SECURITE Le blog citoyen Pour Fontenay publiait il y a quelques jours un article intitulé «Cambriolages à Fontenay : La vidéo protection est-elle efficace ? ». La tonalité générale de cet article est résolument défavorable à l’outil vidéo en matière de sécurité publique, le jugeant à la fois inefficace et liberticide, soulignant en particulier le risque d’utilisation à la chinoise, à des fins de reconnaissance faciale.
C’est l’occasion pour La Gazette de Sceaux de faire le point sur le sujet afin d’éclairer ses lecteurs sur l’intérêt de cet outil et sur son éventuelle dangerosité.
Vidéoprotection et vidéosurveillance
Il est bon de rappeler la différence entre les deux concepts afin de savoir précisément de quoi l’on parle. Les dispositifs de vidéoprotection filment la voie publique et les lieux ouverts au public : rue, gare, centre commercial, zone marchande, piscine etc.
Les dispositifs de vidéosurveillance filment les lieux non ouverts au public : locaux d’entreprises, de commerces, d’hôtels réservés aux salariés, réserve d’un magasin, entrepôts, copropriété fermée, etc.
En résumé, les dispositifs de vidéosurveillance filment donc des lieux privés ou des lieux de travail non ouverts au public, alors que la vidéoprotection couvre l’espace public.
En France, la loi sur la sécurité intérieure en 2011 codifiée dans le Code de la sécurité intérieure (Loi n° 2011-267 du 14 mars 2011 d’orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure), encadre strictement la surveillance par vidéo du domaine public. Elle ne peut être assurée que par les forces habilitées et mentionnées dans une autorisation préfectorale préalable. Eux seuls peuvent dans ce cadre visionner les images de vidéoprotection. La vidéoprotection que ces derniers assurent dans le cadre de leurs fonctions supposent qu’ils soient particulièrement formés et sensibilisés aux règles de mises en œuvre d’un système de vidéoprotection.
Accélération de sa généralisation en France
Dans les dernières années, le nombre de caméras utilisées à filmer la voie publique a fortement augmenté, surtout sous l’impulsion des pouvoirs publics, pour lutter contre l’insécurité. De très nombreuses municipalités ont suivi ce mouvement et cette croissance ne cesse de se poursuivre sur la base du constat de l’apport positif que la vidéoprotection apporte au maintien de la sécurité des biens et des personnes.
Ce que permet de faire la vidéoprotection
Des caméras peuvent être installées sur la voie publique pour prévenir des atteintes à la sécurité des personnes et des biens dans des lieux particulièrement exposés à des risques d’agression, de vol ou de trafic de stupéfiants, des actes de terrorisme, dans les conditions prévues par l’article L.251-2 du code de la sécurité intérieure. Ces dispositifs peuvent également permettre de constater des infractions aux règles de la circulation, de réguler les flux de transport, de protéger des bâtiments et installations publics et leurs abords. Ils peuvent par ailleurs permettre d’assurer la sécurité d’installations utiles à la défense nationale, de prévenir des risques naturels ou technologiques, de faciliter le secours aux personnes ou encore de lutter contre les incendies et d’assurer la sécurité des installations accueillant du public dans les parcs d’attraction.
Le traditionnel « pour et contre »
Traditionnellement, approche sécuritaire et liberté individuelle de circulation s’opposent sur ce sujet comme sur bien d’autres.
Selon ses partisans, la vidéoprotection permet de prévenir la criminalité (attaques à main armée, cambriolages, agressions sur voirie, terrorisme, etc.) et d’opérer un contrôle social (mouvements de foule, etc.).
À l’opposé, ses détracteurs lui reprochent de constituer une atteinte à la vie privée et aux libertés fondamentales tout en étant peu efficace pour prévenir les délits. D’autres mettent en avant son coût par rapport à son efficacité limitée. C’est le sens général de l’article de nos collègues de Pour Fontenay.
Quoi qu’il en soit, dans les pays démocratiques, elle nécessite d’être contrôlée par des organismes indépendants, comme la CNIL en France, pour en limiter ses extensions et en encadrer l’utilisation.
