CONFÉRENCE Le 15 mars dernier, dans le cadre des rencontres littéraires et artistiques de Sceaux, le conférencier Lionel Cariou de Kerys nous entretenait des trésors qu’expose l’un des plus beaux et des plus grands musées du monde, l’Ermitage de Saint-Pétersbourg.
230.000 m2, 1000 salles, 60.000 pièces, 3 millions de pièces en réserve
Érigé en plein cœur de Saint-Pétersbourg, au bord du fleuve Neva, le musée de l’Ermitage a été créé en 1764 par l’impératrice Catherine II de Russie. C’est le plus grand musée du Monde quant au nombre d’objets exposés. Le bâtiment compte 1000 salles dans lesquelles sont exposées plus de 60.000 pièces. Sans compter les 3 millions d’objets conservés dans les réserves du musée. L’exposition principale est répartie entre cinq bâtiments qui longent le quai de la Neva, à savoir : le palais d’Hiver, le petit Ermitage, le grand Ermitage, le théâtre de l’Ermitage, et le nouvel Ermitage.
Avec ses 230.000m2 de surface, dont 100.000m2 consacrés aux expositions, il s’agit de l’un des trois plus grands musées d’art du monde aux côtés du Louvre et du Musée national de Chine.
L’ermitage, c’est d’abord l’art de l’Europe occidentale
Au contraire du Musée russe de Saint-Pétersbourg consacré exclusivement à l’art russe, l’Ermitage est tourné vers l’Europe. C’était la volonté originelle de la Tsarine. L’impératrice a fait l’acquisition de 4000 tableaux sur et pour le compte de la Sainte Russie.
Le musée expose, à côté de nombreuses pièces de l’Antiquité, une collection d’œuvres d’art européen de la période classique. Il abrite notamment la plus grande collection du monde de peintures, avec plus de seize mille toiles. Parmi les œuvres exposées figurent des peintures de maîtres hollandais et français comme Rembrandt, Rubens, Henri Matisse et Paul Gauguin. On y trouve également deux peintures à l’huile de Léonard de Vinci ainsi que trente-et-une peintures de Pablo Picasso.
L’incendie du Palais d’Hiver en 1837
Initialement, seul le bâtiment désigné sous le nom de « Petit Ermitage » portait ce nom. Aujourd’hui, l’Ermitage regroupe un complexe de plusieurs bâtiments construits aux XVIIIe et XIXe siècles. À côté du Petit Ermitage, on trouve le « Grand Ermitage », le « Nouvel Ermitage », et le « théâtre de l’Ermitage » ainsi que la majeure partie du « Palais d’Hiver », autrefois résidence principale des empereurs de Russie.
L’incendie du Palais d’Hiver s’est produit le 17 décembre 1837. C’est un des plus grands incendies que l’Empire russe ait connus dans son histoire. Il a essentiellement détruit la salle Saint-Georges et la salle Pierre le Grand. Le feu a totalement détruit le premier et le deuxième étage du « Petit Ermitage », y compris la décoration intérieure. De nombreux manuscrits et chroniques qui se rapportent à l’histoire de la Russie ont disparu, mais également de nombreuses œuvres d’art et des objets de la vie quotidienne. Le feu a duré un jour et demi et a continué à couver pendant près de trois jours. La restauration a pris plus de deux ans. Cet incendie aura eu le mérite de permettre l’agrandissement de ce bâtiment qui avait été vite trop petit pour contenir tout ce qui y était exposé.
Le Petit Ermitage est consacré au néoclassique
Construit entre 1764 à 1775, il bâtiment donne sur le quai du Palais et fait le lien entre le Palais d’Hiver baroque et les édifices de style classique : Grand Ermitage et Nouvel Ermitage. Son nom de Petit Ermitage lui est donné parce que Catherine II y organisait des spectacles et des divertissements, alors que les autres bâtiments servaient de salles d’expositions pour les musées. Il abrite en particulier une quantité de peintures italiennes de tout premier plan.
Le Nouvel Ermitage consacré aux antiquités gréco-romaines
Il a été inauguré en tant que Musée Impérial par le Tsar Nicolas II en 1852.
Notre conférencier a présenté la magnifique Vénus Tauride, sculpture d’Aphrodite de 1,67 mètre datant de deux siècles avant Jésus-Christ, ainsi que l’exceptionnel Camée des Gonzague, d’origine hellénistique, datant du troisième siècle avant notre ère.
