Fanny Guyomard, dans un article des Echos du 8 juin, dresse une surprenante perspective : il y aurait du business à faire avec les trottoirs ! Ni vous ni moi, bien sûr, mais les communes, peut-être bien que oui. Elle explique que la Ville de Paris compte facturer, à partir du 30 septembre, les emplacements que les restaurateurs prennent sur les trottoirs.
Mais elle va plus loin et pose plus globalement la question des services utilisant les trottoirs : ne devraient-ils pas contribuer un peu plus à leur développement ? Et, avec un tantinet de provocation : Pourquoi ne pas faire payer Amazon ? A défaut d’espérer une issue positive rapide, le point vaut d’être soulevé.
Dans son étude pour la Métropole du Grand Lyon intitulée La valeur des trottoirs, Isabelle Baraud-Serfaty s’interroge : « La rue apparaît ainsi comme un lieu « gratuit ». Toutefois, si cela ne « coûte rien » de mettre le trottoir à disposition quand il est abondant, cela présente un coût d’opportunité quand il devient rare : telle occupation se fait potentiellement au détriment d’une autre occupation. Faut-il alors mettre en place une mesure d’impact social du bout de trottoir utilisé ? »
Elle évoque la multitude des « opérateurs » agissant sur (et dans) la rue, appelant des besoins nouveaux de gouvernance. La rue, dit-elle, est à voir comme « ressource rare dont il faut gérer l’allocation, rue comme gisement de valeur ». Elle observe l’arrivée débridée de services qui vont des vélos en location, aux points de retrait de produits alimentaires, les livraisons à domicile qui s’ajoutent aux usages directement liés à la mobilité des personnes.
Tout ceci est un enjeu fort pour les piétons, le mode de déplacement, doit-on le rappeler ? le plus écolo du monde qui présente le moindre risque et qui est pourtant le plus vulnérable. Il faut admettre que dans l’esprit de beaucoup, l’écologie c’est le vélo. Les piétons ne sont hélas pas parvenus au même niveau symbolique.
Si les mobilités « douces » ne s’opposent certainement pas, encore faut-il encore construire une vision positive de leur cohabitation. Laquelle ne se résume pas aux trottoirs car, au-delà, il s’agit de la continuité du cheminement piéton. C’est bien le partage global de la rue qui est en question.
Fanny Guyomard cite, dans son article, un élu rennais estimant que le trottoir est « un objet urbain qui incarne le mieux la nouvelle économie de la rue et par extension les mutations de la ville ».
On ne saurait mieux dire.
« Il faut que tout change pour que rien ne change » fait dire Visconti au Guépard, prince de Salina.
Quand j’était petit, disons fin des années 40 – début des 50, ça fait loin effectivement, j’ai le vague souvenir que je marchais sur les trottoirs sans autre concurrence que les autres piétons. Mais la jeunesse ne voit que ce qu’elle a envie de voir.
Je note cependant que la problématique de l’utilisation de la rue et de ses trottoirs est devenue une question financière : « …La rue apparaît ainsi comme un lieu « gratuit ». Toutefois, si cela ne « coûte rien » de mettre le trottoir à disposition…»
Le bien commun est devenu un bien marchand.
Pour ma part, je marche encore et, avec grande chance, je n’ai pas encore besoin de canne. Comment font ceux, de plus en plus nombreux pour évoluer en sécurité dans ces « zones de non droit » ?