Au début, il y eut le masque de chantier. En mars, quand le confinement se dessina et que le port du masque s’imposait dans les transports, on en trouvait encore chez Bricorama au Plessis-Robinson. Cela n’a pas duré et, souvenons-nous, la pénurie était évidente; la seule mesure était de respecter scrupuleusement les distances. Ensuite, tandis qu’on discutait abondamment sur les propriétés des masques, sur leur efficacité, apparut la distinction à faire en les FFP2 et les autres. Pour ma part, et je ne pense pas être le seul, je n’avais jamais entendu parler de cette norme, ni d’ailleurs du médical ou du chirurgical. Il y avait des masques, point.
Mais, depuis peu, nous sommes entrés dans une nouvelle phase. Avec l’obligation d’en porter qui se généralise, avec la conscience que terrasser la bête prend du temps et qu’il faudra faire avec, faisant de mauvaise fortune bon coeur, les imaginations se sont débridées.
Le masque devient un objet tendance. Il y a bien sûr les distributions de masques bleus ou blancs assurées par les collectivités locales. Ne plaisantons pas : leur rôle est de parer au plus pressé et certainement pas de lancer des appels d’offres pour des dessins ébouriffants. Tout de même, la mairie de Sceaux, qui prend sa place dans cette diffusion, a enrichi sa palette de plusieurs jolies couleurs. Mais on est dans le simple, et c’est bien comme ça.
Pendant ce temps, les designers ont bien compris que l’objet en se répandant appellerait à la distinction. Rien n’empêche d’insuffler dans un masque des détails, des formes, qui font mode, qui tranchent, qui se distinguent.
Une liste complète est impossible à faire. Tout le monde s’y est mis. Ce ne sont que des exemples piochés ici et là sur le net, mais ils expriment tout le talent que l’industrie de l’habillement est capable de montrer. Ainsi, Bataillon Belette dont l’ADN est dans le collant s’est lancé dans l’affaire. Des offres bien moulées, du solide. Chez VistaPrint, le spécialiste de l’étiquette, de la carte de visite et du prospectus, on peut faire imprimer sur un masque la photo de son animal favori, d’un paysage avant ou après la bataille, un pneu, une bouche, bref ce que vous voulez….
Avec Touche de soie, on entre dans le raffiné, l’exception, l’événement unique: le mariage, le cocktail, la communion. Les gestes barrières s’imposent même aux plus prospères d’entre nous. Et l’intelligence, qui peut s’appuyer sur des prix de vente confortables, sait montrer ses subtilités : par exemple « le tissu n’accroche pas le maquillage »; on a des coloris vert jade, rose poudré; la peau est respectée. Ce n’est pas du fignolé ça?
Que serait le monde sans ces inspirations?