Le président de la République annonce ce soir de nouvelles mesures pour tenter d’endiguer la progression sans frein de la Covid. On ne sait pas jusqu’à quel point la réduction des contacts et des déplacements sera estimée nécessaire. Nous savons en revanche dans quel contexte cela s’inscrit.
C’était la première vague
Le 12 mars, E Macron annonçait à la télévision sa décision de confiner le pays à cause de la Covid. Ce jour-là, il y eut 13 morts dans les hôpitaux.
Le 16 mars, veille du début effectif du confinement, il y eut 19 morts dans les hôpitaux. Le 23 mars 186, le 30 mars 418 et le 3 avril 588.
Le 18 mars, il y avait 3626 hospitalisés Covid, dont 931 en soins intensifs (réanimation). Ceci rappelle clairement la vitesse à laquelle le virus peut se propager.
La deuxième vague est là
Le 15 octobre, il y a eu 88 morts du Covid dans les hôpitaux. Le 17 octobre, on comptait 10399 personnes hospitalisées Covid dont 1868 en soins intensifs (occupant 36 % des lits de réanimation en France).
Le 22 octobre, il y a eu 165 décès en milieu hospitalier, le 27 octobre on en comptait 292. Soit un total de 2968 décès Covid depuis le début du mois : on sera au-delà de 3500 sur le mois d’octobre. Et il faut rajouter les décès dans les Ehpad, environ une centaine par semaine pour l’instant. Soit autour de 4000 décès au total en octobre.
Si le rythme de l’épidémie ne change pas, il y aurait autour de 15 000 morts en novembre et autour de 60 000 morts en décembre. Mais les Français semblent s’être habitués et d’aucuns s’indignent de ne plus pouvoir aller boire un coup le soir, voire tous les soirs, à en croire la majorité des médias.
Une montée progressive
Il est vrai que le coefficient de reproduction (le fameux R) a nettement baissé : dans la deuxième quinzaine de mars, il était de l’ordre de 3, alors qu’il serait plutôt de 1,4 ces derniers mois.
Si on regarde le verre à moitié vide, on observe que, puisque ce taux est supérieur à 1, le nombre de cas, de patients hospitalisés ou en soins intensifs, de décès, augmente d’une semaine à l’autre. Si on regarde le verre à moitié plein, la nette baisse de R donne une montée en charge beaucoup plus progressive qu’au printemps, donc donne théoriquement le temps de s’adapter.
Concrètement, cela signifie aussi que la majorité des Français sont devenus plus prudents et ont adopté, au moins en partie, les gestes barrières.
Le drame est que cette montée progressive depuis la mi-juillet, à partir d’un point bas, a permis de nier la réalité de l’arrivée de la deuxième vague à tous ceux qui ne voulaient pas voir la montée des cas.
Aujourd’hui, les villes les plus touchées ont un taux d’incidence supérieur à 1000. Un taux d’incidence à 1000 signifie que chaque semaine 1% de la population est contaminé… et devient contagieux. En juillet, un taux d’alerte avait été choisi pour 50 cas pour 100 000 habitants, à un moment où on était partout en France largement en dessous. A Paris, on est aujourd’hui 9 fois plus élevé que le seuil d’alerte.
Aujourd’hui, la vague est là. La moitié des lits de réanimation sont occupés par des malades Covid. Et cela ne fait qu’augmenter. Au rythme actuel, ils seront tous occupés dans deux semaines.
Alors, certes, on peut écarter les murs, transformer les salles de réveil en salle de réanimation, rappeler les soignants retraités. On l’a fait au printemps, on a déjà commencé à le refaire. Mais cela ne fait que repousser le désastre de quelques jours.
La seule solution, c’est de faire passer R en dessous de 1. Et tant qu’à faire, assez nettement, vers 0,5/ 0 ,7 comme en avril mai.
Le couvre-feu a obtenu ce résultat en Guyane ou en Guadeloupe. Pour l’instant, on n’observe pas un tel effet ici. Peut-être qu’on en observera un d’ici quelques jours, mais il y a un risque que cet effet soit insuffisant.
Ce que chacun peut faire
Sur le papier, la solution est simple : il faut diviser par deux le nombre de relations sociales susceptibles d’être des occasions de contaminations.
Un mathématicien a calculé qu’avec le taux d’incidence actuel chez les jeunes en Ile de France, la probabilité que dans une réunion de 30 jeunes il y en ait au moins un de contagieux pour la Covid est de 21 %. Un sur cinq. Le chiffre est un peu plus faible pour des personnes plus âgées, mais pas tant que cela. Si vous invitez chez vous deux ou trois couples de vos amis pour l’apéro, le risque que vous soyez tous contaminés à la fin de l’apéro n’est pas négligeable.
Si on ne peut pas faire autrement que d’être avec d’autres personnes, deux précautions sont à prendre : porter le masque (ou, même chez vous avec vos amis) et aérer.
Le journal madrilène El Pais a publié récemment un article sur le sujet, avec des dessins particulièrement pédagogiques sur le sujet. On ne peut que conseiller à chacun d’aller le lire.
L’indispensable sens du collectif
Quelques soient les décisions des autorités, ce sera le comportement de chacun qui fera augmenter ou diminuer le rythme de l’épidémie. A chacun d’agir en conscience. Et de façon coordonnée.
Ce rappel peut sembler répétitif, mais on entend s’exprimer tant de plaintes, tant de besoins urgents de « vivre à nouveau », de « reprendre le cours de sa vie », sans parler des récriminations habituelles contre les gouvernements et les politiques, qu’on se permet de redire ici l’impérieuse nécessité des responsabilités individuelles.
Dans la Peste, livre souvent cité ces temps-ci et à bon droit, Camus dit : « Ce qui est naturel, c’est le microbe. Le reste, la santé, l’intégrité, la pureté, si vous voulez, c’est un effet de la volonté et d’une volonté qui ne doit jamais s’arrêter. »