On a appris récemment que la centrale nucléaire de Flamanville avait déclaré le 14 octobre un « événement significatif environnement », pour avoir dépassé la limite annuelle d’émission de SF6 (l’hexachlorure de soufre, un puissant gaz à effet de serre). Cette limite est de 100 kg. En ces temps de mobilisation contre les émissions parasites, il convient d’en dire quelques mots.
Un incident lié aux équipements haute tension
L’article de Ouest France qui signale l’événement précise que « Le SF6, visé dès 1997 par le protocole de Kyoto sur le climat, a un potentiel de réchauffement 23 000 fois supérieur à celui du CO2 et reste dans l’atmosphère jusqu’à 3.000 ans. C’est le plus puissant des gaz à effet de serre, même s’il en représente une petite part. »
L’article note aussi que l’association « Sortir du nucléaire » a vivement réagi à cette annonce.
Réaction étonnante, quand on creuse un peu la question. Comme l’indique l’article de Ouest-France, le SF6 « est utilisé pour garantir l’isolement électrique des équipements haute tension. Sur le site de Flamanville, […il est] utilisé comme isolant pour les postes d’évacuation d’énergie et les postes d’alimentation des transformateurs auxiliaires », précise de son côté EDF. Dit autrement, l’incident n’a rien de spécifiquement nucléaire et pourrait aussi bien se produire pour une centrale au charbon, au gaz…ou un parc d’éoliennes !
Les émissions de SF6
Pour mieux comprendre l’importance (ou non) de l’incident, j’ai été consulter les données du CITEPA. Cet organisme, qui fêtera prochainement ses 60 ans, produit toutes les données sur la pollution de l’air. Y compris donc celle due au SF6.
Les données sont produites en kT CO2e, qui représente un équivalent CO2. C’est-à-dire que pour comparer l’effet de serre de ces émissions avec celle du CO2, on a multiplié les émissions par le potentiel de réchauffement cité plus haut, soit 23.000. Les 100 kg de SF6 émis à Flamanville deviennent alors 2.300 tonnes de CO2e.Ou 2,3 kt.
Le CITEPA nous apprend qu’en 2020 les émissions de SF6 ont été de 387 kt de CO2e. Les émissions de Flamanville en représentent donc un peu moins de 1%. Sur ces 387 kt, 171 proviennent de l’industrie électrique : les rejets de Flamanville représentent cette fois un peu plus de 1% de ces émissions.
On peut aussi comparer ces 387 kt pour le soufre au total, tous gaz confondus, total qui se monte pour cette même année 2020 à 396 Mt, dont 287 pour le CO2, 56 pour le CH4 et 38 pour le N2O.
Les émissions de SF6 représentent donc en France à peu près 1/1000 du total des gaz à effet de serre quand on compte en CO2e. Il est normal de les surveiller, mais ce n’est même pas l’épaisseur du trait !
Le CITEPA fournit aussi des données historiques et les deux graphiques ci-dessous en sont extraits :
Évolution des émissions de SF6 en France
Évolution des émissions dans l’air de SF6 depuis 1990 en France (Métropole et Outre-mer UE): répartition par secteurs.
Les émissions de SF6 ont été divisées par 5,6 depuis 1990 et les émissions de l’énergie ont été divisées par 3. Dans le même temps, les émissions de C02 ont baissé de 28 % et celles de CH4 de 20%. Dans l’atmosphère anxiogène largement soutenue par des déclarations alarmistes, on voit tout l’intérêt qu’il y a de garder la tête froide.