou Emmanuel Mounier et la revue Esprit. Homme de réflexion et d’action, Marc Sangnier a une influence importante dans ce milieu.
L’après-guerre voit une influence majeure de la démocratie chrétienne dans plusieurs pays d’Europe de l’Ouest. Avec les sociaux-démocrates, les démocrates-chrétiens sont les artisans de la construction de l’Union européenne.
Marc Sangnier et l’éducation populaire
Né en 1873, Marc Sangnier fait ses études au Lycée Stanislas de Paris avant d’entrer à Polytechnique. Dès 1898, il crée le Sillon, un mouvement d’éducation populaire catholique qui se veut également républicain et social. C’est l’époque où l’Église française est plus attentive aux idées de l’Action française de Maurras. Il devient alors un homme de presse (le Sillon existe d’abord par sa revue). Brillant orateur, il est présenté, selon l’intervenant, comme « le plus éloquent de l’époque avec Jean Jaurès ».
Il crée une coopérative de boulangerie et un restaurant coopératif. En 1909, il se présente à la députation, à l’occasion d’une partielle dans la 13e circonscription de la Seine, celle de Sceaux. Il échoue au second tour avec 45,7% des voix face au candidat du parti socialiste, qui s’est unifié en 1905. La rue qui traverse la résidence des Bas-Coudrais porte son nom.
La condamnation du Sillon par le Pape en 1910 conduit Marc Sangnier a créé la Ligue de la Jeune République, moins directement liée à l’Église et qui participera plus tard au Front populaire. Il participe activement à la guerre de 14-18 (il y gagne la Croix de guerre et la Légion d’honneur). A la sortie de celle-ci, il est élu député dans la « Chambre bleu horizon ». Il accompagne ensuite les tentatives pacifistes d’Aristide Briand. Battu aux élections de 1929, il abandonne la politique.
Il fonde alors la première auberge de jeunesse française, dans le droit fil du mouvement international dont il est cofondateur. Elle se situe en Seine-et-Oise, à Boissy-la-Rivière, commune dont il a été le maire de 1925 à 1927.
Pendant la guerre, il met son imprimerie au service du groupe de la rue de Lille. Il est arrêté quelques semaines en 1944. A la Libération il devient député MRP, parti dont il est président d’honneur. Il meurt en 1950.
Marc Sangnier, « éveilleur d’âmes »
Ce sont surtout les idées mises en avant par le journaliste Marc Sangnier que Denis Lefevre met en avant. On retiendra ici quelques phrases ou expressions entendues :
- On peut être à la fois chrétien et républicain (1908)
- Les sociétés étatisées n’ont pas plus confiance dans le peuple que les réactionnaires
- La démocratie permet à chacun de prendre une place effective à la direction des affaires communes
- Ne pas laisser à la gauche matérialiste le monopole de la défense des ouvriers
- Pour l’économie solidaire et sociale, avec des coopératives indépendantes de l’État
- La paix par la fraternité des peuples
On livre ces aphorismes à votre réflexion.
Le replay de la conférence de Denis Lefevre est disponible sur le site de la mairie.
Il existe une rue Marc Sangnier à Sceaux : elle traverse la résidence des Bas-Coudrais. Il en existe aussi une à Châtenay-Malabry, comme le prouve la photo et tête d’article.