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L’autre vie de nos élus : Gilles Mergy

Si les élus, au sein des municipalités, s’inscrivent dans des joutes verbales qui se ressemblent, leurs itinéraires personnels restent décidément bien singuliers. Il faut s’en réjouir et y voir une marque de diversité démocratique. C’est à la SNCF que Gilles Mergy, élu d’opposition à Fontenay-aux-Roses, a inscrit son parcours professionnel. Parcours avec des chemins de traverse qui ne retire rien à son attachement à l’entreprise « malgré ses lourdeurs ». D’autres possibilités de carrière auraient pu s’ouvrir dans ses domaines de spécialité : la gestion publique et les finances d’entreprise.

Un engagement précoce

Il naît à New York. Viendrait-il donc de la jet set ? Pas vraiment. Son père y est maître d’hôtel dans un restaurant français. Le « job » terminé, la famille rentre en France et s’installe à Fontenay-aux-Roses. Gilles Mergy a deux ans, il y fait sa scolarité, fréquente le collège des Ormeaux. Puis, c’est Lakanal pour le lycée et la prépa. Il est d’ailleurs depuis 2015 Président de l’association des amis et des anciens élèves du Lycée Lakanal. Sa mère est couturière. Il a une sœur, institutrice. Comme son épouse. Question haute société, il faut chercher ailleurs.

Son engagement en politique est précoce. Il accompagne sa vie étudiante et professionnelle dès le début. 1986. Il a 18 ans, élève de prépa HEC, il adhère au PS au lendemain de la défaite aux législatives qui conduit à la cohabitation entre Mitterrand et Chirac. Il soutient le courant rocardien.

Après l’ESCP (Sup de Co Paris), il entre à la SNCF où il prend la direction d’une agence commerciale de fret. Et dès 1989, il participe aux municipales de Fontenay dans la liste de Georges Le Baill (union de la gauche) qui perd contre Alain Moizan (RPR). Autant dire que ses vies professionnelle et politique s’entrelacent déjà.

Plusieurs années plus tard, le voisinage entre les deux vies prend un nouveau jour. Une part de hasard ? Peut-être, une chance surtout, mais l’esprit est plus que disponible. Un de ses collègues et ami d’origine cambodgienne, qui fut admissible à l’ENA, l’accompagne dans l’exercice. On sait la difficulté du concours, y compris le troisième créé par Michel Rocard et accessible après 8 années de vie professionnelle. Signe que le déterminisme social tient plus de l’idéologie que de l’observation du réel, sa naissance ne l’empêche pas d’entrer à l’ENA.

L’école lui apporte « une vision transversale ». Il y rencontre le droit, les relations internationales, les affaires sociales, les affaires européennes. Il souligne un aspect de la formation qui lui reste d’une grande utilité : la rédaction de textes juridiques, projets de loi ou décrets. Formation à la gestion publique et à l’analyse des coûts ou des gains liés à une réforme. Calculs bien mystérieux pour le quidam.

L’ENA, c’est aussi un réseau. « La scolarité favorisait beaucoup le travail en équipe. Même si en fin de cursus, la course s’engage pour le classement final. Les ambitions personnelles prennent le pas. »

Les Finances au sortir de l’ENA

A la sortie de l’ENA, il rejoint Bercy de 2003 à 2007. Il commence par l’APE (Agence des participations de l’État), qui représente les intérêts patrimoniaux de l’Etat liés aux entreprises dont il est actionnaire. Elle est alors intégrée à la direction générale du Trésor, dirigée par Xavier Musca qui passera ensuite au secrétariat général de l’Elysée sous la présidence de Nicolas Sarkozy.

Gilles Mergy y suit les performances financières et les choix stratégiques d’un portefeuille d’entreprises comme La Française des jeux, Dassault Systèmes, SNPE, la Semmaris, Dagris ou Bull qu’il faut défendre auprès des institutions européennes (pour éviter le remboursement intégral d’une aide d’Etat). Puis il devient Dircab de Xavier Musca jusqu’à ce que l’impératif de mobilité de l’ENA lui impose de bouger.