L’art italien
Après le volet droit d’un diptyque de Simone Martini (1340) séparé en deux au XIXe siècle, notre guide nous fait parcourir les œuvres de la salle Léonard de Vinci, dans laquelle nous admirons une Vierge à l’enfant de 1480 et la Madonna Benois de Léonard de Vinci. Nous admirons ensuite la salle Raphaël où resplendit une magnifique Vierge à l’enfant. Dans la salle consacrée à l’art vénitien du XVIe siècle, noua avons pu admirer une sculpture de Michel-Ange représentant un garçon accroupi (1530) remarquable par son aspect volontairement inachevé (« non finito ») au niveau des pieds et des mains. Admirable également l’autoportrait de Véronèse et sa lamentation sur le Christ mort (1576-1582).
Dans la salle sur l’art italien du XVIIe siècle, Caravage est à l’honneur, en particulier avec son Joueur de Luth (1595-1596).
La salle relative à l’Art espagnol met Vélasquez à l’honneur avec son déjeuner (1617) et Bartolomé Estéban Murillo et son Garçon avec Chien (1660).
La salle Nicolas Poussin regroupe le classicisme français du XVIIe siècle
Avec son Tancrède et Herminé (1628), Poussin nous offre une magnifique scène de genre et avec son Paysage avec Polyphème (1649), il rend hommage de belle manière à la peinture mythologique et au paysage.
La Salle Rembrandt comprend 24 toiles du Maître !
Avec notamment Danaé (1636) et Retour du fils prodigue (1668).
La salle de l’art flamand du XVIIe siècle
Met en valeur les œuvres de Jacob Jordaens, en particulier Le roi boit (1638), représentant jovialité et truculence dans leur plus pure expression !
La salle consacrée à l’art français du XVIIe siècle
Rend hommage à Louis le Nain avec sa visite à la grand-mère (1645).
La salle sur l’art néerlandais du XVIIe siècle
Met à l’honneur Willem Kalf et son Dessert (1653) et Gérard ter Borch et son célèbre Verre de limonade (1660) : deux monuments de la nature morte néerlandaise et mondiale ! Pomposité, luxe, clair-obscur et couleurs flamboyantes sont au centre du travail de ces deux maîtres.
La salle sur l’art italien des XVII et XVIIIe siècle
Est remarquable notamment par les œuvres de Canaletto et sa Place Saint-Marc (1730) et sa Réception par l’ambassadeur de France (1745) et celles de Francesco Guardi et sa Vue de l’île de San Giorgio Maggiore (1770).
La salle consacrée à l’art anglais du XVIe au XVIIIe siècle
Met à l’honneur Thomas Gainsborough avec en particulier sa réputée « Femme en bleu » de 1775.
L’art français tient une place particulièrement importante dans le musée
Avec de nombreuses salles comme la salle Monet, la salle Renoir, la salle Van Gogh, la salle Gauguin, la salle Cézanne, la salle Rodin, la salle Picasso, la salle Matisse, la salle Kandinsky… Le musée de l’Ermitage regroupe la troisième collection d’art français du Monde, après le Louvre et le Musée d’Orsay.
Le XVIIIe siècle français est en particulier représenté par le célèbre Voltaire (1778) de Jean-Antoine Houdon, Baiser à la dérobée de Jean-Honoré Fragonard (1787) et Marguerite Gérard, son élève et belle-sœur. Sont également représentés Joséphine de Beauharnais (1801) du portraitiste François Gérard, Jeu de billard (1807) de Louis-Léopold Boilly ou Suites d’un bal masqué (1857) du peintre académique orientaliste Jean-Léon Gérôme.
Sont particulièrement admirés des visiteurs la Dame en blanc au jardin (1867) et le Coin de jardin à Montgeron (1876) de Claude Monet, Portrait de l’actrice Jeanne Savary (1878) et Femme à l’éventail (1881) d’Auguste Renoir, Boulevard Montmartre (1897) de Camille Pissarro, Arènes d’Arles (1888) et Souvenir du jardin d’Etten (1888) de Vincent Van Gogh, Nave nave moe (eau délicieuse) (1894) de Gauguin, Nature morte au rideau (1898) de Paul Cézanne, Deux sœurs (1902) de Pablo Picasso, Composition VI (1913) de Vassili Kandinsky, Desserte rouge (1908), Musique (1910) et Danse (1909) d’Henri Matisse…
Quand l’Europe de l’Est sera redevenue ce qu’elle devrait être et que nous pourrons en toute sérénité reprendre la destination de Saint-Pétersbourg, nul doute que nous serons à nouveau nombreux à parcourir l’immensité du musée de l’Ermitage pour admirer parmi les plus belles choses que l’humanité a pu créer en matière d’art…