La dérive liberticide est actuellement impossible grâce à un strict cadre réglementaire européen
Au-dessus de la protection de premier niveau assurée par le Code de la sécurité intérieure au niveau national, des dispositifs européens consolident la protection du citoyen français contre toute utilisation abusive de la vidéoprotection.
La directive européenne « Police-Justice » n° 2016/680 du 27 avril 2016 établit des règles relatives à la protection des personnes physiques à l’égard du traitement des données personnelles par les autorités compétentes pour les enquêtes et les poursuites pénales à des fins de prévention et de détection des infractions pénales, d’enquêtes et de poursuites en la matière ou d’exécution de sanctions pénales, y compris la protection contre les menaces pour la sécurité publique et la prévention de telles menaces.
Le RGPD, le « Règlement Général sur la Protection des Données » européen n° 2016/679 du 27 avril 2016, encadre le traitement des données personnelles sur le territoire de l’Union européenne. Il est fondé sur le principe de sécurité, celui de confidentialité et sur les droits des personnes : le responsable du fichier informatique doit garantir la sécurité des informations qu’il détient. Il doit en particulier veiller à ce que seules les personnes autorisées aient accès à ces informations.
Ces deux dispositifs, qui constituent le « paquet européen relatif à la protection des données à caractère personnel », se veulent complémentaires. En l’état actuel du Droit, toute dérive dans l’utilisation de l’outil vidéo par les autorités françaises n’est donc pas possible.
Les arguments en faveur de la vidéoprotection sur le terrain
1. En augmentant objectivement l’effort que doivent produire les délinquants pour commettre leurs méfaits, en augmentant leurs risques à agir, on ne peut nier que la vidéoprotection a un effet dissuasif.
2. L’effet plumeau, souvent évoqué par les opposants est neutralisable s’il est géré en concertation avec les quartiers voisins et les communes environnantes. L’effet plumeau, c’est lorsque les caméras de vidéoprotection suscitent le déplacement de la délinquance vers un lieu moins surveillé. De nombreux exemples d’une neutralisation efficace de cet effet existent.
3. C’est un moyen performant d’identification des auteurs en cas d’acte criminel.
4. C’est la garantie d’une meilleure prévention des accidents dans la mesure où le déclenchement de secours peut être accéléré dès lors que le système est en visualisation directe.
5. L’effet structurant d’un tel dispositif a été constaté à chaque mise en place car cela conduit à se poser nécessairement les bonnes questions :
- Quel type de visualisation ? directe ou exploitation différée, en fonction de l’organisation locale des forces de sécurité (Police nationale, Police municipale) et de l’effet recherché : flagrant délit, apaisement…
- Faut-il envisager une mutualisation avec les communes limitrophes, par exemple si la commune n’est pas dotée d’un commissariat de police, pour partager les coûts d’investissement et de personnel…
- Déterminer l’architecture du système oblige au préalable à se poser toutes les bonnes questions précitées et d’autres…
6. Ce n’est qu’en cas d’implantation mal pensée que peut apparaitre une certaine inefficacité de la vidéoprotection : inefficacité si les emplacements ou l’orientation des caméras n’ont pas été suffisamment travaillés en amont avec les forces de police concernées.
7. Les risques de cyberattaques ou de panne électrique parfois cités contre la mise ne place de vidéoprotection ne sont pas des arguments qui peuvent sérieusement résister à l’analyse, tant par le caractère mineur de tels risques que par les mesures qui peuvent être prises pour surmonter ces phénomènes (cybersécurité et alimentation électrique de secours).
Conditions de la réussite d’une vidéoprotection
Comme tout projet, une telle implantation suppose la mise en place d’une véritable gestion de projet avec les étapes classiques qui vont bien : définition des objectifs recherchés, pilotage du projet, architecture du système, etc.
Dans le cas contraire, on arrive presqu’invariablement à une dépense jugée légitimement inefficace par les administrés car elle ne produit pas l’effet escompté sur la délinquance.
Le risque liberticide, s’il existe toujours en théorie, ne constitue pas une véritable menace dans la France républicaine et démocratique actuelle : mieux vaut éviter des ennuis certains et permanents au quotidien à nos concitoyens grâce à la vidéoprotection que d’éviter de faciliter les choses à un improbable dirigeant autoritaire d’un futur virtuel…