Il revient alors à la SNCF, en tant que directeur des relations institutionnelles de Transilien puis comme adjoint au directeur financier de Gares et connexions. Projets d’investissement de développement des gares. Modèles économiques à bâtir en partenariat avec des institutionnels ou des opérateurs privés en fonction des cas. Les modèles peuvent être très différents. L’extension de la gare de Nantes avec son espace d’accueil et d’attente, son offre commerciale dans sa grande passerelle ….. a été financée par la ville, la région et la SNCF. En revanche la transformation de la gare Saint-Lazare s’est appuyée sur des partenariats avec des entreprises privées. Autant de montages à concevoir et à négocier.

Régions de France

Régions de France, association créée en 1998, est une structure de dialogue avec le gouvernement et le parlement. C’est aussi un lieu d’échange entre les régions sur leurs domaines de responsabilité, l’exploitation des lycées, les transports, l’apprentissage et la formation professionnelle, le développement économique, la recherche de fonds européens (FSE, FEDER, FEADER).

Quand un poste de délégué général s’ouvre, le secrétaire général de la SNCF soutient son désir de postuler. Comprendre les régions, c’est apporter de la connaissance stratégique pour une entreprise qui collabore tant avec elles.

L’association se définit comme une influenceuse (le lobbying des Anglo-saxons). Elle intervient auprès de la présidence de la République, Matignon, les ministres, le Parlement. Elle travaille en lien avec les autres associations d’élus, avec des entreprises partenaires, les partenaires sociaux, de même qu’auprès des institutions européennes[1].

Gilles Mergy est en lien avec les conseillers du président de la République et du Premier ministre et les directeurs de cabinet des ministres et dirige un groupe de 20 experts qui travaille au service des présidents de régions. L’expérience (nouvelle pour lui) de management de cadres de haut niveau qui sont tous des « formules 1 » dans leur domaine de compétence. Chacun est dans sa spécialité, maître de son savoir. « Créer un esprit de groupe avec des experts, ce n’est pas facile. » Il retient le plaisir d’avoir exercé dans un laboratoire d’idées. Mieux, « c’était serein. »

Au bout de six ans, il revient à la SNCF, pour ne pas perdre son réseau, sa compréhension de l’entreprise qui offre des évolutions de carrières plus importantes. Il choisit de quitter Régions de France malgré des relations fortes et variées avec les présidents successifs de l’association : Alain Rousset de Nouvelle-Aquitaine (de gauche), Philippe Richert de Grand-Est et Hervé Morin de Normandie (de droite). Il en conserve l’expérience d’une ambiance de travail transpartisane entre des régions enclines à la réflexion collective.

SNCF Immobilier

En passant à SNCF Immobilier, il retrouve la « vraie vie » avec des personnels très différents, de tous niveaux de formation, de tous âges. Décrire un métier managérial est compliqué. On n’est pas dans le concret d’une fabrication ou d’un commerce. On est dans l’entregent, la définition d’objectifs et le suivi, la facilitation, l’encadrement, l’arbitrage. Ce n’est pas très visuel. Le contexte éclaire la compréhension de la fonction.

SNCF Immobilier modernise, valorise et développe le patrimoine foncier et immobilier du groupe SNCF, hors les gares et les infrastructures ferroviaires. « Avec un parc constitué depuis plus de 150 ans, SNCF est l’un des premiers propriétaires fonciers de France. »[2] C’est 1500 personnes qui gèrent 20.000 hectares de foncier, et 8 millions de m2 de bâtiments. SNCF Immobilier est en charge de la gestion et de l’optimisation des bureaux et des sites industriels du groupe, de l’aménagement de terrains cédés en étroite collaboration avec les collectivités, le développement d’un parc de logement au travers de sa filiale ICF.[3]

L’organisation est double : par métier (gestion des actifs, travaux sur le patrimoine, service aux occupants, valorisation des actifs sous forme de cession ou de location, fonctions support comme la direction financière ou la direction de la communication…) ; par géographie (Ile-de-France, six directions régionales). Gilles Mergy supervise les 6 directions régionales fortes d’un peu plus de 600 personnes.

Les six directions régionales ont des enjeux spécifiques qui varient en fonction des situations locales. Ainsi, sur Toulouse, le projet de tour Occitanie près de la gare Matabiau ne plairait sans doute pas à Bordeaux, dont le maire est écologiste. « Le foncier peut être un irritant tout comme un élément de fluidité. » On devine que ça doit gratter par moments. Et que ce n’est pas forcément simple de « fluidifier les relations entre le siège parisien et les opérationnels en région », de « fluidifier » les relations avecles clients externes (élus, entreprises, locataires) comme avec les clients internes (SNCF Voyageurs, SNCF Fret, SNCF Réseau).

Gilles Mergy se déplace environ 3 fois par an dans chacune de ses directions régionales. Des réunions à distance rassemblent les directeurs une fois par semaine. Une fois par mois, ils montent à Paris pour des rencontres avec des experts sur des sujets d’intérêt commun. Tous les deux ou trois mois, une revue d’activité permet de suivre les projets de valorisation en cours ; les grands projets d’investissement, les opérations de maintenance du patrimoine, les grands indicateurs financiers, les problèmes éventuels avec les élus et les clients internes.

Le politique

Si le métier de Gilles Mergy a une dimension politique, le mot est à prendre dans sa généralité. Les décisions se négocient mezza voce et portent sur le long terme. Localement, le politique est différent. La chicane entre majorité et opposition s’affiche au grand jour.

Comment compose-t-il l’action municipale et le métier ? Pendant 13 ans, conseiller municipal « lambda », il suit les dossiers, mais de loin. En 2008, changement. Rapprochement des vies. Il devient adjoint aux finances jusqu’en 2014 quand la liste de Pascal Buchet, reconduite depuis 1994, est battue par celle de Laurent Vastel. L’investissement personnel devient important. Mais il aime l’action politique locale. « On voit les conséquences de ses décisions. Il faut une dynamique de groupe pour construire un projet commun, faire évoluer la ville, la transformer. »

En 2017, les frondeurs socialistes et le choix de Benoît Hamon comme candidat à la présidentielle finissent de le démobiliser. Il quitte le PS et rejoint le PRG, « une gauche proeuropéenne, laïque, décentralisatrice, modérée. » Une mise en cohérence qui le mène à conduire une liste en 2020.

La réélection de la liste de Laurent Vastel le maintient dans l’opposition. Il suit plus particulièrement les dossiers finances, démocratie locale, grands projets d’investissement… Les élus hors la majorité se réunissent avant les conseils pour s’entendre notamment sur les interventions. Pour chaque conseil, c’est quatre à cinq heures de préparation auxquelles il n’ajoute plus de participation aux commissions de préparation. « Les questions posées ne reçoivent pas de réponse. » Il préfère utiliser le temps pris sur son métier et sa famille à animer un blog, Ateliers fontenaisiens, où sa plume prolixe s’emploie à répliquer aux décisions du maire.


[1] Pour des détails sur Régions de France, voir le site : https://regions-france.org/missions/)
[2] Source : le site de SNCF Immobilier
[3] Pour des détails, voir le site https://www.sncf.com/fr/reseau-expertise/activites-immobilieres/sncf-immobilier/missions-projets

  1. Daniel Colleaux Daniel Colleaux 26 mai 2023

    Benoît Hamon et non Bruno Hamon (à l’avant dernier paragraphe).
    Il est vrai qu’il ne fait plus beaucoup parler de lui…

    • Maurice Zytnicki Maurice Zytnicki 26 mai 2023

      Pan sur les doigts!
      Merci. La coquille a été corrigée.

  2. Philippe.Nadeau Philippe.Nadeau 26 mai 2023

    On ne manque pas d’informations.

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